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Le statut juridique de l’embryon et du fœtus

Par R. BRIGUET-LAMARRE. Enseignant, diplômé de l'école de formation du barreau de Paris (CAPA), Master 2 DPRT (Paris II)

• Publication : 15 décembre 2020

• Mise à jour : 10 mars 2023

Si, à l’occasion des lois bioéthiques, la question du statut juridique de l’embryon et du fœtus s’est posée, le législateur ne les a jamais qualifiés expressément. Toutefois, il ne fait aucun doute, au regard du droit positif, que l’embryon et le fœtus sont des « choses » et n’ont pas la personnalité juridique c’est-à-dire l’aptitude à être titulaire de droits et d’obligations.

Retour sur ce thème important du programme de droit des personnes de première année de droit !

I. La nature juridique du fœtus et de l’embryon

Comment définir l’embryon et le fœtus ?

  • L’embryon est un fœtus au stade précoce de son développement, c’est-à-dire les six à huit premières semaines qui suivent la fécondation de l’ovule.
  • Le fœtus est le produit de la conception, à partir de la sixième ou huitième semaine de grossesse.

A. Principe : l’absence de personnalité juridique de l’embryon et du fœtus

Aucune loi ne qualifie expressément l’embryon de personne ou de chose. En réalité, bien que qualifiés de « personne humaine potentielle » par le comité consultatif national d’éthique[1], l’embryon et le fœtus n’ont pas la personnalité juridique. Leur statut juridique est celui de « chose » pour deux raisons.

1. D’abord, à l’article 16 du Code civil, le législateur emploi l’expression « être humain » pour désigner l’embryon et le fœtus (« La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie »). En choisissant de ne pas les qualifier de « personne » il en fait des choses, cette qualification étant résiduelle en vertu de la summa divisio (expression doctrinale, issue du droit romain, selon laquelle « tout ce qui n’est pas personne est chose »).

2. Ensuite, en tout état de cause, le fœtus et l’embryon ne remplissent pas les conditions permettant d’acquérir la personnalité juridique. En effet, plusieurs conditions sont nécessaires pour acquérir la personnalité juridique dont celles de naître vivant et viable (ces conditions se déduisent des articles 318, 725 et 906 du Code civil) ce qui n’est pas le cas de l’embryon et du fœtus.

3. Enfin, la Cour de cassation a confirmé l’absence de personnalité juridique du fœtus dans le cadre d’affaires relatives à l’article 221-6 du Code pénal visant l’infraction d’homicide involontaire. Le texte vise « autrui » ce qui posait la question de savoir si l’embryon et le fœtus pouvaient entrer dans son champ d’application. Elle juge, depuis 2001, qu’en raison du principe de légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, l’incrimination d’homicide involontaire ne peut s’appliquer « au cas de l’enfant à naître dont le régime juridique relève des textes particuliers sur l’embryon et le fœtus » (Cass. ass. plén., 29 juin 2001, n° 99-85.973). Elle confirme le caractère réel du foetus (réelle vient du latin « res » signifiant « chose »).

La Cour européenne des droits de l’Homme a confirmé ce raisonnement en précisant qu’une telle solution ne viole pas le droit à la vie protégé par l’article 2 de la Convention (CEDH 8 juill. 2004, Vo c/ France, n° 53924/00).

Ainsi, l’enfant à naitre ne revêt que la qualité d’« être humain » et non celle de «personne humaine» de sorte que le droit français refuse de déclarer coupable d’homicide une personne provoquant la mort d’un fœtus.

B. Exception : la personnalité juridique de l’enfant à naître (l’infans conceptus)

La Cour de cassation a induit le principe de l’infans conceptus selon lequel l’enfant est réputé né chaque fois qu’il s’agit de son intérêt de l’article 725 du Code civil sur la succession et l’article 906 du Code civil sur la donation.

Trois conditions sont nécessaires pour que ce principe puisse s’applique :

  • 1. L’enfant est considéré comme né uniquement s’il s’agit de son intérêt.
  • 2. L’enfant doit naître vivant et viable par la suite.
  • 3. L’enfant doit être présumé conçu au moment de l’évènement en question. Il est présumé conçu dans la période du 300e jour au 180e jours avant la naissance selon l’article 311 du Code civil.

On traite alors l’enfant conçu comme s’il était né. Mais il ne s’agit pas d’une personnalité entière puisqu’il ne peut pas recevoir d’obligations.

Lire aussi – L’adage infans conceptus : conditions et effets

II. Le régime juridique du fœtus et de l’embryon

L’embryon et le fœtus, n’ayant pas la personnalité juridique, ne peuvent être titulaires de droits ni assujettis à des obligations. Ainsi, l’ensemble des textes qui visent strictement les « personnes » ne leur sont pas applicables.

Toutefois, il s’agit de choses bénéficiant d’une protection juridique particulière en raison de leur humanité et du principe de dignité qui leur est applicable.

Le régime juridique diffère selon qu’il s’agit d’un embryon in utero ou d’un embryon in vitro:

  • Embryon in utero (ou in vivo) : embryon situé à l’intérieur de l’uterus.
  • Embryon in vitro : œuf fécondé issu d’une femme mais conservé hors de son corps.

A. Le régime juridique de l’embryon in utero et du fœtus

1. La protection de l’embryon in utero

Le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie s’impose selon l’article 16 du Code civil (la loi « garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ») et l’article 1er de la loi Veil du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse. Le Conseil constitutionnel a précisé que le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ne concerne que l’embryon in utero (Cons. const. 27 juill. 1994, n° 94-343/344 DC).

2. L’encadrement des atteintes à l’embryon in utero

Ce principe de « respect de l’être humain » ne signifie pas pour l’embryon in utero une protection absolue mais simplement que le Code de la santé public encadre les atteintes à ce principe (CSP, art. L2211-2 :  « Il ne saurait être porté atteinte au principe mentionné à l’article L. 2211-1 qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par le présent titre »).

Concrètement, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est donc strictement encadrée puisque qu’elle n’est possible qu’avant la 12e semaine de grossesse (14e semaine d’aménorrhée) sous peine de sanctions pénales (CSP., art. L2222-2). Au-delà de ce seuil, seule une interruption médicale de grossesse (IMG) est possible lorsque la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou qu’il existe une forte probabilité d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic (CSP, art. L2213-1).

B. Le régime juridique de l’embryon in vitro

La doctrine utilise le terme d’instrumentalisation de l’embryon in vitro pour évoquer le traitement juridique dont il fait l’objet qui semble aller contre l’affirmation du respect de la personne humaine. En effet, de nombreux intérêts (désir de ne pas avoir d’enfant, désir d’avoir un enfant, recherche médicale…) justifient des atteintes à ce principe.

1. Les règles relatives à la conception des embryons in vitro

La fécondation in vitro (FIV) intervient dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation (définie à l’article L2141-1 CSP) et peut être soit endogène (gamètes du couple) soit partiellement exogène (gamètes d’un tiers donneur).

Il ne faut pas confondre la PMA avec la gestation pour autrui (GPA), interdite en France (C.Civ., art. 16-7) consistant à ce qu’une mère porteuse s’engage à remettre à un couple l’enfant à sa naissance.

Plusieurs conditions sont nécessaires pour pouvoir recourir à l’AMP :

1. Elle n’est ouverte qu’aux couples hétérosexuels (l’altérité sexuelle est une condition d’ouverture à l’AMP). Il est prévu de revenir sur cette condition et d’ouvrir la PMA aux femmes homosexuelles et aux femmes célibataires.

2. Elle n’est possible que pour remédier à l’infertilité du couple ou éviter la transmission d’une maladie à l’enfant ou à un membre du couple d’une particulière gravité ;

3. Les deux membres doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement au transfert des embryons.

Le retrait du consentement de l’un des deux membres du couple rend impossible l’implantation de l’embryon (CSP, art. L2141-2).

Actuellement, le projet de loi sur la bioéthique prévoit l’ouverture de la PMA aux couples lesbiens ou à « toute femme non mariée » (femmes célibataires). Le texte n’a pas été définitivement adopté.

Quid du consentement post-mortem ?

Le décès d’un des parents rend impossible l’implantation de l’embryon. Le consentement post-mortem est prohibé et les gamètes ne peuvent être exportées dans un pays étranger pour contourner la loi française (CSP, art. L2141-2, L2141-11-1).

Un arrêt a prévu une exception en autorisant le transfert de l’embryon en Espagne. L’homme avait consenti à une insémination post-mortem de son vivant et la femme, originaire d’Espagne, était retourné y vivre et le mari n’avait pu procéder à un nouveau don de sperme en Espagne (CE, 31 mai 2016, n° 396848).

Quid du don de gamètes ?

Le don de gamètes n’est possible qu’à trois conditions : 1. Il doit être volontaire. 2. Il doit être gratuit. 3. Il doit être anonyme (CSP, art. L1244-7).

Le principe d’anonymat du donneur de gamète est contesté sur le fondement de l’article 7-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant (« l’enfant a, dès sa naissance, le droit (…) de connaître ses parents et d’être élevé par eux »).

Actuellement, le projet de loi sur la bioéthique prévoit de lever cet anonymat pour permettre aux enfants nés de PMA « d’accéder aux origines ».

Quid du clonage ?

Le clonage est prohibé (Cciv., art. 16-4 al. 2). Le clonage reproductif est un crime contre l’humanité et le clonage thérapeutique (le but est de produire des cellules ou des organes dans le cadre de greffes) est un délit.

2. Les règles relatives à l’utilisation des embryons in vitro

Le principe est que les embryons ne peuvent être utilisés que pour la naissance d’un enfant (CSP, art. L2151-1).

L’embryon est sélectionné après un diagnostic pré-implantoire (DPI) afin d’éviter la transmission d’une maladie. Dans certains cas, un deuxième DPI peut être effectué pour sélectionner un embryon dont les caractéristiques génétiques pourraient être utiles pour soigner un frère ou sœur atteint d’une maladie (« bébé médicament » CSP, art. L2131-4-1).

Exceptions : les embryons dits « surnuméraires » peuvent faire l’objet de trois utilisations « subsidiaires » :

1. Destruction d’embryons. Ils peuvent être détruits avec le consentement des membres du couple (CSP, art. 2141-4),

2. Accueil d’embryons. En cas d’abandon de projet parental ou de décès de l’un des deux ils peuvent consentir à ce que leurs embryons soient accueillis par un autre couple (par écrit et confirmer par écrit après un délai de réflexion de 3 mois) (CSP, art. 2141-4).

3. Recherche sur embryons. Ils peuvent être utilisés à des fins de recherches sous réserve du respect de nombreuses conditions (CSP, art. L2151-5).

Carte mentale / Mindmap récapitulative sur le statut juridique de l’embryon et du foetus

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  1. Complètement nul. L'enfant à naître a droit à la protection non seulement pour les homicides involontaires mais aussi pour les homicides volontaires. Cette protection doit s'appuyer sur des sanctions civiles et pénales.
    Complètement fallacieux de traiter "d'exception" le droit à l'héritage. Comme un enfant déjà né, l'enfant non né est une personne aux capacités citoyennes réduites. Votre distinction entre "personne" et "être humain" est ridicule. C'est de toutes les façons de votre invention.

  2. Il ne s’agit pas de “ma distinction”, mais de celle posée par le droit positif, cher ami ! Vous avez manifestement du mal à comprendre un cours de droit (pourtant simple). Par ailleurs, si vous souhaitez être pris au sérieux, vous devriez apprendre à vous exprimer en faisant preuve de davantage de respect.

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