Lorsque vous commencez à étudier le droit constitutionnel, « l’État et la Nation » est l’un des premiers thèmes à maîtriser. Savoir définir l’État et la Nation et comprendre les liens que ces deux notions entretiennent vous servira tout le restant de votre première année de droit et vous permettra de vous différencier de la majorité des autres étudiants en droit.
Dans cet article, nous allons évoquer tout ce qu’il faut savoir sur ce thème en vue d’un partiel et illustrer nos explications par des exemples concrets.
À la fin de l’article, nous verrons les points sur lesquels vous pourriez être interrogé dans le cadre d’un examen sur le thème de l’État et de la Nation.
I. Les éléments constitutifs de l’État
Comment définir l’État ? Concrètement, trois éléments permettent de caractériser l’existence de l’État : un territoire, une population et une puissance publique.
Un territoire
L’État a un territoire, délimité par des frontières. Ainsi, on peut définir le territoire comme étant une partie de l'espace géographique qui relève de l’État, sur lequel vit une population et s’exerce l’autorité publique.
Le territoire comprend :
- Le territoire terrestre, qui comprend le sol, le sous-sol et les eaux comprises à l’intérieur des frontières terrestres ;
- L’espace maritime, comprenant la mer territoriale et la zone économique exclusive
- L’espace aérien, qui comprend l’atmosphère au-dessus du territoire terrestre et de l'espace maritime.
- La taille du territoire n’a pas d’importance. Par exemple, la superficie du Liechtenstein est de 160 km² lorsque celle de la Russie est de 17,13 millions km².
- Le territoire peut être morcelé en plusieurs entités sans continuité. Par exemple, les DOM/TOM, situés à plus de 6000km de la France métropolitaine, font partie du territoire français.
- Le territoire peut être enclavé dans un État étranger. Par exemple, le Vatican est un Etat situé en Italie.
Une population
L’État dispose d’une population, c’est-à-dire un groupe humain, un ensemble de personnes physiques formant une communauté, distincte des autres, rattachée à un État.
Les individus qui composent la population présentent un lien juridique avec l’État : c’est la nationalité. La nationalité lie des personnes à l’État, qu’elles se trouvent physiquement sur son territoire ou non.
Une puissance publique
L’État naît également de la volonté d’une nation d’être dotée d’une forme de pouvoir politique, incarné par la puissance publique.
La puissance publique peut être définie comme l’autorité publique exerçant le pouvoir sur le territoire et la population. Elle réunit deux caractères principaux : la personnalité morale et la souveraineté.
La personnalité morale
L’État est incarné par des institutions gouvernementales et administratives appelées « pouvoirs publics » et est doté de la capacité d’agir sur le plan juridique.
Deux conséquences découlent de cette personnalité morale :
- L’État est distinct des gouvernants, c’est-à-dire des personnes physiques qui le composent. Il perdure malgré les changements (principe de continuité de l’État) ;
- Les actes pris par un gouvernement continuent d’être valables malgré les changements politiques (principe de permanence du droit).
La souveraineté
Par principe, une entité souveraine ne tient son pouvoir que d’elle-même et n’est soumise à aucune autorité extérieure.
Sur le plan interne, l’État dispose d’un pouvoir absolu de décider en dernier ressort. Il est la source du droit applicable sur son territoire et dispose du monopole du pouvoir de commandement.
Sur le plan externe, l’État est indépendant à l’égard de toute autre autorité et notamment par rapport aux autres États sur le plan international. Mais il doit respecter la souveraineté des autres États.
Cette souveraineté est limitée par la théorie du droit naturel et par le respect du droit (théorie de l’autolimitation).
II. La Nation comme personnification de l’État
La Nation est une notion abstraite
Il n’existe pas de définition juridique de la Nation.
Selon le dictionnaire français, la Nation est « une entité abstraite et collective regroupant les hommes et les femmes qui, partageant une histoire et des valeurs communes, acceptent de lier leur destin ». Il faut bien comprendre que la Nation n’est pas une réalité physique ou juridique mais une « une entité abstraite et collective ».
Il existe deux conceptions de la Nation.
La Nation repose sur la culture (conception allemande)
La conception allemande de la Nation insiste sur des éléments objectifs : la langue, la religion, la race (l’origine), les mœurs, la géographie. Ces éléments sont indépendants de la volonté humaine.
Cette vision déterministe de la nation a notamment été développée par le philosophe Johann Gotlieb Fitche dans son Discours à la nation allemande en 1895.
Elle sera reprise par les courants nationalistes radicaux qui ont conduit aux plus grands génocides du XXe siècle.
La Nation est fondée sur un État (conception française)
A contrario, la conception française de la nation – même si elle prend en compte certains de ces éléments objectifs - insiste sur la volonté de vivre ensemble résultant notamment d’une histoire commune et d’un avenir partagé.
En France, l’État est lié à l’idée de nation : on parle d’État-nation. Ainsi, l’État est la personnification de la Nation. La Nation doit nécessairement s'incarner dans une « réalité juridique », à savoir l’État.
Cette conception volontariste de la nation a été développée par le philosophe et historien Ernest Renan avec sa célèbre formule « l’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours » lors d’une conférence à la Sorbonne du 11 mars 1882 sur le thème « Qu’est-ce qu’une nation ».
Renan donne l’exemple de l’Alsace et la Lorraine, qui, perdues en 1870 par la France, sont germaniques dans leur culture, mais françaises par « leur désir clairement exprimé de continuer la vie commune ».
Piège à éviter - ne pas confondre la notion de Nation avec celles de :
III. Les rapports entre l’État et la Nation (liens et différences)
Quels sont les liens entre l’État et la Nation ?
L’antériorité de la Nation par rapport à l’État
La nation est antérieure à la création d’un État : l’Etat-Nation
Pour la majorité des États européens, c’est l’existence préalable d’une nation qui a permis d’édifier et de renforcer la constitution des États.
Dans de nombreux cas, ce sont les conflits ou les guerres successives qui ont permis d’affirmer un sentiment national aboutissant à la création d’un État-nation. En France, la guerre de Cent Ans, puis la Révolution française ont initié le passage d’une société féodale et religieuse à un État moderne.
En opposition avec le droit divin, la Nation se substitue à Dieu et est titulaire de la souveraineté. En France, l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ».
Dans cette logique, la nation est donc fondée sur un peuple constitué en corps politique. Elle est le produit d’une histoire qui préexiste à l’État et qui devient une forme d’organisation politique et juridique de la nation.
Cette théorie de l’Etat-Nation est remise en cause par :
- Les fédéralistes européens, qui considèrent que l’État doit laisser la place à une gouvernance européenne ou mondiale.
- Les marxistes, pour qui le sentiment d’appartenance à une identité commune réside au sein de l’Humanité plutôt qu’au sein de la Nation (un ouvrier français s’identifiera davantage à un ouvrier d’une autre nationalité qu’à un chef d’entreprise français).
L’État est antérieur à la nation
A contrario, au XXe siècle, c’est le processus inverse qui a pu être observé. De nombreux États ont été constitués sans l’existence de nations correspondantes.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes évoqué par Wilson en 1918 a vu s’édifier de nouveaux États qui ont préexisté à la Nation.
Ainsi est née la Tchécoslovaquie, comprenant 7 millions de Tchèques, 3 millions de Slovaques (et 3 500 000 d’Allemands). Le fossé entre l’histoire, les coutumes et la langue des populations réunies aboutira à la création de deux nations distinctes au début des années 1990.
Après la Seconde Guerre mondiale, ce principe d’autodétermination institué par la Charte des Nations Unies conduira à l’effondrement des régimes coloniaux et la création de nombreux États ne s’appuyant sur aucune base nationale.
Les frontières de ces États, construites arbitrairement (« à la règle ») par les anciennes puissances coloniales, reposent souvent sur la réunification de populations socialement et historiquement hétérogènes, ce qui explique encore aujourd’hui l’existence de conflits ethniques et politiques dans certains pays d’Afrique.
La dissociation de l’État et de la Nation
Toute nation a-t-elle obligatoirement un État ?
En principe, toute nation repose sur un État.
Les textes fondateurs affirment ce principe.
La Charte de l’ONU pose le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et le Préambule de la Constitution française de 1958 prévoit le principe de « libre détermination des peuples ».
Pourtant, dans les faits, de nombreux exemples montrent qu’une nation peut exister sans État.
Certaines nations disposent d'un territoire, d'une population, une histoire commune et un sentiment d’appartenance à un avenir commun, mais ne disposent pas d'organisation politique pouvant assurer leur pleine souveraineté.
Quelques exemples :
- La Nation arménienne, qui est l’une des plus vieilles nations au monde, a accédé à l’indépendance définitive de son État le 21 septembre 1991.
- La Nation kurde n’a jamais obtenu la reconnaissance d’un État national.
- La population catalane en Espagne n’a jamais obtenu la reconnaissance effective d’un État indépendant et s’est même vu refuser le statut à part entière de « nation » par le Conseil constitutionnel espagnol.
Le morcellement de la nation
La nation peut être divisée entre plusieurs États.
C’est le cas notamment de la Nation coréenne, divisée en deux États distincts : la Corée du Nord et de la Corée du Sud.
À l’inverse, un État peut regrouper plusieurs nations :
- Les bi ou multinationaux, comme la Belgique, qui regroupe des populations s’exprimant en langues française, néerlandaise et allemande.
- Le Royaume-Uni, qui regroupe des nationalités différentes (Anglais, Gallois, Écossais et Irlandais du Nord).
- Le Canada, qui englobe les Canadiens (anglophones) et les Québécois (francophones).
Une nation peut également englober plusieurs « ethnies » ou « cultures » :
IV. Bonus : les sujets d’examens que le thème de l’État et la Nation pourrait inspirer
Le thème de l’État et de la Nation peut assurément faire l’objet d’un examen en première année de droit. Ce thème pourrait donner lieu à :
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C’est tout pour cet article sur l’État et la Nation!
V. L'Etat et la nation en image
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