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Congés payés et arrêt maladie

Par R. BRIGUET-LAMARRE. Enseignant, diplômé de l'école de formation du barreau de Paris (CAPA), Master 2 DPRT (Paris II)

• Publication : 4 novembre 2020

• Mise à jour : 10 mars 2023

Le thème de l’articulation entre les périodes de congés payés et les périodes d’arrêt maladie est particulièrement important en droit du travail en ce qu’il fait intervenir à la fois des règles de droit interne et de droit de l’Union européenne, touche à l’obligation de sécurité de l’employeur, et donne lieu à un contentieux abondant.

Dans cet article, nous nous allons voir tout ce qu’il faut savoir en vue d’un examen et notamment :

  • les règles relatives à l’incidence de l’arrêt maladie sur l’acquisition des droits à congés payés, 
  • les règles d’articulation entre le droit du travail français et les directives de l’Union européenne,
  • les notions d’effet direct vertical et d’effet direct horizontal,
  • les règles relatives à la prise des congés payés et au report,
  • une synthèse des principaux textes légaux / conventionnels et des décisions relatives au thème des congés payés et des arrêts maladie en fin d’article.

I. L’incidence de l’arrêt maladie sur l’acquisition des droits à congés payés 

Principe de l’acquisition de congé payé en droit français  

Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur (C.trav., art. L3141-3).

En d’autres termes, en l’état actuel du Code du travail, la durée de congé annuel payé auquel peut prétendre un salarié est déterminée en fonction de ses périodes de travail effectif chez le même employeur.  

L’article L.3141-5 assimile certaines périodes d’absence (« périodes de suspension du contrat de travail ») a du temps de travail effectif :  

  • Périodes de congés payés;
  • Périodes de congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant et d’adoption;
  • Les contreparties obligatoires sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ; 
  • Jours de repos accordés au titre de l’accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44 ; 
  • Périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ; 
  • Périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque. 

Ce texte ne vise pas les périodes d’absence consécutives à une maladie autre que professionnelle ou à un accident du trajet.  

Sur le fondement de ce texte, la Cour de cassation décide donc qu’à défaut de dispositions conventionnelles ou d’usages plus favorables, le salarié malade ou en arrêt de travail à la suite d’un accident du trajet n’acquiert pas, selon la loi, de droit à congé pendant la durée de cette suspension de son contrat de travail (Soc., 13 mars 2013, 11-22.285).  

Pour mieux comprendre : Un salarié, en arrêt du 5 janvier 2020 au 5 mai 2020, en raison d’une maladie professionnelle est licencié et demande le versement de l’indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 5 janvier 2020 au 5 mai 2020. Il sera en droit de réclamer cette indemnité puisque les périodes de suspension pour maladie d’origine professionnelle, visées par l’article L.3141-3, sont considérées comme du temps de travail effectif et permettent d’acquérir des congés payés. Puisque le salarié n’a pas pu prendre ces congés, l’employeur doit donc lui verser une indemnité compensatrice de congés payés au moment de la rupture de son contrat de travail.  En revanche, si le salarié était pendant cette période en arrêt maladie d’origine non professionnelle, il ne pourrait prétendre à aucune indemnité puisque pendant cette période il n’a acquis aucuns droits à congés payés.  

Il faut noter que les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle permettent l’acquisition de congés payés dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an.  

Contradiction du droit du travail français avec le droit de l’Union européenne 

L‘article 7 de la directive n° 2003/88 qui accorde au salarié un congé annuel payé de quatre semaines, ne fait aucune distinction selon l’origine de l’absence pour raison de santé.  

Trois situations, non visées par l’article L.3141-5 du Code du travail, posent donc problème au regard de cette directive :  

  • Première situation : l’absence d’acquisition de droits à congés payés lorsque le salarié est absent à la suite d’une maladie autre que professionnelle
  • Deuxième situation : l’absence d’acquisition de droits à congés payés lorsque le salarié est absent à la suite d’un accident du trajet.  
  • Troisième situation : l’absence d’acquisition de droits à congés payés pour une période de suspension consécutive à un accident du travail supérieure à un an 

Sur ces points, la Cour de cassation a interrogé la CJUE, dans le cadre d’une question préjudicielle, afin de savoir si, les salariés avaient un droit à congé payé identique, quelle que soit la cause, professionnelle ou non, de leur absence. 

La CJUE a considéré que le droit français, qui différencie l’acquisition des congés payés en fonction de la nature des absences n’est pas conforme à la directive. Elle précise toutefois que cette absence de conformité ne s’applique qu’aux quatre premières semaines de congé (CJUE, 24 janv. 2012, aff. C-282/10, Dominguez).  

L’absence d’effet direct de la directive  

Pour savoir si une directive est applicable en droit français, il faut déterminer si elle bénéficie ou non d’un effet direct  

Plusieurs situations doivent être distinguées : 

(1) Le droit national était déjà conforme à la directive communautaire avant l’édiction de celle-ci. Dans un tel cas, aucune mesure de transposition n’est nécessaire en droit interne.  

Ce n’est pas le cas en droit français pour l’article 7 de la directive n° 2003/88 puisque l’article L.3141-5 est contraire à ce texte.  

(2) Le droit national n’est pas conforme à la directive communautaire. Le principe est qu’un acte de transposition doit être adopté dans le délai fixé par la directive.  

Hypothèse n°1 : Si la directive est correctement transposée (l’État a satisfait son obligation de mise en conformité du droit interne).  

Les justiciables souhaitant se prévaloir des dispositions de la directive devront fonder leurs prétentions sur les textes de droit interne transposant la directive.  

Encore une fois, ce n’est pas le cas en droit français pour l’article 7 de la directive n° 2003/88 qui n’a pas été transposé par acte de transposition en droit interne.  

Hypothèse n°2 : Si la directive n’est pas transposée ou est mal transposée, deux situations doivent être distinguées :  

Première sous-situation : la directive est invoquée à l’encontre d’un organisme détenteur de la puissance publique (on parle d’effet direct « vertical »). 

Le particulier peut invoquer la directive à l’encontre d’un organisme détenteur de la puissance publique à condition qu’elle soit claire, précise et inconditionnelle (CJCE 4 déc. 1974, Van Duyn, aff. 41/74).  

Selon la Cour de cassation, l’article 7 de la directive n° 2003/88 en tant que disposition inconditionnelle et suffisamment précise peut être invoqué par un salarié lorsque son employeur est :  

  • un organisme ou d’une entité soumise à l’autorité ou au contrôle de l’État  
  • un organisme ou d’une entité qui dispose de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers 
  • l’État (Soc., 22 juin 2016, 15-20.111). 

Deuxième sous-situation : la directive est invoquée à l’encontre d’un autre particulier (effet direct horizontal). 

Le principe est que la directive n’a pas d’effet direct horizontal (CJCE, 26 fév. 1986, aff. 152/84, Marshall).  

Cependant, différents mécanismes permettent à la directive non transposée de s’appliquer en droit interne.  

Premier mécanisme : les juridictions internes interprètent le droit national à la lumière de la directive via la technique de l’interprétation conforme (CJCE 13 nov. 1990, Marleasing, aff. 106/89 ; pour un exemple : 1ère civ., 24 janv. 2006, n° 03-19.534).  

C’est par le recours à cette technique, que la Cour de cassation a décidé que les absences consécutives à un accident du trajet sont assimilées aux périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle (Soc., 3 juill. 2012, 08-44.834).  

Cette technique trouve une limite : les juges ne peuvent pas en faire une interprétation contra legem. Ainsi, la Cour de cassation a refusé de faire une interprétation contra legem dans deux situations en jugeant :  

  • 1. Qu’un salarié travaillant pour un employeur du secteur privé accomplissant un service privé ne peut pas revendiquer l’acquisition de congés payés pour une période de suspension de son contrat de travail consécutive à un accident du travail supérieure à un an (Soc., 2 juin 2016, 15-11.422). 
  • 2. Qu’un salarié travaillant pour un employeur du secteur privé accomplissant un service privé ne peut pas revendiquer l’acquisition de congés payés lorsqu’il est absent à la suite d’une maladie autre que professionnelle (Soc., 13 mars 2013, 11-22.285).  

Deuxième mécanisme : le particulier qui n’a pu invoquer les dispositions de la directive non transposée pourra mettre en cause la responsabilité de l’État (CJUE 24 janv. 2012, Dominguez, aff. C-282/10 ; ex : TA Clermont Ferrand, 1re ch., 6 avril 2016, n°1500608).  

Troisième mécanisme : lorsqu’une directive reprend un principe général du droit, sa force juridique est décuplée et « ces principes en tant qu’éléments du droit primaire semblent jouir de l’effet direct vertical et horizontal »1. Dès lors, une directive les mettant en œuvre bénéficie par réflexion d’un effet direct horizontal (CJUE, 19 janv. 2010, aff. C-555/07).  

Sur ce fondement, de nombreux auteurs interprètent un arrêt rendu par la CJUE en 2018 dans lequel a été admis l’effet direct horizontal de l’article 31 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux (qui reconnaît à tout travailleur le droit à une période annuelle de congés payés) comme permettant d’invoquer l’article 7 de la directive dans des rapports entre particuliers. L’article aurait donc désormais un effet direct horizontal et permettrait notamment de contraindre les employeurs privés à accorder des jours de congés payés aux salariés absents pour maladie non professionnelle.  

En tout état de cause, la Cour de cassation a invité le législateur a modifier les dispositions de l’article L. 3141-5 dans son rapport annuel de 2019 de sorte qu’on peut s’attendre à une évolution législative sur ce point.  

II. L’incidence de l’arrêt maladie sur la prise des congés payés  

Le principe du respect du droit aux congés payés 

L’employeur est créancier d’une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés (C. trav., art. L. 4121-1 et s.) se déclinant en plusieurs formes (prévention, formation, information…) ayant pour finalité la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.  

La prise effective des congés payés fait partie de ces mesures en ce qu’elle permet d’assurer des périodes minimales de repos au salarié. 

La Cour de cassation juge ainsi qu’eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la directive n° 2003/88, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement (Soc., 15 déc. 2015, n° 14-11.294).  

La prise des congés payés est susceptible de poser problème dans deux situations :  

Première situation : La prise de congés payés en cas de maladie antérieure aux congés payés 

Pour le dire de manière non juridique, c’est l’hypothèse dans laquelle le salarié tombe malade avant ses vacances.   

Le salarié qui, au moment de son départ en congé, est en arrêt de travail pour raisons de santé (maladie, maladie professionnelle, accident du travail) ne perd pas ses droits à congés payés acquis.   

Ses congés doivent être reportés que la période de prise des congés ait pris fin ou non. 

La CJUE se prononce dans le même sens et décide que lorsque la maladie se déclare avant le départ en congés payés, en application de l’article 7 de la directive 2003/88/CE, un report doit être organisé : « les congés non pris au cours de la période de référence en raison de la maladie doivent être octroyés ultérieurement » (CJCE, 20 janv. 2009, aff. C-350/06, Schultz-Hoff et a). 

La Cour de cassation pose toutefois une limite importante : cette période de report peut être limitée dans le temps, à condition que celle-ci dépasse substantiellement la durée de la période de référence (Soc., 21 sept. 2017, n° 16-24.022).  

La CJUE admet également que le droit au report des congés payés puisse être limité dans le temps. Elle juge qu’une période de report de quinze mois parait raisonnable (CJUE, 22-11-11, aff. C-214/10, KHS c/ Schulte).  

Deuxième situation : La prise de congés payés en cas d’arrêt maladie survenant pendant les congés payés 

Lorsque la maladie se déclare pendant les congés payés, le salarié ne peut bénéficier d’aucun report de ses congés dont il n’a pu bénéficier du fait de sa maladie à l’issue de son arrêt de travail selon la Cour de cassation. Les congés non pris sont perdus. 

Par exception, la convention collective applicable à l’entreprise peut prévoir une solution différente. 

S’agissant de l’indemnisation de l’arrêt maladie pendant les congés payés, le salarié en arrêt maladie pendant ses congés perçoit à la fois : 

  • l’indemnité de congés payés;  
  • les indemnités journalières de la sécurité sociale sachant que le complément de rémunération conventionnel éventuellement prévu par la convention collective applicable n’est pas versé.  

Sur ce point encore, la position de la jurisprudence française est en contradiction avec le droit de l’Union européenne.  

La CJUE juge que « la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs. Cette finalité diffère en cela de celle du droit au congé de maladie. Ce dernier est accordé au travailleur afin qu’il puisse se rétablir d’une maladie engendrant une incapacité de travail » (CJUE, 21 juin 2012, aff. C-78/11, ANGED c/ FASGA).  

Ainsi, selon la CJUE, le salarié a le droit, à sa demande et afin qu’il puisse bénéficier effectivement de son congé annuel, de prendre ses congés payés à une autre époque que celle coïncidant avec la période de congé de maladie.  

Synthèse des principaux textes légaux / conventionnels et des jurisprudences relatifs au thème des congés payés et des arrêts maladie 

  • C.trav., art. L3141-3 
  • C.trav., art. L3141-5 
  • Directive n° 2003/88, art. 7 
  • Charte des droits fondamentaux, art. 31 paragraphe 2  
  • Soc., 13 mars 2013, 11-22.285 
  • CJUE, 24 janv. 2012, aff. C-282/10, Dominguez 
  • Soc., 22 juin 2016, 15-20.111 
  • Soc., 3 juill. 2012, 08-44.834 
  • Soc., 2 juin 2016, n° 15-11.422 
  • Soc., 21 sept. 2017, n° 16-24.022 
  • CJUE, 21 juin 2012, aff. C-78/11, ANGED c/ FASGA 

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