En droit de la responsabilité civile, la responsabilité de plein droit désigne les cas de responsabilité s’appliquant en l'absence de faute ou de culpabilité. C'est la raison pour laquelle on parle également de « responsabilité sans faute ».
Ces cas de responsabilité de plein droit, qui s'opposent à la responsabilité pour faute, se sont multipliés notamment afin d'assurer l’indemnisation des victimes dans certaines situations. En effet, la victime n’ayant pas à rapporter la preuve d’un fait fautif pour engager la responsabilité de l’auteur du dommage, l'indemnisation s'avère plus simple.
Dans ce cours, nous allons définir la responsabilité de plein droit, présenter les critères de distinction entre les responsabilités de plein droit et la responsabilité pour faute, expliquer les fondements et l’origine des responsabilités de plein droit et énumérer les différents cas de responsabilités de plein droit ainsi que les différentes causes d’exonération.
Ces explications vous aideront à mieux comprendre votre cours de responsabilité civile et à gagner des points en commentaire d’arrêt (avec des connaissances réutilisables dans tous les arrêts que vous aurez à commenter), en dissertation et en cas pratique (nous verrons certaines astuces méconnues sur ces deux types d’exercices juridiques).
I. Définition et fondements de la responsabilité de plein droit
La responsabilité de plein droit (ou « responsabilité objective », « responsabilité sans faute ») vise les cas de responsabilité civile pour lesquels la faute n’est pas une condition pour engager la responsabilité de l’auteur d’un dommage. Le responsable ne peut s'exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il n’a commis aucune faute.
La doctrine parle également de « présomption de responsabilité » pour désigner la responsabilité de plein droit.
Dans les cas de responsabilités de plein droit (ou « responsabilité objective »), la responsabilité de l’auteur du dommage peut être engagée même s’il n’a pas commis de faute. Pour engager la responsabilité de l’auteur d’un dommage, il suffit de prouver :
- l’existence d’un dommage ;
- l’existence d’un simple fait causal (et non d'une faute) ;
- un lien de causalité entre le fait causal et le dommage.
La formule de « responsabilité de plein droit » peut être trompeuse en ce qu’elle laisse penser qu’il est possible d’engager la responsabilité de l’auteur d’un dommage de manière automatique. En réalité, l’engagement de la responsabilité de l’auteur d’un dommage reste toujours soumis à des conditions particulières qui dépendront du type de responsabilité de plein droit. Simplement, la preuve d’une faute de l’auteur du dommage n'est pas nécessaire.
Imaginons un homme qui heurte une boite aux lettres positionnée par son voisin en plein milieu du trottoir et se casse l’épaule. Il sera possible d’engager la responsabilité de l’auteur du dommage (le voisin) soit sur le fondement de la responsabilité du fait personnel (responsabilité pour faute) soit sur le fondement de la responsabilité du fait des choses (responsabilité de plein droit).
Pour pouvoir engager la responsabilité du fait personnel du voisin, il faudra nécessairement démontrer l’existence d’une faute, c’est-à-dire un comportement humain illicite en expliquant par exemple qu’en positionnant une boite aux lettres au milieu de la rue, le voisin n’a pas adopté la conduite d’une personne raisonnable.
À l’inverse, pour engager la responsabilité du voisin sur le fondement de la responsabilité du fait des choses, aucune faute ne devra être démontrée, car, s’agissant d’une responsabilité de plein droit, la faute du voisin n’est pas nécessaire. Cela ne signifie pas qu’aucune condition ne devra être respectée pour engager la responsabilité du voisin sur ce fondement (il faudra démontrer que le défendeur à l’action détenait la garde d’une chose ayant eu un rôle actif dans la production du dommage), mais l’existence d’une faute n’est pas nécessaire.
Pour mieux comprendre, allez lire la correction de ce cas pratique corrigé en droit de la responsabilité civile.
Dans la responsabilité de plein droit, le juge n’a pas à étudier l’illicéité de l’acte reproché à l’agent (la faute), la responsabilité se limitant à de simples questions objectives : la recherche d’un rapport de causalité.
En ce sens, ce type de responsabilité s’oppose à la responsabilité pour faute ou « responsabilité pour faute prouvée ». Pour engager la responsabilité pour faute d’une personne (C. civ., art. 1240 et 1241), la victime doit prouver trois éléments :
- l’existence d’un dommage ;
- l’existence d’une faute ;
- l’existence d’un lien de causalité entre cette faute et le dommage.
Une faute est caractérisée en cas de « comportement humain illicite » comme un manquement à une règle normative, la non-conformité d’un comportement avec celui attendu d’une « personne raisonnable » ou l’exercice abusif d’un droit.
La preuve d'une faute, pour la victime d'un dommage, n’est ainsi pas toujours évidente ! Une personne peut causer un dommage à autrui sans nécessairement commettre une faute. Pourtant, dans ce type de responsabilité, à défaut pour la victime de pouvoir prouver une faute, la réparation du dommage qu'elle réclame s’avèrera impossible.
La formule exacte de « responsabilité de plein droit » figure dans certaines dispositions législatives (par exemple, C. civ., art. 1245-10), dans la jurisprudence de la Cour de cassation et dans la doctrine.

II. Origine et fondements de la responsabilité de plein droit
A. Origine de la responsabilité de plein droit
Historiquement, la responsabilité civile du Code civil de 1804 était fondée sur l’idée de faute, qu’elle soit volontaire ou de négligence. Il s’agissait, par l’exigence d’une faute, de faire coïncider la sanction du responsable et la compensation allouée à la victime. Puisque le responsable commet une faute, celui-ci doit être sanctionné en indemnisant la victime du dommage par l'octroi de dommages et intérêts. L’idée était de moraliser les rapports entre les citoyens (P. Oudot, Le risque de développement. Contribution au maintien du droit à réparation, Ed. Univ Dijon, 2005).
Cette conception de la faute était le fondement de la responsabilité civile.
Le problème est que cette exigence d'une faute s'est révélée difficile à appliquer dans certaines hypothèses, notamment lorsque le dommage ne pouvait pas être imputé à une erreur humaine ou à une faute. À défaut de faute, aucune indemnisation de la victime n'était possible. Les progrès du machinisme, avec notamment le développement des accidents de la circulation automobile, ont démontré l’insuffisance d’une responsabilité fondée exclusivement sur la faute. Dans de nombreuses situations, l’impossibilité de prouver la faute de l’auteur d’un dommage aboutissait à l’absence d’indemnisation de la victime du dommage.
« Il doit toujours se trouver quelqu'un à désigner pour payer l'addition » (C. Pecknard, Libre propos sur le principe de responsabilité, LPA 14 oct. 2004, n° PA200420601, p. 3).
La jurisprudence va donc se détacher progressivement, d'abord dans le domaine de la responsabilité du fait des choses, de l'idée de faute afin de permettre aux victimes d'engager la responsabilité de l'auteur d'un dommage et d'obtenir ainsi une indemnisation.
Dans l'arrêt Teffaine (Civ., 16 juin 1896) puis Jeand'heur (Ch. réunies, 13 févr. 1930) relatifs à la responsabilité du fait des choses, la Cour de cassation a établi qu’il ne suffit pas au gardien de la chose de prouver qu’il n’a commis aucune faute, ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue pour que le gardien soit exonéré de sa responsabilité. Elle a consacré un principe général de responsabilité du fait des choses qui est une responsabilité de plein droit détachée de toute notion de faute. Le gardien d'une chose est désormais présumé responsable des dommages causés par la chose qu’il a sous sa garde sans qu'une faute ne soit nécessaire.
Par la suite, les cas de responsabilités sans faute se sont multipliés pour assurer l’indemnisation des victimes de ce type de dommage (il s'agit des cas que nous développerons ci-dessous).
La doctrine parle ainsi de phénomène « d’objectivation de la responsabilité » ou de « mouvement objectiviste » pour désigner la disparition, dans certaines hypothèses, de la nécessité de l’élément « subjectif » que constitue la faute sous l’influence conjuguée de la jurisprudence et de la loi.
Il s’agit d’un courant qui traverse la responsabilité civile depuis un siècle se traduisant par un « déclin de la responsabilité individuelle ». L’objectif d’indemnisation des victimes pousse vers cette objectivité qui conduit peu à peu à une indemnisation généralisée des dommages.
Sachez que connaître les principaux grands mouvements du droit de la responsabilité civile permet, en dissertation juridique, de formuler vos accroches avant de définir les termes du sujet.
Attention à ne pas confondre la notion de « faute objective » avec celle de « responsabilité objective ». Deux éléments étaient traditionnellement requis pour retenir l’existence d’une faute dans le cadre de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle pour faute :
- Un élément objectif correspondant à la violation d’une norme ou d’un devoir préexistant, c’est-à-dire à un comportement humain illicite ;
- Un élément subjectif renvoyant à un certain discernement, une certaine conscience de l’auteur du dommage pour distinguer les conséquences de son acte.
La notion de « faute objective » renvoie, dans la responsabilité pour faute, à une conception de la faute, consacrée par la jurisprudence, selon laquelle seul l’élément « objectif » de la faute est pris en compte.
Cette objectivation de la faute ne concerne que la responsabilité du fait personnel et ne doit pas être confondue avec l’objectivation de la responsabilité civile.
B. Quels sont les fondements de la responsabilité de plein droit ?
Puisque la responsabilité de plein droit ne repose pas sur l'idée de faute, la doctrine a proposé d’autres fondements que celui de faute pour justifier l'engagement de la responsabilité.
Premier fondement : La théorie du risque
Dans le but de secourir les victimes d’accidents du travail, à l’ère de la révolution industrielle, certains auteurs (Saleilles et Josserand) ont imaginé organiser la réparation des dommages sur une autre base que la faute à savoir celle du « risque ».
L’engagement de la responsabilité civile et la réparation d’un dommage ne seraient pas subordonnés à l’existence d’une faute, mais simplement à la création d’un risque.
La doctrine distingue la théorie du risque profit selon laquelle celui qui crée, pour son profit, une activité engendre des risques potentiels dont il doit, en cas de réalisation, répondre, de la théorie du risque créé selon laquelle celui qui crée le risque, même s’il n’en tire aucun profit, doit, en cas de réalisation du risque, répondre du dommage causé.
Deuxième fondement : La théorie de la garantie
Cette théorie de la garantie, avancée par Boris Starck, part du principe que les théories du risque et de la faute, ont l’inconvénient majeur de n’envisager l’engagement de la responsabilité qu’en se plaçant du côté de l’auteur du dommage.
Selon lui, il faut se préoccuper avant tout de la victime en lui reconnaissant un « droit individuel à la sécurité » (B. Starck, Essai d’une théorie générale de la responsabilité considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, Thèse, Paris, 1947, p. 50).
On prend en compte, non le comportement de l’auteur du dommage, mais la situation de la victime et son droit individuel à la sécurité.
Troisième fondement : L’objectif d’indemnisation
Les responsabilités objectives fondées sur le risque ou sur l’idée de garantie sont, en tout état de cause, animées par un but indemnitaire. L’objectif est de faciliter l’indemnisation de la victime en supprimant la nécessité de prouver une faute imputable à l’auteur du dommage. En simplifiant l’engagement de la responsabilité civile, on facilite l’indemnisation des victimes de dommages et on assure ainsi une meilleure justice sociale.
III. Cas de responsabilités de plein droit
Il existe de nombreux cas de responsabilité de plein droit, c’est-à-dire des cas dans lesquels la faute n’est pas exigée. Ces cas de responsabilité, censés concerner à l’origine seulement des hypothèses particulières, se sont multipliés.
Les cas de responsabilité de plein droit sont les suivants :
- Responsabilité du fait des choses (C. civ., art. 1242 al. 1).
- Responsabilité des parents du fait de leur enfant (C. civ., art. 1242 al. 4 et 7).
- Responsabilité des commettants du fait de leur préposé (C. civ., art. 1242 al. 5).
- Responsabilité générale du fait d’autrui.
- Responsabilité du fait des produits défectueux (C. civ., art. 1245 et s).
- Responsabilité du fait des animaux (C. civ., art. 1243).
- Responsabilité du fait des bâtiments en ruine (C. civ., art. 1244).
- Responsabilité en cas d’accidents de la circulation (Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985).
1. La responsabilité des parents du fait de leurs enfants
La responsabilité des parents du fait de leurs enfants constitue un cas de responsabilité sans faute depuis l’arrêt Bertrand (Civ. 2e, 19 février 1997) qui a consacré la nature de plein droit de la responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs (objectivation de la responsabilité parentale qui était, antérieurement à cet arrêt, un cas de responsabilité pour faute).
Ainsi, s’agissant d’une responsabilité de plein droit :
Il n’est pas nécessaire de caractériser une faute commise par l’enfant. Seule importe l’existence d’un dommage rattachable à l’enfant (Ass. plén., 9 mai 1984, « arrêt Fullenwarth »).
Les parents ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité en apportant la preuve de leur absence de faute (Civ. 2e, 19 févr. 1997).
2. La responsabilité des commettants du fait de leurs préposés
La responsabilité du commettant du fait de ses préposés est une responsabilité de plein droit. Ainsi :
Il n’est pas nécessaire de caractériser la faute du commettant pour engager sa responsabilité (mais elle requiert bien la faute du préposé).
Le commettant ne peut pas s’exonérer en prouvant qu’il n’a lui-même pas commis de faute.
3. La responsabilité générale du fait d’autrui
La découverte d’une « responsabilité générale du fait d’autrui » (ou, pour être exact, l’abandon du caractère limitatif des cas de responsabilité du fait d’autrui à la suite de l’arrêt Blieck) s’est accompagnée d’une présomption de responsabilité. En d’autres termes, la preuve d’une faute n’est pas nécessaire pour engager la responsabilité de la personne tenue de répondre du fait d’autrui.
Depuis l’arrêt dit « Notre Dame des Flots » (Crim. 26 mars 1997), il s’agit d’une responsabilité de plein droit : « les personnes tenues de répondre du fait d’autrui en vertu de l’art. 1384 al 1 (ancien) ne peuvent s’exonérer en démontrant qu’elles n’ont commis aucune faute ».
4. La responsabilité du fait des choses : responsabilité de plein droit
L’arrêt Jand’heur du 13 février 1930 (Ch. réunies 13 févr. 1930) a consacré un système général de responsabilité du fait des choses.
Par cet arrêt, la Cour affirme que l’ancien article 1384 al. 1 édicte une présomption de responsabilité à l’encontre de celui qui a sous sa garde une chose qui a causé un dommage. Cette responsabilité n’est pas fondée sur la faute, et constitue un cas de responsabilité objective, c’est-à-dire une responsabilité de plein droit.
Comme expliqué plus haut, cela ne signifie pas qu’aucune condition n’est nécessaire pour engager la responsabilité de l’auteur d’un dommage sur le fondement de la responsabilité du fait des choses, mais simplement que la faute de l’auteur du dommage n’est pas exigée.
5. La loi 5 juillet 1985 sur l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation : responsabilité de plein droit
La loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation a instauré un système de réparation quasi automatique en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur. Il s’agit d’un cas de responsabilité objective puisqu’aucune faute n’est requise pour engager la responsabilité de l’auteur du dommage.
La simple constatation d’un lien d’implication suffit pour engager la responsabilité de l’auteur du dommage.
6. La responsabilité des produits défectueux (loi du 19 mai 1998) : responsabilité de plein droit
Les articles 1245 et suivants du Code civil mettent également en place une responsabilité de plein droit. En effet, il n’est pas nécessaire de prouver une faute, les articles 1245 et suivants ne mentionnant pas une telle nécessité et l’article 1254-10 du Code civil utilisant directement la formule : « Le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve (…) ».
7. La responsabilité du fait des animaux
La responsabilité du fait des animaux est une responsabilité de plein droit, ce qui signifie qu’aucune faute n’est nécessaire pour pouvoir engager la responsabilité d’une personne sur ce fondement. Il suffit qu’un préjudice soit causé par le fait actif de l’animal.
8. La responsabilité du fait des bâtiments en ruine
La responsabilité du fait des bâtiments en ruine est une responsabilité de plein droit. Il suffit, pour engager la responsabilité d’une personne sur ce fondement, que le dommage provienne de la ruine du bâtiment.
IV. Causes d’exonération de la responsabilité de plein droit
Lorsque vous êtes en cas pratique, il s’agit du deuxième temps du raisonnement. Vous devez d’abord analyser les conditions de mise en œuvre de la responsabilité avant de voir, si celles-ci sont réunies, si l’auteur du dommage peut s’exonérer de sa responsabilité.
Dans la responsabilité pour faute, la preuve de l’absence de faute constitue une cause d’exonération. Il s’agit d’une grande différence avec les responsabilités de plein droit dans lesquelles le responsable du dommage ne peut s’exonérer en démontrant qu’il n’a commis aucune faute.
Cette solution est logique : dans le cas d’une responsabilité de plein droit, le responsable est désigné indépendamment de toute faute qu’il aurait pu commettre. Ainsi, la preuve de l’absence de faute appréciée en sa personne ne peut donc lui être d’aucune utilité.
Dans les cas de responsabilité de plein droit, le responsable peut donc s’exonérer de sa responsabilité soit par la preuve d’une cause étrangère soit par des causes d’exonération spécifiques au cas de responsabilité sans droit concerné.
Les causes étrangères (tout fait ou tout événement causal extérieur au débiteur) sont le cas fortuit, le fait du tiers et le fait de la victime. Elles peuvent constituer des causes d’exonération totale de la responsabilité civile lorsqu’elles présentent les caractères de la force majeure.
La force majeure est un évènement qui revêt en principe trois caractères : irrésistibilité, imprévisibilité et extériorité (Ass. Plén. 10 juillet 2020, 18-185.42).
- 1. L’évènement est irrésistible lorsqu’il rend impossible l’observation du devoir.
- 2. L’évènement est imprévisible lorsque le défendeur n’a pas pu prévoir l’évènement se produirait.
- 3. L’évènement est extérieur lorsque la survenance n’est pas être imputable à l’auteur du dommage.
Il existe par ailleurs des causes d’exonération spécifiques à certains cas de responsabilité de plein droit. Par exemple, s’agissant de la responsabilité des produits défectueux, l’article 1245-10 du Code civil prévoit que le producteur peut s’exonérer de sa responsabilité s’il démontre que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut.
Vous trouverez ci-dessous un récapitulatif des différentes causes d’exonération en fonction du type de responsabilité.
Responsabilité du fait des choses (C. civ., art. 1242 al. 1)
- Cause étrangère présentant les caractères de la force majeure : exonération totale de responsabilité.
- Faute de la victime ne présentant pas les caractères de la force majeure : exonération partielle de responsabilité (Ex. : Civ. 2e, 8 mars 1995, 93-14.059).
- Fait d’un tiers ne présentant pas les caractères de la force majeure : aucune exonération (Ex. : Civ. 1ère, 29 mars 2001, 99-10.735) mais le gardien peut exercer une action récursoire contre le tiers.
- Preuve de l’absence de faute : aucune exonération possible.
Responsabilité des parents du fait de leur enfant (C. civ., art. 1242 al. 4 et 7)
- Cause étrangère présentant les caractères de la force majeure (appréciée par rapport aux parents) : exonération totale (Civ. 2ème, 17 fév. 2011, 10-30.439).
- Faute de la victime ne présentant pas les caractères de la force majeure : exonération partielle (Civ., 2ème, du 19 octobre 2006, 05-17.474).
- Fait d’un tiers ne présentant pas les caractères de la force majeure : aucune exonération.
- Preuve de l’absence de faute : aucune exonération (Civ., 2ème, 19 fév. 1997, 94-21.111, arrêt Bertrand).
Responsabilité des commettants du fait de leur préposé (Cciv., art. 1242 al. 5)
- Cause étrangère présentant les caractères de la force majeure (appréciée à l’égard du préposé): exonération totale (Civ. 2e, 2 avr. 1997, 95-13.944).
- Faute de la victime ne présentant pas les caractères de la force majeure : exonération partielle (Civ. 2e, 21 mai 2015, 13-27.735).
- Fait d’un tiers ne présentant pas les caractères de la force majeure : aucune exonération.
- Existence de causes spécifiques d’exonération.
- Preuve de l’absence de faute : aucune exonération.
Responsabilité générale du fait d’autrui
- Cause étrangère présentant les caractères de la force majeure : exonération totale.
- Faute de la victime ne présentant pas les caractères de la force majeure : exonération partielle.
- Fait d’un tiers ne présentant pas les caractères de la force majeure : aucune exonération.
- Preuve de l’absence de faute : aucune exonération.
Responsabilité du fait des produits défectueux (C. civ., art. 1245 et s).
- Cause étrangère présentant les caractères de la force majeure : aucune précision du texte, mais a priori possible.
- Faute de la victime présentant les caractères de la force majeure exonération totale (C.civ., art. 1245-12).
- Faute de la victime ne présentant pas les caractères de la force majeure : exonération partielle (C.civ., art. 1245-12).
- Fait d’un tiers ne présentant pas les caractères de la force majeure : aucune exonération (C.civ., art. 1245-13).
- Existence de causes spécifiques d’exonération (Cciv., art. 1245-10).
- Preuve de l’absence de faute : aucune exonération.
La loi du 5 juillet 1985 sur l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation : responsabilité de plein droit
Les solutions sont particulières.
En principe, le conducteur ou le gardien du VTAM impliqué dans l'accident de circulation ne peut se prévaloir d'une cause étrangère (art. 2).
Toutefois, la faute de la victime peut à certaines conditions écarter ou limiter le droit à indemnisation.
Type de responsabilité | Cause étrangère (force majeure) | Faute de la victime | Fait du tiers | Absence de faute | Causes spécifiques |
---|---|---|---|---|---|
Fait des choses (art. 1242 al. 1) | Exonération totale | Exonération partielle si pas force majeure | Aucune exonération (action récursoire possible) | Impossible | Non |
Parents du fait de leur enfant (art. 1242 al. 4 et 7) | Exonération totale | Exonération partielle si pas force majeure | Aucune exonération | Impossible | Non |
Commettants du fait de leur préposé (art. 1242 al. 5) | Exonération totale | Exonération partielle si pas force majeure | Aucune exonération | Impossible | Oui |
Générale du fait d'autrui | Exonération totale | Exonération partielle si pas force majeure | Aucune exonération | Impossible | Non |
Produits défectueux (art. 1245) | Possible (non précisé) | Totale si force majeure, partielle sinon | Aucune exonération | Impossible | Oui (art. 1245-10) |
Accidents de la circulation (loi 5 juillet 1985) | Impossible (art. 2) | Possible sous conditions | Impossible | Impossible | Non |
V. Critiques des responsabilités de plein droit
Première critique : La déresponsabilisation des personnes
La consécration de cas de responsabilités sans faute déresponsabilise les personnes.
L’idée est que la nécessité d’une faute pour engager la responsabilité de l’auteur d’un dommage permet de responsabiliser les comportements. Si l’on ne souhaite pas être forcé de réparer le dommage causé, il convient d’adopter un comportement « responsable ».
Seconde critique : La stagnation sociale
La consécration de cas de responsabilités sans faute décourage l’initiative et entraine la stagnation sociale. En faisant peser sur les individus la menace d’une responsabilité automatique, susceptible de ruiner les fruits de leur exploitation, on décourage l’initiative personnelle.
En réalité, cette critique est à relativiser en raison du phénomène de développement des assurances.
En effet, l’évolution de la responsabilité civile n’aurait jamais pu se réaliser sans le développement des assurances de responsabilité qui vont permettre de répartir l’incidence des risques afin de garantir la protection des victimes tout en évitant la ruine de l’auteur du dommage. L’auteur du dommage, qui bénéficie d’une assurance, ne paiera pas directement le montant de l’indemnisation à la victime du dommage. On va progressivement passer de la notion de « responsable fautif » à celle de « responsable assuré ». On parle de « socialisation de l'indemnisation ».
La responsabilité de plein droit désigne les cas de responsabilité civile dans lesquels la preuve d’une faute n’est pas nécessaire pour engager la responsabilité de l’auteur d’un dommage et dans lesquels ce dernier ne peut s’exonérer de la responsabilité dont on veut le charger en démontrant qu’il n’a commis aucune faute.
La responsabilité de plein droit se distingue de la responsabilité pour faute sur le plan des critères (elle ne repose pas sur la faute) et sur le plan des fondements (elle vise à assurer l’indemnisation des victimes plus qu’à moraliser les comportements).
Les cas de responsabilité de plein droit se sont multipliés sous l’influence conjuguée de la loi et de la jurisprudence, de sorte qu’on parle de mouvement d’objectivation de la responsabilité ou de mouvement objectiviste.
Les cas de responsabilité de plein droit sont critiqués en ce qu’ils favoriseraient la stagnation sociale et déresponsabiliseraient les personnes.
Les cas de responsabilité de plein droit sont les suivants :
- Responsabilité du fait des choses.
- Responsabilité des parents du fait de leur enfant.
- Responsabilité des commettants du fait de leur préposé.
- Responsabilité générale du fait d’autrui.
- Responsabilité du fait des produits défectueux.
- Responsabilité du fait des animaux.
- Responsabilité du fait des bâtiments en ruine.
- Responsabilité en cas d’accidents de la circulation.
Dans les responsabilités de plein droit, les responsables ne peuvent jamais s’exonérer de leur responsabilité en démontrant l’absence de faute. Seule la cause étrangère présentant les caractères de la force majeure et, dans certains cas, des causes d’exonération spécifiques permettent une exonération totale. Dans certains cas, une exonération partielle est possible, notamment en cas de faute de la victime ne présentant pas les caractères de la force majeure.
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J’ai pas tout compris ; mais peut etre que vous pourriez m’aider.
J’ai fait une chute sur le parking d’un magasin. Des personnes m’ont relever, mais je n’ai pas pris leurs noms pensant pas en avoir besoin. Mais le magasin ne m’a pas aider, n’a pas appeler les services de secours…etc J’ai une fracture de la malleole
A ce jour le magasin me demande des temoins de ma chute. que dois je faire ?
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Merci beaucoup pour votre cours résumé, il m’a aidé à mieux comprendre : )
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C'est très favorable très intéressant avec ces textes on comprend bien.
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J’ai aimé et ça m’a beaucoup aidé à comprendre mes cours en droit de la responsabilité. Merci !
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