I. Définition de la mise en cause d’une convention ou d’un accord collectif
La mise en cause d’une convention ou d’un accord collectif est la disparition, à l’égard de tout ou partie des salariés, de l’une des causes d’application d’une convention ou d’un accord collectif. En conséquence, l’accord ou la convention collective (de branche ou d’entreprise) n’est plus normalement applicable à des salariés qui pouvaient s’en prévaloir (C. trav., art. L. 2261-14 à L. 2261-14-4).
En pratique, soit l’entreprise change d’activité ou de lieu géographique, soit les salariés changent d’employeur notamment à la suite d’une opération de réorganisation : fusion, cession, scission ou changement d'activité… (C. trav., art. L. 2261-14).
Toutefois, la perte de la qualité d'organisation représentative de toutes les organisations syndicales signataires d’une convention ou d’un accord collectif n'entraîne pas la mise en cause de cette convention ou de cet accord (C. trav., art. L. 2261-14-1).
II. Les situations possibles suite à la mise en cause
En pratique deux situations sont possibles :
- soit les partenaires sociaux envisagent en amont la mise en cause et anticipent la conclusion d’un accord d’adaptation (1) ;
- soit l’accord d’adaptation a lieu après la mise en cause (2).
(1) Absence d’anticipation de la mise en cause : conclusion d’un accord d’adaptation postérieurement à la mise en cause de l’accord collectif
Avant la conclusion d’un accord d’adaptation
- La convention ou l’accord collectif est mis en cause à l’issue du délai de trois mois du préavis. Une négociation doit ensuite s’engager pour déboucher sur un accord d’adaptation
- Pendant la durée du préavis (trois mois) puis pendant un délai d’un an à compter de l’expiration du préavis (soit 15 mois) la convention ou l’accord collectif mis en cause continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de l’accord d’adaptation.
- La convention ou l’accord collectif mis en cause cesse de produire effet lorsqu’un accord d’adaptation est conclu même si ses dispositions sont moins favorables aux salariés que la convention ou l’accord mis en cause (Soc., 3 mars 1998, n° 95-44.357).
- L’accord d’adaptation conclu peut être d’un niveau inférieur à la convention ou l’accord collectif mis en cause (Soc. 9 fév. 1994, n° 91-16.000). Par exemple, si la convention ou l’accord est mis en cause, il est possible de conclure un accord d’adaptation au niveau de l’entreprise.
Lorsqu’aucun accord d’adaptation n’a été conclu
Lorsque la convention ou l’accord mis en cause n'a pas été remplacé par un nouvel accord d’adaptation dans les délais, les salariés des entreprises concernées bénéficient d'une garantie de rémunération.
Le montant annuel de cette garantie de rémunération, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l’accord collectif dénoncé et du contrat de travail, lors des douze derniers mois.
L’article vise la rémunération au sens de L. 242-1 du Code de la sécurité sociale c’est-à-dire tous les éléments de rémunération entrant dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale ce qui exclut les remboursements de frais professionnels, la participation ou l’intéressement.
Cette garantie de rémunération peut être assurée par le versement d'une indemnité différentielle entre le montant de la rémunération qui était due au salarié en vertu la convention ou de l’accord collectif dénoncé et de son contrat de travail et le montant de la rémunération du salarié résultant du nouvel accord collectif, s'il existe, et de son contrat de travail (C. trav., art. L. 2261-13 al 2).
La Cour de cassation a précisé que ne peut pas constituer un accord d’adaptation la convention ou l’accord collectif applicable dans l’entreprise d’accueil.
(2) Anticipation de la mise en cause : conclusion d’un accord d’adaptation antérieurement à la mise en cause de l’accord collectif
La loi du 8 août 2016 permet une anticipation de la mise en cause d’une convention ou d’un accord collectif. Il est possible de conclure un accord anticipé de substitution qui prendra la forme soit :
1. D’un accord de transition consistant en la mise en place d’un statut transitoire, dans la limite de trois ans, uniquement pour les salariés transférés.
Cet accord :
- est conclu par les employeurs et les seuls syndicats de l’entreprise cédante ou transférée (C. trav., art. L. 2261-14-2) ;
- se substitue à la convention ou à l’accord mis en cause pour une durée de trois ans maximum et ne s’applique qu’aux salariés transférés.
Il ne s’agit que d’un accord de transition, car à son terme les conventions et accords collectifs de l’entreprise d’accueil s’appliquent.
2. D’un accord de substitution (ou accord d’adaptation anticipé) qui définit, de façon définitive, un statut harmonisé pour la période postérieure au transfert.
Cet accord de substitution est conclu entre les employeurs et les syndicats représentatifs dans les entreprises ou les établissements concernés par une fusion, cession, scission ou toute autre modification juridique ayant pour effet la mise en cause d’une convention ou d’un accord collectif (C. trav., art. L. 2261-14-3).
Il a vocation à couvrir l’ensemble des salariés impactés par l’opération de restructuration ou de réorganisation c’est-à-dire qu’il se substitue aux conventions et accords mis en cause et révise les conventions et accords collectifs de l’entreprise d’accueil pour harmoniser le statut entre les salariés de l’entreprise transférée et de l’entreprise d’accueil.
Cet accord répond aux conditions de validité des accords collectifs de droit commun.
S’agissant des effets, l’accord de substitution entre en vigueur à la date de réalisation de l’événement ayant entraîné la mise en cause (C. trav., art. L. 2261-14-2). Ils s’appliquent à l’exclusion des stipulations portant sur le même objet des conventions et accords collectifs applicables dans l’entreprise ou l’établissement dans lequel les contrats de travail sont transférés (C. trav., art. L. 2261-14-2).