Au sommaire
Le licenciement pour insuffisance professionnelle est un licenciement pour motif personnel, non disciplinaire, justifié par l’insuffisance d’un salarié dans l’accomplissement de la prestation de travail pour laquelle il a été embauché
La direction des ressources humaines ou l’employeur qui souhaite se séparer d’un collaborateur ne dispose pas d’une infinité de solutions.
Il peut emprunter la voie :
• D’une rupture amiable ce qui suppose alors l’accord du collaborateur ;
• D’un licenciement pour motif économique à condition qu’il puisse justifier d’un motif économique ;
• D’un licenciement pour motif personnel.
Dans cette dernière hypothèse, la rupture du contrat de travail prendra la forme soit d’unlicenciement pour motif disciplinaire soit d’un licenciement non fautif.
Si le salarié en question n’exécute pas correctement sa prestation de travail sans pour autant avoir un comportement fautif il peut faire l’objet d’un licenciement pour insuffisance professionnelle.
I. Les conditions du licenciement pour insuffisance professionnelle
Plusieurs conditions sont exigées pour qu’un licenciement pour insuffisance professionnelle soit fondé :
1. L’insuffisance reprochée doit concerner la qualification ou les fonctions du salarié
Un licenciement pour insuffisance professionnelle n’est envisageable que si les faits reprochés au salarié relèvent bien de sa qualification.
Un salarié est embauché en qualité d’électricien mais est affecté à des tâches étrangères à sa qualification (décharger les camions, nettoyer le magasin, livrer les cuisines et aider ses collègues pour la pose).
Dans cet exemple les griefs reprochés aux salariés doivent uniquement concerner ses capacités à communiquer, informer, promouvoir et vendre les médicaments en question.
Il faut donc bien définir la classification et l’emploi occupé par le salarié qui se voit reprocher une insuffisance professionnelle en allant regarder dans la convention collective.
2. Les objectifs fixés par la hiérarchie / le manager doivent être « réalistes »
« Mais attendu qu’appréciant souverainement les éléments de preuve, sans les dénaturer ni être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d’appel, qui a constaté qu’en dépit des alertes de l’employeur, le salarié n’avait pas atteint les objectifs dont elle avait vérifié le caractère réaliste »
Cass. soc., 31-01-2018, n° 16-22.287, F-D, Rejet
Les juges doivent donc apprécier le caractère « réaliste » ou non des objectifs assignés au salarié.
Pour déterminer le caractère réaliste ou non d’un objectif il convient notamment de scruter :
- l’état du marché ;
- les objectifs réalisés par l’ensemble des salariés ou par d’autres entreprises, le cas échéant, au regard de l’expérience professionnelle du salarié.
3. La non réalisation doit être imputable à une incompétence du salarié et non à des éléments qui lui sont extérieurs
V. la partie sur les moyens de contestation ci-dessous.
II. Les moyens de contestation d’un licenciement pour insuffisance professionnelle
Un employeur estimant disposer de suffisamment d’éléments pour satisfaire les trois conditions énoncées ci-dessus peut envisager la voie du licenciement pour insuffisance professionnelle.
Cependant, il faut bien anticiper les moyens de contestations possibles du salarié concerné afin d’éviter qu’une éventuelle action en justice soit intentée postérieurement à la rupture du contrat.
Plusieurs arguments s’offrent au salarié souhaitant contester son licenciement pour insuffisance professionnelle :
Constituent des griefs vagues une lettre de licenciement mentionnant seulement des :
« Problématiques régulières et récurrentes d’organisation sur le poste de travail. »
CA Amiens, 26-01-2016, n° 14/00159, Infirmation
Ou un employeur reprochant à un collaborateur son :
« manque d’imagination, d’initiative et de dynamisme »
Cass. soc. 2-6-1988 n° 85-44.486
En pratique ce point est extrêmement important. Il s’agit bien souvent d’une simple question de preuve
« si un doute subsiste, il profite au salarié »
Article L1235-1 du Code du travail
L’employeur doit donc réunir des éléments démontrant le caractère réel de l’insuffisance reprochée.
Les documents suivants peuvent être utiles :
- Comptes rendus d’entretien annuel d’évaluation ;
- Rapports suite à une évaluation menée par le manager…
En tout état de cause les modes d’évaluation doivent être licites. A défaut, ils ne seront pas recevables.
Certains salariés invoquent leur faible ancienneté pour justifier leur insuffisance.
Le raisonnement est le suivant : leur durée de présence dans l’entreprise ne leur a pas permis d’obtenir les compétences professionnelles demandées par la hiérarchie.
Pour contester cet argument il suffirait de démontrer :
- Que les tâches demandées étaient déjà effectuées auparavant par le salarié en se basant notamment sur le curriculum vitae transmis au moment de l’embauche ;
- Que le même temps d’adaptation est laissé aux autres salariés et que ceux-ci satisfont les objectifs fixés.
L’employeur est tenu à une obligation d’adaptation à l’égard de ses salariés (article L. 6321-1 du Code du travail)
A défaut pour l’employeur de satisfaire cette obligation, le salarié pourrait considérer que l’insuffisance reprochée ne lui est pas imputable.
L’employeur doit alors être en mesure de :
- fournir les preuves des formations dispensées au salarié
- démontrer, le cas échéant, que le salarié n’a pas suivi les formations jusqu’au bout au besoin en fournissant des témoignages des collaborateurs ou des managers (ou des rapports de formation).
Le salarié pourrait contester le nombre et le contenu des formations dispensées.
Le licenciement est en revanche justifié lorsque le salarié ne s’adapte pas au nouveau poste auquel l’employeur a vainement tenté de le former.
Le salarié doit être correctement informé des objectifs à atteindre.
A défaut, il pourrait mettre en avant l’insuffisance de précisions des objectifs qui lui étaient demandés.
Certains salariés évoquent l’insuffisance de moyens humains et matériels pour contester l’insuffisance.
L’employeur doit alors pouvoir démontrer deux éléments :
- D’une part que la charge de travail était adaptée pour un salarié ;
- D’autre part que tous les moyens matériels ont été mis à sa disposition pour lui permettre de réaliser ses missions correctement.
Le salarié pourrait évoquer une mauvaise entente avec son nouveau manager pour établir que son insuffisance professionnelle n’est pas fondée.
L’employeur devrait alors pouvoir établir que l’insuffisance professionnelle était déjà présente antérieurement au changement de manager.
La période d’essai a pour objet de permettre à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié de sorte que certains salariés contestent leur licenciement pour insuffisance en invoquant le fait qu’ils aient été gardés après la période d’essai.
Cependant la jurisprudence est claire : le fait que le salarié ait été embauché après une période d’essai ne saurait priver l’employeur du droit d’invoquer par la suite son insuffisance professionnelle.
III. Les risques juridiques en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle
1. En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Pour l’employeur le risque réside dans la reconnaissance par un juge d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les indemnités de licenciement sont désormais plafonnées.
Certains salariés peuvent invoquer également les circonstances brutales de leur licenciement pour demander une indemnité pour licenciement dans des conditions vexatoires.
2. En cas de nullité du licenciement
L’invocation d’un harcèlement moral ou d’une discrimination (ex : âge, religion, sexe etc..) permet d’obtenir la nullité du licenciement.
Dans ce cas le plafonnement des indemnités n’est pas applicable. Les risques indemnitaires sont plus élevés.
Le salarié pourrait prétendre soit :
- 1. A sa réintégration et aux salaires dont il a été privé pendant le temps où il a été illégalement évincé de l’entreprise ;
- 2. En cas de non réintégration (s’il ne la demande pas) à une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire et aux salaires dont il a été privé pendant la durée de son évincement.
3. En tout état de cause (même si le licenciement a bien une cause réelle et sérieuse) :
Le salarié peut prétendre en tout état de cause à :
- L’indemnité de préavis (article L. 1234-1 du Code du travail).
Elle est égale aux salaires et aux avantages qu’auraient perçu le salarié s’il avait travaillé.
- L’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (article L. 1234-9 du Code du travail).
Elle est égale à ¼ d’un mois de salaire par année d’ancienneté lorsque le salarié compte au moins 8 mois d’ancienneté.
- L’indemnité de congé payé (article L. 3141-26 du Code du travail)
Pour plus d’informations sur les indemnités en cas de licenciement je vous invite à regarder cette vidéo :