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L’infans conceptus : définition, conditions, effets

Par R. BRIGUET-LAMARRE. Enseignant, diplômé de l'école de formation du barreau de Paris (CAPA), Master 2 DPRT (Paris II)

• Publication : 8 mai 2020

• Mise à jour : 10 mars 2023

La personnalité juridique est définie par la doctrine comme l’aptitude à être titulaire de droits et assujetti à des obligations.

Pour bénéficier de la personnalité juridique il faut naître vivant et viable, ce qui exclut l’embryon et le fœtus de la catégorie de personne.

Par exception, en application de l’adage « infans conceptus » (dans sa version complète l’ expression latine étant “infans conceptus pro nato habetur quoties de comodo ejus agitur”) ils pourront, dans certains cas, et à certaines conditions qui seront détaillées ci-dessous, bénéficier de la personnalité juridique.

I. Principe : l’embryon et le fœtus sont des choses et n’ont pas la personnalité juridique

1. Définitions de l’embryon et du foetus

Un embryon est un foetus au stade précoce de son développement, c’est-à-dire les six à huit premières semaines qui suivent la fécondation de l’ovule.

Un foetus est le produit de la conception, à partir de la sixième ou huitième semaine de grossesse.

2. Les embryons et les foetus sont des choses

Les embryons et les foetus sont juridiquement des “choses”. Cette qualification résulte de plusieurs textes du Code civil :

Premier fondement : L’article 16 du Code civil désigne l’embryon et le foetus d’être humain et non de personne

Il résulte de l’article 16 du Code civil que l’embryon et le foetus sont des “choses” puisque cet article prévoit que :

« La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ».

L’expression « être humain » est employée par le législateur pour englober l’embryon et le fœtus dans la protection de l’article 16 du Code civil.

Il choisit expressément de ne pas les qualifier de « personne ».

Deuxième fondement : Les articles 318, 725 et 906 du Code civil posent plusieurs conditions pour l’acquisition de la personnalité juridique :

  1. Un être humain : seuls les êtres humains peuvent bénéficier de la personnalité juridique. C’est ce qui explique que les animaux n’aient pas la personnalité juridique.
  2. Un être humain né : la personnalité juridique est subordonnée à la naissance. Ce n’est qu’une fois né qu’un être humain devient une personne.
  3. Un être humain né vivant : l’être humain doit naître vivant.
  4. Un être humain né vivant et viable : l’enfant doit naître viable pour acquérir la personnalité juridique.

En vertu de la “summa divisio” (expression doctrinale, issue du droit romain, signifiant que le droit français se structure autour d’une distinction fondamentale entre les personnes et des choses) la catégorie de personne est la catégorie principale et la catégorie de chose est une catégorie résiduelle puisque tout ce qui n’est pas personne est une chose.

Or, le foetus et l’embryon ne répondant pas à plusieurs des conditions citées ci-dessus, ne bénéficient pas de la personnalité juridique. Ils sont donc des choses !

3. Conséquences juridiques découlant de l’absence de personnalité juridique

L’embryon et le foetus ne peuvent ni être titulaires de droits ni assujettis à des obligations.

L’ensemble des textes qui visent strictement les “personnes” ne leur sont pas applicables.

Un exemple célèbre démontrant l’exclusion des foetus et des embryons du bénéfice de la personnalité juridique est le refus de l’homicide sur un foetus à travers deux types de règles :

1. Les textes consacrant l’interruption volontaire de grossesse

Reconnaître la personnalité juridique au foetus risquerait de remettre en cause les textes consacrant l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

2. Les décisions de la Cour de cassation refusant d’appliquer l’infraction d’homicide en cas de mort d’un foetus

La Cour de cassation, au nom du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale, refuse qu’une personne provoquant la mort d’un fœtus puisse être reconnue coupable d’homicide au sens de l’article 221-6 du Code pénal (Ass. plén., 29 juin 2001, n°99-85973).

Seules les “personnes” sont visées par ce texte.

II. L’embryon, peut par exception, acquérir la personnalité juridique grâce à l’adage infans conceptus

Nous allons ci-dessous voir les textes qui consacrent ce principe, les conditions d’application et les effets de cet adage à travers deux exemples d’application. 

1. Intérêts et fondements du principe de l’infans conceptus

Selon l’adage « infans conceptus », l’enfant est considéré comme né chaque fois qu’il s’agit de son intérêt. Il s’agit d’une fiction juridique. Par exemple, l’enfant qui n’est pas né mais simplement conçu pourra, une fois né, demander la réparation de son préjudice moral à la personne qui a causé la mort de son père avant sa naissance. Où il pourra recevoir une succession (nous expliquerons ces exemples à la fin d’article).

La Cour de cassation a induit ce principe de plusieurs dispositions du Code civil relatives à la succession et à la donation :

Premier fondement : l’article 725 du Code civil sur la succession

Pour succéder, il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable. Peut succéder celui dont l’absence est présumée selon l’article 112.

C.civ., art. 725.

Deuxième fondement : l’article 906 du Code civil sur la donation

Pour être capable de recevoir entre vifs, il suffit d’être conçu au moment de la donation. Pour être capable de recevoir par testament, il suffit d’être conçu à l’époque du décès du testateur. Néanmoins, la donation ou le testament n’auront leur effet qu’autant que l’enfant sera né viable.

C.civ., art. 906.

Ce principe est est aujourd’hui un “principe général du droit” (1re civ., 10 déc. 1985, n° 84-14.328).

2. Conditions d’application de l’adage infans conceptus

Quelles sont les conditions pour que l’adage infans conceptus soit applicable ?

Première condition : L’enfant est considéré comme né uniquement s’il s’agit de son intérêt.

L’enfant peut avoir intérêt à recevoir une donation ou à demander la réparation de son préjudice pour des faits survenus avant sa naissance comme par exemple lorsqu’un de ses parents a été tué.

En tout état de cause, aucune obligation ne peut lui être imposée.

Deuxième condition : L’enfant doit naître vivant et viable par la suite.

On considère que l’enfant est né vivant dès lors qu’il a respiré. Cette condition a pour effet d’exclure l’enfant « mort-né » de la catégorie de personne.

La viabilité est l’aptitude à vivre en dehors de l’organisme maternel. Est viable l’enfant pesant au moins 500 grammes ou né après 22 semaines d’aménorrhée indépendamment de tout autre critère (Circulaire n° 50 du 22 juillet 1993 relative à la déclaration des nouveau-nés décédés à l’état civil).

Troisième condition : L’enfant doit être présumé conçu au moment de l’évènement en question.

Évidemment, la loi pose une limite temporelle à l’adage infans conceptus ! L’enfant ne pourra par exemple pas recevoir une donation alors qu’il n’était même pas conçu au moment de la donation.

L’enfant est présumé conçu dans la période du 300e jour au 180e jours avant la naissance selon l’article 311 du Code civil.

La loi présume que l’enfant a été conçu pendant la période qui s’étend du trois centième au cent quatre-vingtième jour, inclusivement, avant la date de la naissance. La conception est présumée avoir eu lieu à un moment quelconque de cette période, suivant ce qui est demandé dans l’intérêt de l’enfant. 

C.civ, art. 311 al 1.

Concrètement, si, par exemple un enfant est né le 30 novembre 2020, on présume que sa conception a eu lieu entre le 1er février 2020 et le 1er juin 2020.

Mais cette présomption est une présomption simple c’est-à-dire qu’il est toujours possible de contester la date présumée de la conception de l’enfant. La preuve qui repose sur le demandeur (soit généralement l’enfant) est difficile puisqu’elle repose essentiellement sur des constatations médicales.

3. Effets juridiques du principe de l’infans conceptus

L’enfant simplement conçu est considéré comme s’il était né et bénéficiait de la personnalité juridique.

Mais il s’agit d’une personnalité partielle puisqu’il ne peut pas recevoir d’obligations.

Voyons quelques exemples pour mieux comprendre en pratique l’intérêt de cet adage infans conceptus.

III. Exemples d’application  de l’adage infans conceptus

1re Civ, 10 déc. 1985, n°84-14328

Un homme souscrit un contrat d’assurance vie qui prévoit, qu’en cas de décès, la compagnie d’assurance lui versera le paiement d’une certaine somme qui sera majorée de 30 % par enfant à charge vivant au foyer de l’assuré.

L’homme décède le 1er mars 1980.

Sa femme accouche de deux jumeaux le 24 mai 1980 soit quelques mois après le décès.

Au moment du décès, les enfants n’étaient donc pas nés et n’avaient donc pas, en principe, la personnalité juridique.

Mais, en vertu de l’adage « l’enfant conçu est réputé né chaque fois qu’il y va de son intérêt », on considère que l’enfant est réputé né de sorte que, suite au décès de l’homme, sa femme devra percevoir la majoration de 30% prévue par le contrat.

2e Civ., 14 déc. 2017, n°16-26.687

Dans cet arrêt, un père avait été victime d’un accident mortel du travail alors que son épouse était enceinte. La Cour de cassation a jugé récemment qu’un enfant peut demander réparation du préjudice subi du fait de la mort accidentelle de son père, survenue alors qu’il était conçu et non encore né. 

Crim., 10 nov. 2020, n° 19-87.136

Un homme est tué le 22 mai 2016 dans un accident de la circulation et l’auteur des faits est reconnu coupable de meurtre.

La compagne du défunt donne naissance a un enfant le 29 juin 2016. L’enfant était donc simplement conçu au jour du décès de son père, intervenu un mois et sept jours avant sa naissance.

La compagne a demandé la réparation de son préjudice en son nom personnel et la réparation du préjudice moral subi par son fils en qualité de représentante légale.

La Cour de cassation a approuvé l’arrêt de la cour d’appel condamnant l’auteur de l’homicide involontaire à indemniser le préjudice moral de l’enfant du défunt, en retenant que cet enfant, conçu avant le décès et né postérieurement, devra se contenter des souvenirs de sa mère et de ceux de ses proches pour connaître son père et construire son identité, et souffrira de l’absence définitive de son père, qu’il ne connaîtra jamais, toute sa vie.

L'adage Infans Conceptus en vidéo

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  1. Apres ma maîtrise jai dû abréger mon cursus pour raisons économiques jai pas pu continuer le master cependant l'amour de la filière me pousse à me performer. Je tiens donc à vous remercier pour toutes votre contribution à moi apporté.
    Merci .

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