Blog-07-2024

Raphaël BRIGUET-LAMARRE 

Fondateur du site aideauxtd.com, ex Avocat à Nice, enseignant à l'Université de Nice et formateur en droit social. Master II Droit social à l’Université Paris II Panthéon Assas.

Présente l'article :

• Date de mise à jour : 22/05/2025

• Lecture: 22 min

La hiérarchie des normes - Aideauxtd.com

La hiérarchie des normes désigne un système de classement hiérarchisé des normes juridiques au sein duquel chaque norme du niveau supérieur prévaut sur celle qui lui est subordonnée. Diverses juridictions contrôlent le respect de cette hiérarchie des normes.

Dans ce cours, nous allons expliquer tout ce qu’il est nécessaire de savoir sur le thème de la hiérarchie des normes.

La hiérarchie des normes - Aideauxtd.com

I. Définition de la hiérarchie des normes

La diversité des normes juridiques et leurs possibles conflits

Notre système juridique est composé d'une multitude de normes de différentes natures : les textes constitutionnels, les traités internationaux, les lois votées par le Parlement, les règlements pris par le gouvernement, les arrêtés préfectoraux ou municipaux, les contrats conclus entre particuliers… Cette diversité de sources du droit et cette abondance de normes juridiques créent inévitablement des situations dans lesquels certaines normes sont amenées à se contredire.

Pour vous donner un ordre d’idée, au 25 janvier 2022 le stock net de « mots » pour dire des « normes » s’élevait à 44,1 millions de « mots Légifrance », ce qui représente une évolution + 93,8 % depuis 2002 (source : https://www.actu-juridique.fr/id/AJU004m3). On parle d’inflation législative pour désigner la croissance du nombre et de la longueur des lois au sens large.

📌 Exemple

Par exemple, imaginons qu'une loi récente autorise la construction d'immeubles dans certaines zones protégées, alors que la Constitution garantit le droit à un environnement sain (Charte de l’environnement, art. 1er).

Que faire lorsque deux normes portant sur un même sujet se contredisent ? Comment résoudre ce type de conflit ?

Face à ces contradictions potentielles, il s’avère nécessaire de mettre en place un système permettant de déterminer quelle règle doit prévaloir sur l'autre, c’est-à-dire un système permettant d’articuler ces différentes normes entre elles. Pour simplifier, il faut des règles qui s’appliquent aux règles. C'est exactement le rôle de la hiérarchie des normes qui permet de résoudre ces conflits grâce à un principe hiérarchique.

Ainsi, la hiérarchie des normes est un système de classement hiérarchisé des normes juridiques au sein duquel chaque norme du niveau supérieur prévaut sur celle qui lui est subordonnée et dans lequel des juridictions contrôlent l’effectivité de cette hiérarchie.

En d’autres termes, en cas d’interférence ou d’opposition de normes, le principe de la hiérarchie des normes implique d’accorder la primauté à la norme supérieure.

La pyramide de Kelsen et la hiérarchie des normes

Plusieurs auteurs ont proposé des théories pour expliquer l'organisation des normes juridiques, parmi lesquels figure le juriste autrichien Hans Kelsen.

La pyramide de Kelsen est un concept développé par ce juriste et philosophe du droit austro-américain (1881-1973) dans son ouvrage « Théorie pure du droit », paru en 1934. Cette théorie permet de visualiser l'ensemble des normes juridiques composant l'ordre juridique sous une forme pyramidale à plusieurs étages selon une logique de hiérarchie. Selon Hans Kelsen : « l’ordre juridique n'est pas un système de normes juridiques placées au même rang, mais un édifice à plusieurs étages superposés, une pyramide, ou une hiérarchie, formée d'un certain nombre d'étages ou couches de normes successives ».

À chaque étage de la pyramide correspond une catégorie de normes, la norme inférieure devant respecter la norme supérieure. Il classe ainsi les normes en fonction de leur valeur, valeur qui dépend de l'organe de création de la norme.

Caractéristiques de la pyramide de Kelsen

Il y a trois éléments importants à comprendre dans cette théorie pyramidale :

1. La pyramide permet la visualisation de l'ordre juridique

Un ordre juridique ou un système juridique est un ensemble organisé de règles de droit (ou « de normes »), régissant une société donnée. On classe les normes par « catégories » ou par « types » :

Type de normes Classification
Les normes constitutionnelles relèvent du bloc constitutionnel
Les normes conventionnelles relèvent du bloc conventionnel
Les normes légales relèvent du bloc légal
Les normes règlementaires relèvent du bloc réglementaire

2. La pyramide permet de comprendre l'idée de hiérarchie

Ces règles de droit sont hiérarchisées. Il est possible de les classer selon leur degré d'autorité, en distinguant les normes supérieures des normes inférieures.

Les normes supérieures commandent et s'imposent à celles qui leur sont inférieures. Elles sont subordonnées dans la hiérarchie pyramidale. Chaque norme doit être conforme ou compatible, avec toutes celles qui lui sont supérieures.

Au sein de cette pyramide, chaque norme tire sa validité de sa conformité à la norme supérieure. Selon Hans Kelsen, au sein de cette pyramide, chaque norme tire sa validité de la norme qui lui est supérieure (question de la validité) et chaque norme doit être conforme à la norme qui lui est supérieure (question conformité).

3. La forme pyramidale met l'accent sur le nombre de normes différent selon la catégorie

La pyramide de Kelsen permet non seulement d'exprimer l'idée de hiérarchie entre les différentes catégories de normes, mais également celle selon laquelle les normes supérieures sont moins nombreuses que les normes subordonnées. L'idée est que plus nous montons dans les catégories de normes, moins les normes sont nombreuses et plus elles sont générales. L'image d'une « tour » par exemple ne permettrait pas d'exprimer la même idée qu'une « pyramide » (puisque dans une pyramide la base est plus large que le sommet).

💬 La philosophie de Kelsen : le courant positiviste

La pyramide de Hans Kelsen se rattache au courant « positiviste » (ou « normativiste »).

Pour simplifier, deux principaux courants cherchent à expliquer le fondement de la règle de droit (le fondement de la règle de droit est une partie du cours d'introduction au droit).

Pour les positivistes, le droit est l'ensemble des règles existant à un moment donné dans un endroit donné. Plus spécifiquement, Hans Kelsen se rattache à un sous-courant du positivisme : le positivisme étatique. Le droit est un ordre normatif et hiérarchisé et la règle de droit s'impose du seul fait qu'elle est l'expression de l'État. Selon lui, seul le « droit » peut fonder la validité du droit.

Chaque norme puise donc sa validité dans une norme supérieure, plus précisément dans le respect des conditions d'édiction posées par une norme supérieure. La loi est valide parce qu'elle respecte les conditions d'édiction d'une norme supérieure, la Constitution.
Selon Kelsen, la science du droit ne s'intéresse qu'à la validité formelle des normes et non pas à leur contenu substantiel. Une « théorie pure » du droit ne porte pas de jugement de valeur sur le contenu des normes. Il n'y a aucun fondement idéologique ou moral.

À l'inverse, l'école du droit naturel (ou « jusnaturaliste ») met l'accent sur l'idéal de justice pour chercher le fondement de la règle de droit. Les règles de droit peuvent être écartées lorsqu'elles ne sont pas conformes à une justice ou à un ordre supérieur au droit.

Le rapport entre la hiérarchie des normes et l'État de droit

La hiérarchie des normes constitue l'un des piliers fondamentaux de l'État de droit. Dans un État de droit, le pouvoir politique est encadré par des règles de droit qui s'imposent à tous, y compris aux gouvernants. La hiérarchie des normes garantit cette soumission du pouvoir au droit en établissant un système où les autorités publiques ne peuvent agir que dans le respect des normes qui leur sont supérieures. Ce principe empêche l'arbitraire en soumettant l'action des pouvoirs publics au contrôle des juridictions qui veillent au respect de cette hiérarchie. L'existence de mécanismes effectifs de contrôle, que nous évoquerons dans la suite de ce cours, permet aux citoyens de contester les actes qui violeraient les normes supérieures, consacrant ainsi la prééminence du droit sur le pouvoir politique.

Le rapport entre la hiérarchie des normes et les droits fondamentaux

La hiérarchie des normes joue un rôle crucial dans la protection des droits fondamentaux en leur conférant une valeur juridique supérieure. En plaçant au sommet de l'ordre juridique les textes garantissant ces droits (Constitution, traités internationaux comme la CEDH), la hiérarchie des normes assure leur primauté sur les actes des pouvoirs publics. L'évolution remarquable depuis 1971 avec la décision « Liberté d'Association » a considérablement renforcé cette protection en élargissant le bloc de constitutionnalité. La création de la QPC en 2008 a ensuite permis aux citoyens de contester directement les lois portant atteinte à leurs droits fondamentaux. Cette articulation entre hiérarchie des normes et droits fondamentaux transforme ces derniers de simples déclarations d'intention en véritables droits subjectifs, juridiquement garantis et opposables aux pouvoirs publics.

II. Présentation de la hiérarchie des normes

La hiérarchie des normes, souvent représentée sous forme pyramidale, comprend plusieurs niveaux ou « blocs » de normes juridiques classés selon leur autorité. Chaque norme doit respecter celles qui lui sont supérieures, ce qui assure la cohérence de l'ensemble du système juridique. Examinons en détail chacun de ces blocs, du sommet vers la base de cette hiérarchie.

Bloc de constitutionnalité

Au sommet de la hiérarchie des normes se trouve le bloc de constitutionnalité, qui regroupe l'ensemble des textes et principes à valeur constitutionnelle.

💬 La notion de « bloc de constitutionnalité »

La notion de « bloc de constitutionnalité » est apparue avec la célèbre décision « Liberté d'Association » du 16 juillet 1971. Dans cette affaire, le Conseil constitutionnel a examiné une loi qui soumettait la création d'associations à un contrôle préalable de l'autorité administrative. Le Conseil a considéré que cette loi portait atteinte à un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » : la liberté d'association.

Le Conseil constitutionnel s'est référé non seulement à la Constitution elle-même, mais également à son Préambule et, par ricochet, à la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et au Préambule de la Constitution de 1946. Cette décision a considérablement élargi les normes de référence utilisées par le Conseil pour contrôler la constitutionnalité des lois, étendant ainsi la protection des droits fondamentaux.

Composition du bloc de constitutionnalité

Le bloc de constitutionnalité comprend :

  • La Constitution du 4 octobre 1958. Ce texte fondamental organise les pouvoirs publics et garantit les droits et libertés fondamentaux des citoyens. Elle comprend un préambule et 89 articles définissant notamment la forme républicaine du gouvernement, les rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif, et le fonctionnement des institutions.
  • Le Préambule de la Constitution de 1946. Il proclame des principes politiques, économiques et sociaux « particulièrement nécessaires à notre temps » comme le droit d'obtenir un emploi, le droit de grève, ou encore l'égalité entre hommes et femmes.
  • La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il s’agit d’un texte fondateur qui énonce les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, tels que la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.
  • Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR). Ces principes, dégagés progressivement par le Conseil constitutionnel, incluent notamment la liberté d'association, les droits de la défense, la liberté de l'enseignement, l'indépendance des professeurs d'université, etc.
  • La Charte de l'environnement de 2004. Intégrée au bloc de constitutionnalité en 2005, elle consacre des principes comme le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, la responsabilité environnementale, les principes de précaution et de développement durable.
  • Les objectifs à valeur constitutionnelle. Ces principes, dégagés par le Conseil constitutionnel, incluent par exemple l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi, la lutte contre la fraude fiscale, la sauvegarde de l'ordre public.
  • Les principes à valeur constitutionnelle. Ces principes, également dégagés par le Conseil constitutionnel, comprennent notamment la dignité de la personne humaine, la liberté contractuelle, la liberté d'entreprendre.
📌 Exemple

Dans sa décision du 27 juillet 1994 relative aux lois bioéthiques, le Conseil constitutionnel a consacré le principe de dignité de la personne humaine comme principe à valeur constitutionnelle. Sur ce fondement, il a validé l'interdiction des pratiques eugéniques et du clonage reproductif.

Rôle et portée du bloc de constitutionnalité

Le bloc de constitutionnalité constitue la norme suprême dans l'ordre juridique interne français. Toute norme inférieure qui contreviendrait à une disposition du bloc de constitutionnalité peut être invalidée par le Conseil constitutionnel. Ce contrôle s'exerce soit avant la promulgation de la loi (contrôle a priori), soit après son entrée en vigueur à l'occasion d'un litige (contrôle a posteriori via la Question Prioritaire de Constitutionnalité). Nous en reparlerons dans la suite de ce cours. 

Bloc de conventionnalité

Le bloc de conventionnalité (« conventionnalité » pour « conventions internationales ») occupe le deuxième niveau dans la hiérarchie des normes. Il regroupe l'ensemble des traités internationaux et le droit issu de l'Union européenne.

Les traités internationaux

Les traités internationaux sont des accords conclus entre États qui créent des droits et des obligations dans leurs relations mutuelles. L'article 55 de la Constitution leur confère une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve de leur application par l'autre partie (principe de réciprocité).

Parmi les traités internationaux auxquels la France est partie, la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) joue un rôle particulièrement important en raison de son effet direct et de l'existence d'une juridiction spécifique (la Cour européenne des droits de l'homme) chargée de veiller à son respect.

La supériorité des traités sur les lois, affirmée par l'article 55 de la Constitution, n'a pas toujours été pleinement reconnue par les juridictions françaises. Deux décisions majeures ont marqué un tournant dans cette reconnaissance : l'arrêt « Société des cafés Jacques Vabre » (Chambre mixte, 24 mai 1975) et l'arrêt Nicolo (Conseil d'État, 20 octobre 1989) dont nous reparlerons dans la suite de ce cours dans la partie sur les contrôles de la hiérarchie des normes.

Le droit de l'Union européenne

Le droit de l'Union européenne se compose de deux catégories principales.

D’abord, le droit primaire qui comprend les traités fondateurs de l'Union européenne et leurs modifications successives à savoir :

  • Le Traité sur l'Union Européenne (TUE)
  • Le Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE)

Ensuite, le droit dérivé qui découle des traités fondateurs et comprend :

  • Les règlements qui sont directement applicables dans tous les États membres sans nécessité de transposition.
  • Les directives qui fixent des objectifs à atteindre mais laissent aux États membres le choix des moyens pour y parvenir.
  • Les décisions qui sont obligatoires dans tous leurs éléments pour leurs destinataires.
  • Les recommandations et avis qui sont dépourvus de force contraignante.

La primauté du droit de l'Union européenne

La primauté du droit de l'Union européenne sur le droit national a été affirmée par la Cour de Justice dans plusieurs arrêts fondamentaux.

D’abord, dans l'arrêt « Costa c/ ENEL » (CJCE, 15 juillet 1964), la Cour y affirme que le droit né du traité ne pourrait donc se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu'il soit. Cette primauté absolue vise à garantir l'application uniforme du droit communautaire dans tous les États membres.

Dans l'arrêt « Internationale Handelsgesellschaft » (CJCE, 17 décembre 1970), la Cour précise que le droit de l'Union européenne prime même sur les dispositions constitutionnelles des États membres.

Toutefois, le Conseil constitutionnel français maintient certaines réserves. Dans sa décision du 27 juillet 2006 relative à la loi sur le droit d'auteur, il a jugé qu'une directive européenne ne peut être transposée en droit français si elle porte atteinte à « l'identité constitutionnelle de la France », sauf consentement du constituant.

Bloc de légalité

Le bloc de légalité occupe la troisième position dans la hiérarchie des normes, après les blocs de constitutionnalité et de conventionnalité. Il regroupe l'ensemble des actes de valeur législative.

Les différents types de lois

Il existe plusieurs types de loi.

Les lois organiques occupent une place intermédiaire entre la Constitution et les lois ordinaires. Elles précisent et complètent la Constitution en fixant les modalités d'organisation et de fonctionnement des pouvoirs publics. Leur adoption est soumise à une procédure particulière (délai de réflexion, majorité absolue au Sénat pour les lois le concernant, contrôle obligatoire par le Conseil constitutionnel).

Les lois ordinaires sont les lois classiques, votées par le Parlement dans les domaines énumérés à l'article 34 de la Constitution. Elles peuvent émaner du gouvernement (il s’agit alors de « projets de loi ») ou des parlementaires (il s’agit alors de propositions de loi).

Les lois référendaires sont adoptées directement par le peuple français par référendum (article 11 de la Constitution). Ces lois bénéficient d'une légitimité particulière qui, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les soustrait au contrôle de constitutionnalité a posteriori (décision du Conseil constitutionnel du 6 novembre 1962). On parle de référendum législatif.

📌 Exemple

L’article 11 de la Constitution a par exemple été utilisé afin de mettre en place l’élection du Président de la République au suffrage universel direct en France (référendum du 28 octobre 1962).

Les ordonnances ratifiées sont des actes pris par le gouvernement sur habilitation du Parlement (article 38 de la Constitution). Une fois ratifiées par le Parlement, elles acquièrent valeur législative. Avant ratification, leur valeur juridique est discutée (réglementaire selon certains, législative selon d'autres). 

Le domaine de la loi

Contrairement aux constitutions précédentes, la Constitution de 1958 limite expressément le domaine d'intervention de la loi. L'article 34 énumère limitativement les matières relevant du domaine législatif. On parle de compétence d’attribution (car la Constitution attribue certains domaines spécifiques au législateur).

Ainsi, on distingue :

  • Le domaine entièrement législatif qui regroupe les matières dans lesquelles le législateur fixe les règles (droits civiques, nationalité, état et capacité des personnes, régimes matrimoniaux, détermination des crimes et délits, etc.) ;
  • Le domaine partiellement législatif qui regroupe les matières dans lesquelles il détermine simplement les principes fondamentaux (régime de la propriété, droit du travail, droit syndical, enseignement, etc.).

Cette délimitation est une caractéristique fondamentale du « parlementarisme rationalisé » institué par la Constitution de 1958, qui visait à limiter les pouvoirs du Parlement au profit de l'exécutif.

Bloc règlementaire

Le bloc réglementaire regroupe l'ensemble des actes administratifs à caractère général et impersonnel émanant du pouvoir exécutif.

Les différents types de règlements

Le règlement autonome, prévu par l'article 37 de la Constitution, intervient dans les matières qui ne sont pas réservées à la loi. Le pouvoir réglementaire dispose d'une compétence de droit commun pour fixer des règles dans tous les domaines non attribués expressément au législateur. Ces règlements ne sont soumis qu'au respect de la Constitution et des traités internationaux.

Le règlement d'application vise à préciser les modalités d'application d'une loi. Contrairement au règlement autonome, il est subordonné à la loi qu'il met en œuvre et ne peut la contredire. On trouve de nombreux décrets d'application en droit du travail, car l'article 34 de la Constitution confie au législateur uniquement la compétence de déterminer les principes fondamentaux dans ce domaine.

La hiérarchie interne au bloc réglementaire

Les règlements sont eux-mêmes hiérarchisés selon l'autorité qui les édicte :

  • Les décrets du Président de la République
  • Les décrets du Premier ministre
  • Les arrêtés ministériels
  • Les arrêtés préfectoraux
  • Les arrêtés municipaux

Les circulaires et autres textes administratifs

En dehors des règlements proprement dits, l'administration produit de nombreux textes interprétatifs :

  • Circulaires
  • Instructions
  • Notes de service
  • Directives

Ces textes ne sont pas, en principe, créateurs de règles de droit. Ils visent simplement à interpréter des textes existants ou à organiser le fonctionnement interne des services. Toutefois, le Conseil d'État admet qu'un recours est possible contre une circulaire lorsqu'elle est susceptible d'avoir « des effets notables » sur les droits ou la situation des administrés (CE, Sect., 2020, Gisti).

Les normes non écrites

Bien que la hiérarchie des normes concerne principalement les sources écrites du droit, certaines normes non écrites y trouvent également leur place.

La coutume

La coutume est une règle non écrite résultant d'un usage prolongé et de la conviction de son caractère obligatoire. En droit français moderne, elle joue un rôle résiduel, mais conserve une importance dans certains domaines spécifiques comme le droit commercial ou le droit rural.

La place de la coutume dans la hiérarchie des normes dépend de son rapport avec la loi :

  • La coutume secundum legem complète la loi et lui est subordonnée ;
  • La coutume praeter legem comble une lacune de la loi ;
  • La coutume contra legem s’avère en principe impossible sauf exception rare.

Les principes généraux du droit

Ces principes, dégagés par le juge administratif, sont des règles non écrites que l'administration doit respecter même en l'absence de texte. Ils se situent au-dessus des actes administratifs dans la hiérarchie des normes, mais en dessous de la loi.

Parmi ces principes figurent notamment :

  • Le principe d'égalité d’accès au service public (CE, 1951, « Société des concerts du conservatoire »).
  • Les droits de la défense (CE, 1944, Dame veuve Trompier-Gravier) ;
  • La non-rétroactivité des actes administratifs (CE, 25 juin 1948, Société du Journal l'Aurore) ;
  • La sécurité juridique (CE, Ass., 14 mars 2006, KPMG).

Ces principes généraux du droit témoignent du rôle créateur du juge dans l'élaboration des normes juridiques et contribuent à encadrer l'action administrative.

III. Les contrôles de la hiérarchie des normes

Pour que la hiérarchie des normes soit véritablement effective et ne reste pas un simple concept théorique, il est indispensable que des mécanismes de contrôle garantissent son respect. Ces mécanismes permettent de vérifier que les normes de niveau inférieur se conforment bien aux normes de niveau supérieur et assurent ainsi la cohérence de l'ensemble du système juridique.

En droit français, trois grands types de contrôles, exercés par différents organes, permettent d'assurer le respect de la hiérarchie des normes.

1. Le contrôle de constitutionnalité

Le contrôle de constitutionnalité vise à s'assurer que les normes juridiques respectent la Constitution, placée au sommet de notre hiérarchie des normes. Ce contrôle est exercé principalement par le Conseil constitutionnel, institution créée par la Constitution de 1958.

Les différentes formes du contrôle de constitutionnalité

Le Conseil constitutionnel intervient à plusieurs niveaux pour garantir le respect de la Constitution :

1. Le contrôle des traités internationaux

En vertu de l'article 54 de la Constitution, le Conseil constitutionnel peut être saisi pour vérifier qu'un traité international ne contient pas de clause contraire à la Constitution avant sa ratification. Si le Conseil constate une incompatibilité, le traité ne pourra être ratifié qu'après révision de la Constitution.

Ce mécanisme préventif illustre parfaitement la supériorité théorique de la Constitution sur les traités internationaux dans notre ordre juridique. Il permet d'éviter les conflits entre normes constitutionnelles et normes internationales en adaptant, si nécessaire, notre Constitution aux engagements internationaux que la France souhaite prendre.

2. Le contrôle a priori des lois

Le Conseil constitutionnel peut également être saisi avant la promulgation des lois pour vérifier leur conformité à la Constitution (article 61 de la Constitution). Ce contrôle est :

Obligatoire pour les lois organiques et les règlements des assemblées parlementaires

Facultatif pour les lois ordinaires (sur saisine du Président de la République, du Premier ministre, des présidents des assemblées ou de 60 députés ou sénateurs)

Si le Conseil déclare une disposition législative contraire à la Constitution, celle-ci ne peut être promulguée ni mise en application.

3. La Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC)

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, un mécanisme de contrôle a posteriori des lois a été introduit via la Question Prioritaire de Constitutionnalité (article 61-1 de la Constitution). Ce dispositif permet à tout justiciable, lors d'un procès, de soutenir qu'une disposition législative déjà en vigueur porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Si la question est jugée sérieuse, elle est transmise au Conseil constitutionnel par le Conseil d'État ou la Cour de cassation. Le Conseil constitutionnel peut alors abroger la disposition contestée si elle est effectivement inconstitutionnelle. Cette abrogation vaut pour l'avenir et peut, dans certains cas, être modulée dans le temps par le Conseil constitutionnel.

La QPC a profondément transformé notre système juridique en instaurant un véritable droit au recours constitutionnel pour les citoyens et en permettant la « purge » progressive des dispositions législatives inconstitutionnelles présentes dans notre ordre juridique.

2. Le contrôle de conventionnalité

Le contrôle de conventionnalité est un contrôle ayant pour objet d’apprécier la conformité d’une loi par rapport à une norme internationale et, en cas de contrariété, de faire prévaloir la norme la plus élevée dans la hiérarchie des normes, à savoir la norme internationale. Contrairement au contrôle de constitutionnalité, il n'est pas centralisé entre les mains d'une juridiction spécifique, mais exercé de manière diffuse par l'ensemble des juridictions ordinaires (judiciaires et administratives).

Les organes exerçant le contrôle de conventionnalité

Le refus du Conseil constitutionnel d’exercer le contrôle de conventionnalité

Dans la décision « IVG » du 15 janvier 1975, le Conseil constitutionnel a refusé d'exercer le contrôle de conventionnalité. Il a considéré qu'une loi contraire à un traité n'est pas pour autant contraire à la Constitution et qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel « d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international ».

Cette position a conduit à une répartition des compétences entre le Conseil constitutionnel, chargé du contrôle de constitutionnalité, et les juridictions ordinaires, responsables du contrôle de conventionnalité.

L’exercice du contrôle de conventionnalité par les juridictions de l’ordre judiciaire et administratif

La Cour de cassation a accepté d'exercer le contrôle de conventionnalité dès 1975 avec l'arrêt « Société des cafés Jacques Vabre » (Ch. mixte, 24 mai 1975). Dans cette affaire concernant un conflit entre le Code des douanes français et le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne, la Cour de cassation a affirmé la primauté du traité sur une loi française postérieure en s'appuyant sur l'article 55 de la Constitution.

Cette décision marque l'acceptation par le juge judiciaire de son rôle dans le contrôle de la conformité des lois aux traités internationaux.

Le Conseil d'État a longtemps refusé d'écarter une loi postérieure à un traité international, considérant qu'il ne lui appartenait pas, en tant que juge administratif, de contrôler la loi. Ce n'est qu'en 1989, avec l'arrêt « Nicolo » (CE, 20 octobre 1989), qu'il a opéré un revirement de jurisprudence majeur.

Dans cette affaire relative aux élections au Parlement européen, le Conseil d'État a accepté d'examiner la compatibilité d'une loi du 7 juillet 1977 avec le Traité de Rome du 25 mars 1957, reconnaissant ainsi pleinement la primauté du droit communautaire sur les lois nationales, même postérieures.

Cet arrêt est considéré comme un tournant décisif dans l'évolution de la hiérarchie des normes en France. Il a consacré définitivement la supériorité des traités internationaux sur les lois nationales dans l'ordre juridique français.

Les effets du contrôle de conventionnalité

Le contrôle de conventionnalité a des effets fondamentalement différents de ceux du contrôle de constitutionnalité :

  • Il peut être exercé à tout moment, y compris longtemps après l'entrée en vigueur de la loi ;
  • Il n'aboutit pas à l'annulation de la loi, mais simplement à sa non-application dans le litige concerné ;
  • Il peut être exercé par toutes les juridictions, y compris les juridictions de première instance ;
  • Il concerne potentiellement toutes les lois, même celles déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Cette diffusion du contrôle renforce considérablement l'effectivité de la hiérarchie des normes, mais peut également conduire à des divergences jurisprudentielles entre les différentes juridictions.

3. Le contrôle de légalité

Le contrôle de légalité vise à s'assurer que les actes administratifs, notamment les règlements, respectent les normes qui leur sont supérieures, particulièrement les lois. Ce contrôle est fondamental dans un État de droit, car il permet de soumettre l'administration au respect du principe de légalité.

Les modalités du contrôle de légalité

Les règlements, qu'il s'agisse des règlements autonomes (article 37 de la Constitution) ou des règlements d'application des lois, sont soumis à un double contrôle :

D’abord, le recours pour excès de pouvoir est un recours en annulation dirigé directement contre un acte administratif illégal. Le recours pour excès de pouvoir :

  • Peut être exercé par toute personne ayant un intérêt à agir ;
  • Doit être introduit dans un délai généralement de deux mois à compter de la publication ou de la notification de l'acte ;

Si le juge administratif constate l'illégalité de l'acte, il prononce son annulation avec effet rétroactif (l'acte est réputé n'avoir jamais existé). Cette annulation a un effet erga omnes (à l'égard de tous).

📌 Exemple

Un requérant souhaitant contester un arrêté ministériel d'extension d'une convention collective peut formuler un recours pour excès de pouvoir directement contre cet arrêté pour tenter d'en obtenir l'annulation en se fondant sur des dispositions législatives contraires.

Ensuite, l'exception d'illégalité permet à un justiciable, à l'occasion d'un litige principal, de contester la légalité d'un acte administratif qui sert de fondement à la décision qui lui est opposée.

L’exception d’illégalité :

  • Ne constitue pas une action autonome, mais un moyen de défense ;
  • Peut être soulevée sans condition de délai pour les actes réglementaires (mais pas pour les actes individuels) ;
  • N'entraîne pas l'annulation de l'acte, mais simplement sa non-application au cas d'espèce.

Elle a donc un effet inter partes (limité aux parties au litige)

La compétence juridictionnelle en matière de contrôle de légalité

Le contrôle de légalité relève en principe de la compétence des juridictions administratives. Toutefois, certaines exceptions permettent aux juridictions judiciaires d'exercer également ce contrôle.

Ainsi, l'article 111-5 du Code pénal autorise les juridictions pénales à interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et à en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis. Par exemple, un prévenu poursuivi pour violation d'un arrêté municipal peut contester la légalité de cet arrêté devant le tribunal correctionnel.

De même, la théorie des actes manifestement insusceptibles de se rattacher à un pouvoir de l'administration (voie de fait) permet au juge judiciaire d'apprécier la légalité d'actes qui, par leur gravité, ne peuvent être considérés comme des actes administratifs véritables.

Les contrôles spécifiques

En complément des trois grands types de contrôles évoqués précédemment, notre système juridique prévoit des mécanismes de contrôle spécifiques pour certaines catégories de normes :

Le déféré préfectoral

Le préfet, représentant de l'État dans le département, peut déférer au tribunal administratif les actes des collectivités territoriales qu'il estime illégaux. Ce mécanisme, prévu par les lois de décentralisation, permet de contrôler la légalité des actes administratifs locaux tout en respectant l'autonomie des collectivités territoriales (le préfet ne peut plus annuler lui-même ces actes comme c'était le cas avant 1982).

Le contrôle des circulaires et instructions administratives

Les circulaires et instructions administratives, longtemps considérées comme des mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours, font désormais l'objet d'un contrôle juridictionnel dans certaines conditions.

Selon la jurisprudence GISTI du Conseil d'État (CE, Sect., 12 juin 2020), une circulaire peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir si elle est susceptible d'avoir « des effets notables sur les droits ou la situation des administrés ».

L'articulation des différents contrôles

La multiplicité des contrôles et des ordres juridictionnels soulève la question de leur articulation, notamment en cas de conflit entre normes de sources différentes.

L'articulation entre contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité

La coexistence de ces deux types de contrôle peut conduire à des situations complexes.

Une loi peut être déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, mais jugée contraire à un engagement international par les juridictions ordinaires.

Inversement, une loi peut respecter les engagements internationaux de la France tout en violant sa Constitution.

Pour résoudre partiellement cette difficulté, la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution a instauré le caractère prioritaire de la QPC : lorsqu'un justiciable invoque à la fois l'inconstitutionnalité et l'inconventionnalité d'une loi, le juge doit examiner en premier lieu la question de constitutionnalité.

L'articulation des contrôles face à la multiplicité des sources supranationales

La multiplication des sources supranationales (droit de l'UE, Conv. EDH, autres conventions internationales) complexifie encore l'articulation des contrôles. Les juridictions doivent parfois résoudre des conflits entre normes internationales de sources différentes.

Par ailleurs, une difficulté majeure dans l'application de la hiérarchie des normes réside dans les divergences d'interprétation entre les juridictions suprêmes. Le conflit le plus significatif oppose le Conseil constitutionnel et la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) concernant la primauté du droit de l'UE. Alors que la CJUE affirme catégoriquement dans l'arrêt « Internationale Handelsgesellschaft » (1970) que le droit européen prime sur toutes les normes nationales, y compris constitutionnelles, le Conseil constitutionnel maintient une position plus nuancée. Dans sa décision du 27 juillet 2006, il reconnaît l'obligation constitutionnelle de transposer les directives européennes, mais pose une limite lorsqu'elles portent atteinte à « l'identité constitutionnelle de la France ». Cette opposition permet d'illustrer comment la multiplicité des contrôles juridictionnels peut aboutir à des solutions contradictoires.

IV. Le renouvellement de la hiérarchie traditionnelle des normes

La conception pyramidale de l'ordre juridique, telle que théorisée par Hans Kelsen, fait aujourd'hui l'objet de nombreuses critiques dans la doctrine juridique contemporaine. Si cette représentation a longtemps servi de référence pour décrire l'organisation des normes juridiques, les évolutions récentes du droit remettent en question sa pertinence et appellent à son renouvellement.

Les limites du modèle pyramidal

D’abord le problème de la norme fondamentale constitue une difficulté théorique majeure. La théorie de Kelsen repose sur l'idée que chaque norme tire sa validité d'une norme supérieure. Mais cette logique conduit inévitablement à s'interroger sur le fondement de la norme suprême elle-même - d'où la norme placée au sommet de la pyramide tire-t-elle sa validité ?

Ensuite, la multiplication des sources du droit tend également à remettre en cause cette vision hiérarchique du système juridique. L'ordre juridique contemporain se caractérise par une prolifération des sources normatives qui ne s'intègrent pas aisément dans un schéma strictement vertical. La théorie de la pyramide de Kelsen est remise en cause en raison de « la multiplication croissante des sources du droit et de l'accroissement des contrôles de conformité » (P. Jestaz, La norme dans la doctrine privatiste du XXe siècle, RTD civ. 2020. 35).

Par ailleurs, l'émergence du droit souple constitue une troisième difficulté. Les instruments de soft law échappent à la logique traditionnelle hiérarchique. Il est difficile, voire impossible, de situer le droit souple dans la pyramide de Kelsen, car il n'a pas de caractère obligatoire, mais les règles issues du droit souple sont dotées d'une efficacité juridique de fait (C. Kleitz, Le Canada Dry du droit, Gaz. Pal. 10 oct. 2013, n° 149). Ces normes proposent, recommandent ou conseillent sans imposer, rendant leur classification dans la hiérarchie traditionnelle particulièrement délicate.

Enfin, les conflits entre juridictions représentent une quatrième limite importante. La multiplication des contrôles de conformité aboutit parfois à des solutions contradictoires (C. Kleitz, La Cour de cassation se rebiffe !, Gaz. Pal. 29 avr. 2010, p. 3). L'exemple typique est celui de la différence de conception s'agissant de la valeur du droit de l'Union européenne par rapport à la Constitution qui oppose le Conseil constitutionnel et la Cour de Justice de l'Union européenne (dont nous avons parlé un peu plus haut dans ce cours). Finalement, les conflits de normes dissimulent souvent des conflits de juridictions.

Enfin, la pyramide de Kelsen ne permet pas de rendre compte de la particularité de certaines matières juridiques particulières comme le Droit du travail. La hiérarchie des normes en Droit du travail présente des spécificités en raison notamment de l’existence des conventions et accords collectifs de travail.

L'émergence d'un modèle en réseau

Face à ces transformations, de nouvelles approches théoriques ont été proposées. Comme alternative à la pyramide de Kelsen, certains auteurs proposent de se représenter l'ordre juridique comme un « réseau de normes » (F. Ost et M. van de Kerchove, De la pyramide au réseau, éd. Facultés universitaires Saint-Louis, 2002).

Dans cette conception, l'ordre juridique contemporain se caractérise davantage par des relations horizontales que verticales, où les normes interagissent de façon plus complexe que dans un simple rapport de subordination. Cette vision permet de mieux rendre compte de phénomènes comme les relations entre droit national et droit de l'Union européenne, ou les spécificités de certaines branches du droit.

La métaphore du réseau, bien que moins simple à se représenter qu'une pyramide, permettrait de mieux rendre compte de la réalité de notre ordre juridique. Cette nouvelle approche reflète une vision où « la pyramide de Kelsen n'a plus rien de la pureté géométrique du modèle égyptien » selon la formule éclairante de G. Drouot (G. Drouot, Droit, algorithmes et anarchie, D. 2020. 35).

Si le modèle en réseau ne fait pas l'unanimité et que certains aspects hiérarchiques demeurent dans notre système juridique, cette évolution des représentations théoriques témoigne des transformations profondes qu'a connues l'ordre juridique contemporain, marqué par la mondialisation, l'européanisation et la complexification croissante des rapports entre normes juridiques.

V. Bonus : tableau récapitulatif des arrêts importants sur la hiérarchie des normes

Nom et références de l'arrêt

Solution de l'arrêt

Arrêt dit « Nicolo » (Conseil d’État, Ass., 20 octobre 1989, n°108-243)

Dans l’arrêt Nicolo, le Conseil d’État (juge administratif):

• accepte de procéder à un contrôle de conventionnalité en écartant les dispositions prévues par une loi interne sur le fondement des dispositions d’un traité international.

• juge que conformément à l’article 55 de la Constitution un traité international a une valeur juridique supérieure à une loi interne.

Arrêt dit « Jacques Vabre » (Cour de cassation, Chambre MIXTE, 24 mai 1975, 73-13.556)

Dans l’arrêt Jacques Vabre, la Cour de cassation (juge judiciaire) :

• accepte de procéder à un contrôle de conventionnalité en écartant les dispositions prévues par une loi interne sur le fondement des dispositions d’un traité international.

• juge que conformément à l’article 55 de la Constitution un traité international a une valeur juridique supérieure à une loi interne.

Arrêt dit « Sarran » (Conseil d’État Ass., 30 oct. 1998, 200286 200287)

Dans l’arrêt Sarran, le Conseil d’État pose la solution de principe selon laquelle en cas de conflit entre la Constitution et une norme internationale ou européenne, la Constitution l’emporte devant le juge administratif. Il reconnait ainsi la primauté dans l’ordre interne de la Constitution sur les conventions internationales.

Arrêt dit « Fraisse » (Assemblée plénière, du 2 juin 2000, 99-60.274, Affaire Pauline Fraisse)

Dans l’arrêt Fraisse, la Cour de cassation pose la solution de principe selon laquelle en cas de contrariété entre la Constitution et une norme internationale ou européenne, la Constitution l’emporte devant le juge judiciaire.

La décision dite « IVG » est une décision rendue par le Conseil constitutionnel relative à la loi Veil consacrant l’avortement dans laquelle le Conseil constitutionnel refuse de se déclarer compétent pour exercer le contrôle de conventionnalité. 

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Auteur de l'article

Raphaël BRIGUET-LAMARRE

Fondateur du site aideauxtd.com, ex Avocat à Nice, enseignant à l'Université de Nice et formateur en droit social. Master II Droit social à l’Université Paris II Panthéon Assas.

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