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La hiérarchie des normes en droit du travail

Par R. BRIGUET-LAMARRE. Enseignant, diplômé de l'école de formation du barreau de Paris (CAPA), Master 2 DPRT (Paris II)

• Publication : 16 juin 2020

• Mise à jour : 10 mars 2023

La hiérarchie des normes (et la pyramide de Kelsen) est un thème étudié en première année de droit qui permet de comprendre comment les normes de différents niveaux s’articulent les une avec les autres.

Le droit du travail est une matière qui connait des normes spécifiques : conventions collectives, engagements unilatéraux, règlement intérieur, contrat de travail… Il existe donc des “règles d’articulation” spécifiques au droit du travail permettant de résoudre un conflit entre les différentes normes propres au droit du travail.

Ce thème peut paraitre compliqué à première vue mais vous ne devez pas vous décourager car la connaissance de ces règles est fondamentale pour au moins deux raisons :

  • La première raison est qu’une bonne compréhension de la hiérarchie des normes en droit du travail vous permettra d’acquérir une “vision d’ensemble” de la matière qui vous aidera à mieux comprendre les autres points du cours.
  • La deuxième raison est que ce sujet donne fréquemment lieu à des sujets d’examen aussi bien en relations individuelles du travail qu’en relations collectives. Vous pouvez avoir un sujet dans lequel deux sources différentes traitent de la même question. Vous devez, dans une telle situation, connaître précisément les règles permettant de savoir quelle norme doit prévaloir.

Nous allons d’abord présenter l’ensemble des sources du droit du travail, puis nous détaillerons les règles relatives à l’articulation entre ces normes afin de mieux comprendre ce qu’il en est réellement de la “hiérarchie des normes en droit du travail“.

À cette fin, nous verrons les règles qui permettent de savoir quelle norme doit prévaloir sur l’autre en cas de conflit entre :

  • une loi et une convention collective,
  • plusieurs conventions collectives de champs d’application différents,
  • une convention collective et le contrat de travail,
  • une convention collective et un engagement unilatéral de l’employeur.

I. Présentation des normes en Droit du travail

Il s’agit de faire une brève présentation des sources du droit du travail sans rentrer dans le détail, l’objectif de ce cours étant surtout d’expliquer la hiérarchie des normes et donc les règles organisant l’articulation de ces sources entre elles.

Les normes en droit du travail - Aideauxtd.com

Si vous n’êtes pas tout à fait au point sur le thème de la hiérarchie des normes de manière générale, je vous invite vivement à lire cet article sur la hiérarchie des normes et la pyramide de Kelsen.

A. Les normes « classiques »

> 1. Les normes constitutionnelles

L’essentiel des normes sociales à valeur constitutionnelle figurent dans le Préambule de la Constitution de 1946 proclamant les principes économiques et sociaux « particulièrement nécessaires à notre temps ».

Exemples :

  • le devoir de travailler et le droit à l’emploi (alinéa 5) ;
  • le droit syndical (alinéa 6). 

> 2. Les normes internationales

De nombreuses conventions internationales intéressent les relations de travail. Ces conventions peuvent avoir une portée « générale » (leurs dispositions n’ont pas vocation à régler uniquement des questions sociales).

Exemple à propos du Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels de 1966, signé le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 3 janvier 1976.  La Cour de cassation a fait application de l’article 6.1 de ce traité, reconnaissant ainsi son applicabilité directe, s’agissant de la compensation financière due en cas de clause de non-concurrence (Soc., 16 déc. 2008, n° 05-40.876). 

Ces conventions peuvent être spécifiques au droit du travail comme les Conventions issues de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Exemple : Barèmes Macron et convention n°158 de l’OIT

L’ordonnance du 22 septembre 2017 a instauré des barèmes ayant vocation à encadrer le montant des indemnités qu’un salarié peut demander à son employeur devant une juridiction en cas de reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (C. trav., art. L.1235-3).

De nombreux salariés ont contesté la conventionalité de cette réforme sur le fondement de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT et de l’article 24 de la Charte sociale européenne.
Dans un avis du 17 juillet 2019, la Cour de cassation a, d’une part, reconnu l’effet direct de l’article 10 de la convention de l’OIT et, d’autre part, jugé le barème de l’article L.1235-3 compatible avec ces dispositions (Avis Cass. 17-7-2019 n° 19-70.010).

De même, les normes issues du Conseil de l’Europe comme la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950 ou la Charte sociale européenne influencent le droit du travail français.

Exemple : sur le fondement de l’article 11 sur la liberté syndicale (« Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts ») la CEDH a jugé que si la liberté d’association des militaires peut faire l’objet de restrictions légitimes, l’interdiction pure et simple de constituer un syndicat ou d’y adhérer porte à l’essence même de cette liberté, une atteinte prohibée par la Convention (CEDH 2 oct. 2014, Matelly c/ France (n° 10609/10)).

Enfin, parmi les normes issues du droit de l’Union européenne de nombreuses directives intéressent  directement les relations individuelles et collectives de travail dans des thèmes variés (sécurité au travail, temps de travail, transfert des contrats de travail, interdiction des discriminations…) et imposent donc aux États une transposition dans leur droit interne (si le droit interne n’est pas déjà conforme).

Exemple : transposition d’une partie des dispositions de la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’embauche et de travail par la loi du n° 2008-496 du 27 mai 2008.

> 3. La loi nationale

L’article 34 de la Constitution confie au législateur la compétence de déterminer les principes fondamentaux du droit du travail. En réalité, la loi ne se contente pas de fixer ces principes mais n’hésite pas à aller dans le détail des règles.

Par ailleurs, l’article L. 1 du Code du travail, issu de la loi « Larcher », impose une concertation préalable des partenaires sociaux avant tout projet de réforme portant sur le droit social.

Cet article formalise une technique législative consistant à englober la négociation collective dans la loi. On parle de « conventionnalisation de la norme législative » ou « négociation légiférante » pour évoquer cette association dans l’élaboration de la norme entre le législateur et les partenaires sociaux

Concrètement, les partenaires sociaux peuvent conclure un Accord National Interprofessionnel, qui sera repris par la loi (ex : ANI du 11 janvier 2013 puis loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi).

Les lois et les règlements intéressants le droit du travail sont, dans leur majorité, codifiés dans le Code du travail. Il est composé d’une partie législative (articles « L ») et d’une partie règlementaire (articles « D » et « R ») et est divisé en Parties (8), elles-mêmes divisées en Livres, en Titres puis en Chapitres.

Voyons maintenant les normes spécifiques au droit du travail.

B. Les normes particulières au droit du travail

> 1. Les Conventions et accords collectifs

Les conventions et accords collectifs sont conclus par un ou plusieurs syndicats ou groupements d’employeurs et une ou plusieurs organisations représentatives des salariés. Les conventions régissent l’ensemble des conditions de travail alors que les accords collectifs ne traitent que des points précis.

Pour simplifier nous emploierons uniquement le terme d’accord collectif dans la suite du cours.

Deux points sont à connaître sur les accords collectifs :

1er point : La nature hybride des conventions et accords collectifs

D’un côté, la conclusion des conventions et accords collectifs naît de la rencontre de deux volontés à savoir celle de la partie patronale et celle de la partie salariale (constituée par un ou plusieurs syndicats représentatifs) et, de la même manière qu’un contrat, donnent naissance à des obligations contractuelles et lient tous les signataires de l’accord.

De l’autre côté, de la même manière qu’une loi ou qu’un règlement, ils bénéficient d’un effet erga omnes en ce qu’ils s’appliquent à des personnes qui n’ont pas participé à leur élaboration (ils s’appliquent à l’ensemble des salariés entrant dans leur champ d’application).

2ème point : Les différents niveaux de négociation

Les conventions collectives se distinguent entre elles selon leur champ géographique et professionnel.

  • L’accord national interprofessionnel qui concerne l’ensemble des branches et des entreprises.
  • Les conventions de branche qui sont conclues au niveau d’une branche d’activité (ex : métallurgie, construction, banque…) et jouent un rôle de police sociale de la concurrence entre les entreprises composant la branche.
  • Les accords professionnels qui sont conclus au profit d’une profession déterminée ou d’un métier identique et s’appliquent quelle que soit la branche ou l’entreprise d’appartenance (ex : Convention collective nationale de travail des journalistes).
  • Les accords d’entreprise, d’établissement et de groupe : ces accords ont pour objectif d’adapter la règle à la situation des salariés. La négociation d’entreprise est favorisée par le législateur qui entend rendre la règle légale plus flexible.
  • Les accords interentreprises conclus entre plusieurs entreprises.

> 2. Les usages, les engagements unilatéraux, le règlement intérieur, les accords atypiques et le contrat de travail

Les usages en droit du travail se caractérisent par trois éléments : la généralité, la constance et la fixité.

Un engagement unilatéral est une décision par laquelle l’employeur crée au profit de ses salariés des droits nouveaux (exemple : versement d’une prime de noël).

L’établissement d’un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant au moins cinquante salariés (C. trav., art. L1311-2). Les articles L. 1311-2 et suivants du Code du travail fixent le contenu du règlement intérieur.

Les accords atypiques sont des accords conclus entre l’employeur et les représentants élus du personnel en dehors des cas réservés à la négociation dérogatoire. Ils suivent le même régime que les engagements unilatéraux (Soc., 22 avr. 1992, n° 88-40.921).

Enfin, le contrat de travail reste une source importante du droit du travail. De nombreuses clauses conservent une importance certaine en pratique.

Ce sont, pour l’essentiel, ces normes, propres au droit du travail, dont l’articulation pose problème. Nous allons voir désormais ci-dessous la hiérarchie des normes en droit du travail.

II. Présentation de la hiérarchie des normes en droit du travail

Cet article concerne uniquement la hiérarchie des normes en droit du travail, de sorte que seules les règles d’articulation relatives aux sources propres au droit du travail seront détaillées.

Avant de rentrer dans le coeur du sujet, sachez que la question de la résolution du conflit entre les sources du Droit du travail est directement en lien avec trois situations problématiques que tout étudiant en Droit du travail doit connaître :

La complexification de l’articulation des sources du Droit du travail français
Les règles relatives à l’articulation des normes entre elles sont complexes en ce qu’elles mettent en place plusieurs techniques différentes d’articulation qui coexistent, certaines constituant le principe, d’autres l’exception.

Le niveau de protection du Droit du travail français
Les règles encadrant l’articulation des normes en Droit du travail influent sur le niveau de protection qu’assure le Droit du travail au salarié. Faire prévaloir certains niveaux de règles sur d’autres peut, selon les cas, protéger les intérêts du salarié ou, à l’inverse, diminuer son niveau de protection.

Ainsi, certains auteurs considèrent que la négociation au niveau de la branche (accord de branche) est plus protectrice que la négociation au niveau de l’entreprise (accord d’entreprise ou d’établissement) les négociateurs syndicaux bénéficiant de plus d’expérience et étant moins susceptibles de subir la pression relative à la perte de leur emploi que dans la négociation d’entreprise. Cette question concerne l’équilibre de la négociation.

Or, la négociation d’entreprise est favorisée par le législateur qui entend rendre la règle légale plus flexible et mieux adaptée aux réalités du terrain.

La question du « dumping social »
L’objectif d’individualisation des règles du droit conduisant à faire prévaloir l’accord d’entreprise sur l’accord de branche peut conduire à des situations de « dumping social », l’accord de branche ayant pour effet de fixer des règles de concurrence entre toutes les entreprises d’une même branche contrairement à l’accord d’entreprise.

A. Les différentes techniques d’articulation

En cas de conflit entre deux normes différentes, plusieurs méthodes d’articulations coexistent en Droit du travail français. On distingue les méthodes suivantes :

1. Privilégier une norme en fonction de sa date : le critère temporel
Le critère temporel consiste à faire prévaloir la règle ancienne sur la règle nouvelle ou, à l’inverse, la règle nouvelle sur la règle ancienne.

2. Concilier deux normes : le critère de la conciliation des normes
Cette technique consiste à éviter le conflit entre deux normes en les interprétant d’une manière les rendant compatible.

3. Imposer une norme dont on ne peut s’écarter : l’ordre public absolu
L’ordre public absolu impose, au nom de l’intérêt général dépassant l’intérêt particulier des salariés, une règle dont on ne peut s’écarter. Il n’est pas possible de déroger à une telle règle ni dans un sens favorable ni défavorable.

Cette technique d’articulation est expressément prévue par la loi s’agissant :

  • Des rapports entre la loi et les conventions collectives
    Article L. 2251-1 du Code du travail : « Une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public ».
  • Des rapports entre la loi et le contrat de travail
    Article 6 du Code civil : « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs » (le droit civil s’applique aux relations de travail en raison de l’article L. 1221-1 du Code du travail selon lequel « Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter »).

4. Imposer une norme dont on ne peut s’écarter sauf dans un sens plus favorable : l’ordre public social
Ce critère consiste à imposer une norme dont la norme inférieure ne peut s’écarter sauf si elle est plus favorable aux salariés. Il s’agit d’une particularité du Droit du travail envisagée comme un instrument de protection et de promotion du statut social du salarié.

Avant 1982 (année qui a vu naître « l’accord dérogatoire ») l’ensemble du Droit du travail reposait sur l’ordre public social. Le principe de faveur constitue une traduction de ce principe permettant de résoudre les conflits de normes.

Ce principe a valeur législative dans les rapports entre la loi et les conventions collectives et entre les conventions collectives et le contrat de travail (C. trav., art. L. 2251-1, art. L. 2254-1) a été reconnu comme un principe fondamental du Droit du travail par la Cour de cassation (Soc., 27 mars 2001, n°98-44.292) mais n’a pas valeur constitutionnelle (Cons. const. 13 janv. 2003, n° 2002-465).

Cette méthode d’articulation connaît aujourd’hui de nombreuses exceptions.

5. Faire prévaloir la norme inférieure sur la norme supérieure : le principe de spécialité ou le principe de proximité
Cette technique consiste à faire prévaloir la norme ayant un champ d’application restreint sur celle ayant un champ d’application plus large (« principe de spécialité » ou « règle de hiérarchie inversée »).

Cette technique trouve dans la loi deux manifestations :

  • La dérogation : la norme inférieure peut déroger à la norme supérieure.
    Il est important de comprendre que le terme « déroger » ne signifie pas nécessairement « moins favorable » mais simplement différent. L’accord peut très bien déroger dans un sens plus favorable.
  • La supplétivité : la norme supérieure ne s’applique qu’à défaut de norme inférieure. Cette technique se développe particulièrement depuis la loi « travail » du 8 août 2016 et les ordonnances du 22 septembre 2017 « ordonnances Macron ».
    Une loi supplétive n’est pas facultative. Elle aura bien un caractère obligatoire en l’absence d’accord.

6. Substituer les dispositions d’une norme inférieure à celles d’une norme supérieure
Cette technique consiste à substituer les dispositions d’une norme inférieure à celles d’une norme supérieure.

Exemple :

Article L. 2254-2 du Code du travail ou l’article L. 2253-5 du Code du travail : « Lorsqu’un accord conclu dans tout ou partie d’un groupe le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord »).

B. L’articulation des sources en droit français

Comment traiter concrètement un conflit de normes en Droit du travail français ?

A. Conflit entre une loi et un accord collectif

Le principe : l’application du principe de faveur

Le principe en Droit du travail reste l’application du principe de faveur : une convention collective peut améliorer la situation des travailleurs sauf dans les cas où la loi s’impose de manière absolue (ordre public absolu).

L’article L. 2251-1 du Code du travail dispose en effet :

« une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public ».

La jurisprudence relative au principe de faveur se trouve sous l’article L.2251-1 du Code du travail.

En vertu de ce principe, les avantages institués par la loi et par l’accord ou la convention collective ne peuvent se cumuler dès lors qu’ils ont le même objet et la même cause (Soc., 6 oct. 2010 ; Soc., 13 juill. 2017, 15-29.124).

Exemple : sauf stipulation contraire de la convention ou de l’accord ou usage plus favorable, les congés payés conventionnels ne peuvent se cumuler avec les congés payés légaux (Circ. 4 du 23-2-1982, titre II-VII : JO 3 mars).

Quelles sont les conséquences de l’application du principe de faveur ?

  • Si la norme inférieure est plus favorable, la norme supérieure est privée d’effet ;
  • Si la norme supérieure plus favorable est adoptée postérieurement, la norme inférieure est caduque.
  • Si la norme inférieure est moins favorable elle est nulle

Les exceptions : la dérogation et la supplétivité

Le principe de faveur connaît plusieurs exceptions :

Exception n°1 (la supplétivité) : Les domaines dans lesquels le Code du travail organise une articulation (durée et aménagement du temps de travail et fonctionnement du comité social et économique) des normes entre l’accord collectif et la loi, sur le mode du triptyque suivant :

o 1) Les règles « d’ordre public »
En principe ces règles sont d’ordre public absolu : aucun accord ne peut y déroger. En réalité, on retrouvera selon les différentes dispositions, dans la partie « ordre public » une règle d’ordre public absolu (insusceptible de faire l’objet d’une dérogation), d’ordre public social (pouvant faire l’objet d’une dérogation plus favorable), d’ordre public dérogatoire (pouvant faire l’objet d’une dérogation plus favorable ou défavorable).

Voir la partie du code du travail relative à la durée du travail pour se familiariser avec cette architecture.

o 2) Le champ de la négociation collective
Est ensuite précisé le « champ de la négociation collective », définissant l’articulation entre les conventions et accords d’entreprise et ceux de la branche.

o 3) Les dispositions supplétives
Sont enfin exposées les « dispositions supplétives », applicables en l’absence de convention ou d’accord (où en cas d’irrégularité de la convention ou de l’accord reconnue par un juge).

Exemple (capture d’écran d’une sous-section du Code du travail) :

Exemple hiérarchie des normes droit du travail

Exception n°2 (dérogation) : Les domaines dans lesquels un accord dérogatoire peut être conclu en vertu de la loi

À titre d’exemple, on peut citer comme accord dérogatoire, en matière de contrat à durée déterminée, la possibilité de limiter l’indemnité de fin de contrat à 6 % au lieu de 10 % à condition de prévoir des actions de formation associées à cette limitation (C. trav., art. L.1243-9) ;

Ce sont ces exceptions qui poussent certains auteurs à évoquer « l’inversion de la hiérarchie des normes » puisqu’un accord collectif peut l’emporter sur la loi. En réalité, la loi reste supérieure aux accords collectifs car c’est bien le législateur qui reste maître pour décider si une loi est supplétive ou s’il est possible d’y déroger.

B. Conflit entre accords collectifs de champs d’application différents

1. Principe : la primauté de l’accord d’entreprise

Pour faciliter la compréhension de ces différentes règles la doctrine évoque le terme de « bloc » (bloc 1bloc 2 et bloc 3).

Principe : la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche : le « bloc 3 »

Article L2253-3 du Code du travail :
« Dans les matières autres que celles mentionnées aux articles L. 2253-1 et L. 2253-2, les stipulations de la convention d’entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la convention de branche ou de l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prévalent sur celles ayant le même objet prévues par la convention de branche ou l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large. En l’absence d’accord d’entreprise, la convention de branche ou l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large s’applique ».

Cet article prévoit que l’accord d’entreprise prévaut sur l’accord de branche en dehors des 17 domaines énumérés aux articles L. 2253-1 et L. 2253-2 soit :

Article L2253-1 du Code du travail
1° Les salaires minima hiérarchiques ;
2° Les classifications ;
3° La mutualisation des fonds de financement du paritarisme ;
4° La mutualisation des fonds de la formation professionnelle ;
5° Les garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale ;
6° Les mesures énoncées à l’article L. 3121-14, au 1° de l’article L. 3121-44, à l’article L. 3122-16, au premier alinéa de l’article L. 3123-19 et aux articles L. 3123-21 et L. 3123-22 du présent code et relatives à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires ;
7° Les mesures relatives aux contrats de travail à durée déterminée et aux contrats de travail temporaire énoncées aux articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3, L. 1244-4, L. 1251-12, L. 1251-35, L. 1251-36 et L. 1251-37 du présent code ;
8° Les mesures relatives au contrat à durée indéterminée de chantier ou d’opération énoncées aux articles L. 1223-8 et L. 1223-9 du présent code ;
9° L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
10° Les conditions et les durées de renouvellement de la période d’essai mentionnées à l’article L. 1221-21 du code du travail ;
11° Les modalités selon lesquelles la poursuite des contrats de travail est organisée entre deux entreprises lorsque les conditions d’application de l’article L. 1224-1 ne sont pas réunies ;
12° Les cas de mise à disposition d’un salarié temporaire auprès d’une entreprise utilisatrice mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 1251-7 du présent code ;
13° La rémunération minimale du salarié porté, ainsi que le montant de l’indemnité d’apport d’affaire, mentionnée aux articles L. 1254-2 et L. 1254-9 du présent code ;

Article L2253-2 du Code du travail
1° La prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels énumérés à l’article L. 4161-1 ;
2° L’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ;
3° L’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leurs parcours syndical ;
4° Les primes pour travaux dangereux ou insalubres.

Il s’agit d’une catégorie sans limite puisque dans tout ce qui ne relève pas des thèmes énumérés ci-dessus l’accord d’entreprise prévaudra sur la convention de branche.

Domaines légalement réservés à la convention de branche sauf « garanties au moins équivalentes » prévues par l’accord d’entreprise (le « bloc 1 »)
Dans les 13 domaines énoncés ci-dessus « les stipulations de la convention de branche ou de l’accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prévalent sur la convention d’entreprise conclue antérieurement ou postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la convention de branche, sauf lorsque la convention d’entreprise assure des garanties au moins équivalentes » (C. trav., art. L.2253-1).

Domaines dans lesquels la branche peut prévaloir si elle le prévoit expressément et si sauf « garanties au moins équivalentes » prévues par l’accord d’entreprise
Dans les 4 domaines énoncés ci-dessus (C. trav., art. L.2253-2) la convention de branche prévaut sur l’accord d’entreprise si elle le prévoit expressément et sauf « garanties au moins équivalentes » prévues par l’accord d’entreprise.

2. Exception : application résiduelle du principe de faveur
Le principe de faveur continuer de s’appliquer dans les conventions de branche entre elles et entre conventions de branche et accord interprofessionnel lorsque les négociateurs du niveau le plus large le stipulent expressément (C. trav., art. L.2251-1).

C. Conflit entre une convention collective et un contrat de travail

> 1. La convention collective « s’applique » aux contrats de travail sauf dispositions plus favorables prévues par le contrat de travail

L’article L.2254-1 prévoit que les conventions collectives s’appliquent aux contrats de travail, sauf si ce dernier contient des stipulations plus favorables.

Un employeur est lié par une convention collective de trois manières différentes (C. trav., art. L.2262-1) :

  • soit l’employeur est partie à un accord d’entreprise;
  • soit il est adhérent à une organisation patronale signataire d’un accord collectif conclu à un niveau territorial autre que l’entreprise ;
  • soit l’entreprise entre dans le champ d’application d’un accord étendu.

En vertu de l’article L. 2254-1 du Code du travail lorsqu’une convention est déclarée applicable dans l’entreprise, ses dispositions s’appliquent à tous les salariés, quelle que soit la date de conclusion de leur contrat de travail, mais ne modifient pas le contenu de ces contrats de travail.

La convention collective « s’applique » simplement au contrat de travail et ne l’incorpore pas.

La loi poste une règle « d’hermétisme » entre contrat de travail, d’une part, et accord collectif, d’autre part. L’accord collectif s’applique alors de manière concurrente avec le contrat de travail, les dispositions effectivement applicables étant celles qui apparaissent comme étant les plus favorables au salarié.

Ainsi, par exemple une modification de la structure de la rémunération du salarié résultant de dispositions conventionnelles modifiées par une nouvelle convention ne constitution pas une modification du contrat de travail et s’impose donc au salarié (Soc., 19 mars 2014, n° 13-10021).

> 2. L’application des clauses conventionnelles créatrices d’obligation

Cette hypothèse vise le cas d’une convention collective qui met à la charge des salariés une obligation, le contrat de travail étant silencieux sur ce point.

La jurisprudence fait produire effet à ce type de clause et leur en impose le respect, à condition que les salariés aient été informés de ces dispositions au moment de leur embauche (Soc., 29 mars 1995), ce qui rend inopposables les obligations conventionnelles apparues dans le statut collectif applicable dans l’entreprise postérieurement à l’embauche (Soc., 27 juin 2002, n° 00-42646).

La Cour de cassation juge toutefois que « la clause par laquelle les parties signataires d’un accord collectif s’engagent à renoncer à toute réclamation concernant la période antérieure à la date de signature de l’accord ne peut engager que les seules parties à l’accord et ne saurait interdire aux salariés de faire valoir en justice les droits qu’ils ont acquis par application de la loi » (Soc., 12 sept. 2007, n° 06-42496).

D. Conflit entre convention collectives et engagements unilatéraux

Trois situations sont à distinguer :

> 1ère situation : Une convention collective entre en vigueur après celle d’un engagement unilatéral
Si un usage ou un engagement unilatéral antérieur porte sur le même objet que la nouvelle convention collective, il disparait, même s’il est plus favorable (Soc., 25 janv. 2006, n° 04-42.793) ;

> 2ème situation : Une convention collective entre en vigueur avant celle d’un engagement unilatéral
L’usage ou l’engagement unilatéral s’applique s’il est plus favorable que la convention collective (Soc., 17 mai 2006, n°04-43.965).

> 3ème situation : Un engagement unilatéral est pris par l’employeur pour remettre en cause l’avantage issu d’une convention collective : les salariés pourront bénéficier de tous les avantages (ceux de la convention collective et ceux issus de l’engagement unilatéral).

Exemple :

« Mais attendu que si l’employeur peut, par un engagement unilatéral, accorder des avantages supplémentaires à ceux résultant d’une convention ou d’un accord collectif de travail, il ne peut substituer à ces avantages conventionnels des avantages différents » (Soc., 15 avril 2015, n° 13-28.045)

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