En droit de la responsabilité civile, l’indemnisation d’une victime nécessite la réunion de trois éléments : un fait générateur, un dommage et un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage. Certaines causes d’exonération, parmi lesquelles figure la faute de la victime, permettent toutefois au débiteur de l’indemnisation de s’exonérer de sa responsabilité.
Dans cet article, nous allons voir :
- ce qu’est la faute de la victime ;
- comment apprécier cette faute ;
- et quels sont ses effets.
En fin d’article figure une synthèse des solutions relatives à la faute de la victime en fonction des différents types de responsabilités.
Cet article traite de la responsabilité civile délictuelle et non contractuelle.
C’est parti !
1. La faute de la victime : cause d’exonération de la responsabilité civile
La personne désignée responsable peut échapper à sa responsabilité en invoquant des causes d’exonération.
Le fondement de l’exonération du responsable par la faute de la victime réside dans l’idée que, pour imputer la responsabilité découlant d’un dommage à une personne en particulier, il faut établir le lien de causalité entre le dommage et la faute (ou entre le dommage et le « fait » de cette personne dans les responsabilités de plein droit).
Ainsi, lorsqu’une cause étrangère, c’est-à-dire extérieure à l’activité de la personne recherchée comme responsable, intervient dans la réalisation du dommage, il en résulte une exonération partielle ou totale de la responsabilité de l’auteur.
En d’autres termes, pour que l’action en réparation intentée contre lui échoue, le défendeur peut établir que, de par l’intervention d’une cause étrangère, le lien de causalité a été partiellement ou totalement rompu.
Il existe plusieurs causes d’exonération en droit de la responsabilité civile : le cas fortuit, le fait du tiers et le fait de la victime.
La faute de la victime, étudiée ici, constitue une de ces causes d’exonération du responsable.
2. L’appréciation de la faute de la victime (les conditions)
Lorsque vous êtes en cas pratique, la recherche des causes d’exonération et donc de l’éventualité d’une faute de la victime constitue le deuxième temps du raisonnement. Vous devez d’abord analyser les conditions de mise en œuvre de la responsabilité avant de voir, si ces dernières sont réunies, si l’auteur du dommage peut s’exonérer de sa responsabilité.
Première condition : La nécessité d’une faute
La faute de la victime doit être appréciée conformément aux critères usuels de la faute.
Ainsi, la personne à laquelle le dommage est imputé doit établir un comportement illicite soit la violation d’une norme ou d’un devoir préexistant (manquement à une règle normative ou non-conformité du comportement avec celui attendu d’une « personne raisonnable »). On parle de l’élément objectif de la faute.
L’élément subjectif de la faute, correspondant au discernement de l’auteur du dommage, a été abandonné par la Cour de cassation (arrêts Derguini et Lemaire – Ass. plén. 9 mai 1984)
Ainsi, « la faute d’un mineur peut être retenue à son encontre, pour diminuer son indemnisation, même s’il n’est pas capable de discerner les conséquences de son acte » (Civ 2ème., 28 février 1996).
Deuxième condition : La faute doit être en relation de causalité avec le dommage
La faute retenue doit être en relation de causalité avec le dommage.
On distingue deux grandes théories auxquelles recourt la jurisprudence à savoir la théorie de l’équivalence des conditions (est une cause du dommage tout fait qui a participé de façon nécessaire à sa réalisation) et la théorie de la causalité adéquate (parmi les causes éventuelles du dommage il ne faut retenir que celles qui contenaient en elles-mêmes la réalisation prévisible du résultat).
3. Les effets de la faute de la victime (l’étendue de l’exonération)
L’étendue de l’exonération dépend de l’existence ou non d’un événement de force majeure.
Si la faute de la victime présente les caractères de la force majeure
Si la faute de la victime présente les caractères de la force majeure (Civ. 1re, 14 oct. 2010) la faute est totalement libératoire. On parle d’exonération totale.
La force majeure suppose l’extériorité, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité de l’événement cause du dommage par rapport au responsable.
Dans les responsabilités du fait d’autrui, la force majeure s’apprécie par rapport à celui dont le civilement responsable répond c’est-à-dire l’auteur du dommage.
Si la faute de la victime ne présente pas les caractères de la force majeure
Si la faute de la victime ne présente pas les caractères de la force majeure, elle sera partiellement libératoire. On parle d’exonération partielle. Concrètement, il y aura une diminution de l’indemnisation de la victime.
Exemple de faute de la victime ne présentant pas les caractères de la force majeure : Un voyageur descend d’un train à la gare d’arrivée de son voyage puis tente d’y remonter pour récupérer un bagage qu’il avait oublié. Il se blesse à cette occasion, car le train avait déjà redémarré (Civ. 2e, 3 mars 2016, n° 15-12.217).
Comment apprécier cette exonération partielle ?
L’exonération se fait au prorata du degré d’implication de chacun dans la production du dommage (Civ. 2ème , 22 oct. 2009). En d’autres termes, les juges procèdent au partage d’après la gravité respective des fautes du responsable et de la victime
Toutefois, la Cour de cassation semble retenir que la faute de la victime, bien que ne présentant pas les caractères de la force majeure, exonère totalement le responsable lorsque la victime a commis une faute intentionnelle (Civ. 1re, 8 nov. 2007).
Synthèse sur la faute de la victime dans les divers cas de responsabilité civile
Responsabilité du fait des choses
La faute de la victime permet une exonération totale lorsqu’elle présente les caractéristiques de la force majeure (Ass. Plén.,14avril 2006) et partielle à défaut de réunir ces caractères (Civ. 2ème, 8 mars 1995).
Responsabilité des parents du fait de leurs enfants
L’incidence de la faute de la victime ou du fait du tiers permet d’exonérer les parents dans les conditions du droit commun.
Responsabilité des commettants du fait de leurs préposés
Pour s’exonérer de cette responsabilité de plein droit, le commettant peut invoquer une cause d’exonération que le préposé aurait pu opposer lui-même comme la faute de la victime dans les conditions du droit commun.
Responsabilité du fait des produits défectueux
L’article 1245-12 du Code civil semble faire de la faute de la victime une cause d’exonération selon le système du droit commun.
L’indemnisation des accidents de la circulation
En matière d’indemnisation des accidents de la circulation, les solutions prévues par la Loi Badinter (Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985) sont particulières :
> En cas d’atteintes à la personne (art. 3 et 4) :
- La faute de la victime non conductrice permet l’exonération du débiteur d’indemnisation seulement s’il s’agit d’une faute inexcusable, cause exclusive de l’accident, ou si la victime a volontairement recherché le dommage (sauf deux exceptions).
- La faute de la victime conductrice permet l’exonération du débiteur d’indemnisation.
> En cas d’atteintes aux biens (art. 5) : La faute, commise par la victime a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages aux biens qu’elle a subis.
> Victime par ricochet : le défendeur peut opposer à la victime par ricochet la faute de la victime initiale si cette faute pouvait être opposée à cette victime initiale (art. 6).
Merci à vous ! C'est très enrichissant.
Merci beaucoup! J'ai compris avec votre resumé alors qu'en CM c'était un peu flou..
Merci encore!
Merci grandement à vous,c’est vraiment utile !