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Le contrat synallagmatique : définition, critères de distinction et régime

Par R. BRIGUET-LAMARRE. Enseignant, diplômé de l'école de formation du barreau de Paris (CAPA), Master 2 DPRT (Paris II)

• Publication : 17 décembre 2020

• Mise à jour : 10 mars 2023

Le contrat synallagmatique est celui par lequel les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres (C. civ., art. 1106, al. 1er).

Aujourd’hui, la distinction entre contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux, prévue à l’article 1106 du Code civil, est la deuxième classification envisagée par le code civil et repose sur la réciprocité des obligations du contrat.

L’intérêt de cette classification est de permettre l’application des règles juridiques relatives à la catégorie dont chaque contrat relève (le régime juridique).

I. Définitions du contrat synallagmatique et du contrat unilatéral

La distinction entre contrat synallagmatique et contrat unilatéral était envisagée par le Code civil depuis 1804, aux anciens articles 1102 et 1103, qui prévoyaient que « le contrat est synallagmatique ou bilatéral lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres » et qu’« il est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces dernières il y ait d’engagement ».

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 n’est pas revenue sur cette distinction et a conservé presque à l’identique ces définitions (elle a légèrement simplifié la formulation de la définition du contrat unilatéral et a supprimé la référence aux « contrats bilatéraux ») mais les a réunies dans un seul article, l’article 1106 du Code civil.

Selon cet article, deux critères permettent de qualifier un contrat synallagmatique et de le distinguer du contrat unilatéral.

Premier critère de distinction : la réciprocité des contreparties

Qu’est-ce qu’un contrat synallagmatique ?

Le contrat synallagmatique est celui par lequel les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres (C. civ., art. 1106, al. 1er). Chaque contractant joue le double rôle de créancier et de débiteur.

Le critère de qualification d’un contrat synallagmatique découle en réalité, non de la réciprocité de la création d’obligations, mais de la réciprocité des contreparties que les contractants doivent fournir qui peut être la création, la modification, la transmission, ou l’extinction d’une obligation (C.civ., art. 1101).

Exemple de contrats synallagmatiques
  • Le contrat de travail par lequel une personne, le salarié, met son activité professionnelle à la disposition d’une autre personne, l’employeur, qui lui verse en contrepartie un salaire et a autorité sur elle.
  • Le contrat de vente par lequel une partie, le vendeur, s’engage à livrer une chose matérielle ou immatérielle à l’autre partie, l’acheteur, en échange du paiement d’un prix par ce dernier. La vente est un contrat synallagmatique car elle fait naître à la charge des deux parties des obligations réciproques : le vendeur s’engage à délivrer la chose et à la garantir (C. civ., art. 1603) ; l’acheteur s’engage à payer le prix (C. civ., art. 1650).
  • Le contrat de bail, dans lequel le bailleur s’oblige à procurer la jouissance paisible de la chose au preneur, tandis que ce dernier s’oblige réciproquement à payer au bailleur un loyer.

Qu’est-ce qu’un contrat unilatéral ?

Le contrat unilatéral est celui par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci (C. civ., art. 1106, al. 2). La différence avec le contrat synallagmatique est que seule une partie est débitrice à titre principal, l’autre étant son créancier.

L’existence du contrat unilatéral signifie qu’en droit français le contrat ne sert pas qu’à réaliser un échange économique. Le droit français autorise les parties à s’appauvrir par contrat qu’il s’agisse de faire un cadeau (intention libérale) ou de rendre service à autrui. Les contrats unilatéraux sont, pour la plupart, des contrats à titre gratuit.

Exemple de contrats UNILATÉRAUX
  • Le cautionnement est un contrat par lequel une personne, la caution, s’engage envers un créancier à payer la dette d’un tiers si celui-ci ne la paye pas lui-même.
  • La donation est un contrat par lequel le donateur transfère au donataire la propriété d’un bien lui appartenant sans recevoir de prix en échange.
  • Le contrat de dépôt est un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui à la charge de la garder et de la restituer en nature. C’est en principe un contrat unilatéral mais le dépôt peut revêtir un caractère synallagmatique par exemple lorsqu’un salaire a été stipulé pour la garde du dépôt (C.civ., art. 1928, al. 2).

Deuxième critère de distinction : des obligations interdépendantes ou corrélatives

Le critère de la réciprocité des obligations n’est pas suffisant pour distinguer les contrats synallagmatiques des contrats unilatéraux car, dans certains cas, le contrat reste unilatéral alors même que créancier peut supporter des obligations.

C’est le cas dans les contrats dits « synallagmatiques imparfaits ». Le contractant n’a pas souscrit d’obligation lors de l’échange des consentements (le contrat est donc initialement unilatéral) mais peut, en cours d’exécution, être tenu d’exécuter des obligations accessoires.

Exemple

Le déposant ne souscrit aucune obligation lors de l’échange des consentements, mais peut être tenu de rembourser les sommes exposées par le dépositaire pour la conservation de la chose, ou de l’indemniser de toutes les pertes que le dépôt peut lui avoir causées (C. civ., art. 1947).

Ainsi, la doctrine majoritaire, considère qu’il faut, en plus d’être réciproques, que ces obligations soient interdépendantes ou « corrélatives ».

Deux éléments importants :

1. Ces critères de distinction ne sont pas parfaits car même dans les contrats unilatéraux il existe parfois des obligations qui, sans être réciproques et interdépendantes, existent tout de même des deux côtés. Par exemple, l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat s’applique à tous les contrats, y compris aux contrats unilatéraux.

2. Ne pas confondre l’acte juridique unilatéral et le contrat unilatéral. Attention, les contrats unilatéraux sont bien des contrats en ce qu’ils nécessitent, pour leur formation, l’échange des consentements de deux ou plusieurs parties, mais ils n’imposent d’obligation qu’à la charge d’une seule partie. C’est ce point qui permet de distinguer le contrat unilatéral de l’acte juridique unilatéral qui ne requiert qu’une seule volonté. Par exemple, le testament est un acte juridique unilatéral puisqu’il ne requiert que la volonté du testateur. En d’autres termes, ce sont les effets et non les conditions de formation du contrat unilatéral qui sont unilatéraux.

II. Conséquences de la distinction entre contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux

A. Les règles de preuve et le contrat synallagmatique

En présence d’un contrat synallagmatique, l’article 1375 du Code civil (ancien article 1325 du Code civil) impose la règle dite du « double original » en vertu de laquelle l’acte sous seing privé doit être fait en « autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct ». Par ailleurs, chaque original doit contenir « la mention du nombre des originaux qui ont été faits ». L’original peut être unique s’il a été confié à un tiers.

Ensuite, selon l’article 1376 du Code civil, lorsqu’il s’agit d’un contrat unilatéral, l’acte ne peut être établi qu’en un seul exemplaire et n’est valable, lorsqu’il porte sur le paiement d’une somme d’argent ou sur la livraison d’un bien fongible, que s’il comporte la mention, par le débiteur, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. L’objectif est de permettre au créancier de connaître parfaitement le montant de l’obligation à laquelle il s’engage.  

B. Les règles de fond et le contrat synallagmatique

Dans le contrat synallagmatique la réciprocité des obligations implique qu’une partie ne peut être forcée à exécuter son obligation si l’autre contractant refuse de satisfaire la sienne. Ainsi, certains remèdes à l’inexécution ne peuvent être envisagés que dans les contrats synallagmatiques et non dans les contrats unilatéraux.

1. D’abord, l’exception d’inexécution consistant à permettre à un des cocontractants de refuser l’exécution de son engagement si l’autre partie n’exécute pas la sienne ne s’applique en théorie que dans les contrats synallagmatiques.

Il faut toutefois noter qu’avant l’ordonnance du 10 février 2016, l’exception d’inexécution n’était prévue par le Code civil que pour les contrats synallagmatiques. Or, le législateur a intégré l’exception d’inexécution dans le droit commun des contrats sans préciser que le mécanisme était limité aux contrats synallagmatiques de sorte que la jurisprudence pourrait étendre le jeu de l’exception d’inexécution aux obligations des parties qui sont réciproques mais qui ne sont pas interdépendantes (comme dans les contrats synallagmatiques « imparfaits »).

Le même raisonnement est applicable à la résolution puisque le législateur, dans l’ordonnance du 10 février 2016, n’a pas non plus cantonné la résolution du contrat aux seuls contrats synallagmatiques (C.civ., art. 1224 et suivants).

2. Ensuite, la théorie des risques trouve à s’appliquer lorsque le débiteur n’exécute pas son obligation en raison de la survenance d’un cas de force majeure et ne s’applique pas aux contrats unilatéraux.

C. Les causes de nullité et le contrat synallagmatique

1. Quid en cas d’absence de contrepartie ?

Avant la réforme, la cause était une condition de validité du contrat unilatéral et synallagmatique. S’agissant du contrat unilatéral, la cause ne pouvait résider dans la contre prestation puisqu’il n’y en a pas et résidait donc dans le fait qui servait de base au contrat (exemple : dans le cautionnement la cause réside dans l’existence d’une dette à garantir).

La notion de cause est désormais supprimée et a été remplacée par la notion de contrepartie (C.Civ., art. 1169) et ne s’applique donc pas aux contrats unilatéraux ceux-ci n’ayant pas de contrepartie.

2. Quid de la lésion ?

Ce n’est pas parce qu’un contrat est synallagmatique qu’il doit exister un équilibre ou une équivalence entre les prestations de chacun des contractants. En effet, la lésion entendue comme la différence de valeur entre les prestations prévues par un contrat, n’est en principe pas sanctionnée en droit français. L’article 1168 du Code civil affirme expressément le principe du rejet de la lésion dans les contrats synallagmatiques (« Dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement »).

Le domaine de l’interdiction est donc limité aux contrats synallagmatiques. Toutefois, cette précision ne signifie pas que dans un contrat unilatéral le défaut d’équivalence des prestations serait une cause de nullité et que la lésion serait admise. Le texte évoque les contrats synallagmatiques simplement pour mettre en avant que les contrats unilatéraux ne sont pas concernés par les dispositions légales admettant exceptionnellement la lésion contrairement aux contrats synallagmatiques.

Au demeurant, alors même que l’article 1168 du Code civil ne le précise pas, la lésion n’est pas admise ni pour les contrats aléatoires ni pour les contrats à titre gratuit.

3. Fausseté partielle de la cause

Avant la réforme, la Cour de cassation sanctionnait sur le fondement de l’ancien article 1131 du Code civil, la fausseté partielle de la cause et la Cour de cassation avait précisé que pour les contrats synallagmatiques uniquement « la fausseté partielle de la cause ne peut entraîner la réduction de l’obligation » mais seulement la nullité (Civ., 31 mai 2007, 05-21.316).

La notion de fausseté partielle de cause n’est pas reprise par l’Ordonnance.

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