La faute en Droit du travail est une notion essentielle du droit disciplinaire. La caractérisation d’une faute permet à l’employeur de sanctionner un salarié. Faute simple, faute grave, faute lourde…
Pourquoi et comment reconnaître ces différents types de “fautes professionnelles” ?
I. Qu’est-ce qu’une faute en droit du travail ?
Aucune disposition légale ne définit la faute en droit du travail.
En revanche le Code du travail définit la notion de sanction :
« toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération » (C. trav., art. L1331-1).
Mais les notions de sanction et de faute ne sont pas synonymes ; la sanction n’est que la conséquence de la faute.
À défaut de disposition légale définissant expressément la notion de faute, il faut considérer, de manière générale, qu’une faute est une violation par le salarié de ses obligations professionnelles comprenant tant les obligations contractuelles que celles prévues par la Convention collective ou le règlement intérieur.
Les obligations contractuelles comprennent les obligations principales (obligations de prestation, obligation de subordination) et les obligations accessoires du salarié (obligation de sécurité, obligation de formation…).
Exemples de fautes en droit du travail
→ Exemple n°1 : Un salarié qui agresse physiquement un collègue.
Le salarié viole son obligation de sécurité. Son comportement est donc fautif.
→ Exemple n°2 : Un salarié refuse d’exécuter sa prestation de travail.
Le salarié viole son obligation de prestation et commet une faute.
→ Exemple n°3 : Un salarié tient des propos injurieux sur son entreprise.
Il viole son obligation de loyauté envers l’entreprise.
II. Pourquoi qualifier un comportement de fautif ?
Un employeur qualifie un comportement de fautif en vue de prononcer une sanction à l’encontre d’un salarié (avertissement, mise en garde, mise à pied disciplinaire, licenciement etc.) puisque, selon l’article L. 1331-1, la sanction fait suite à un
“agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif”.
III. Quelles sont les différentes fautes et comment les reconnaitre ?
Avant d’évoquer les différentes fautes qu’un salarié est susceptible de commettre il faut bien comprendre qui a le pouvoir de qualifier un comportement de faute.
1. Qui décide de la qualification de faute ?
Dans un premier temps c’est l’employeur qui décide de la qualification de faute lorsqu’il sanctionne un salarié. Si le salarié estime que son comportement n’est pas fautif ou que la faute disciplinaire invoquée par l’employeur n’est pas justifiée il devra saisir le juge pour contester la qualification choisie par l’employeur.
C’est donc le juge qui, dans un deuxième temps, et uniquement s’il est saisi d’une demande du salarié en ce sens, contrôlera la qualification de faute.
Le juge peut annuler une sanction en raison de plusieurs motifs (liste non exhaustive):
- lorsque la sanction est discriminatoire (C. trav., art. L. 1132-1);
- lorsqu’elle est prescrite (C. trav., art. L. 1332-4);
- lorsqu’elle ne repose sur aucun fait précis ;
- lorsque la sanction apparait disproportionnée au regard de la faute commise.
Le fondement de ce pouvoir de contrôle de qualification de la faute se trouve :
→ à l’article L.1333-1 du Code du travail selon lequel :
« En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction »
→ à l’article 12 du Code de procédure civile selon lequel :
« Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ».
Sur le fondement de ces textes, le juge peut ainsi disqualifier :
- une faute lourde en faute grave,
- une faute grave en faute simple
- ou considérer qu’il n’y a aucune faute.
Ce point est extrêmement important en pratique.
En effet, à la suite d’un licenciement, le salarié qui saisit le Conseil des prud’hommes tentera généralement d’obtenir des juges, à titre principal, une décision reconnaissant l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Lorsqu’il s’agit d’un licenciement pour faute grave il demandera, à titre subsidiaire, à ce que la faute grave soit requalifiée en faute simple afin de récupérer le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
En revanche le juge n’a pas le pouvoir d’aggraver la faute (« le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur » Ass. soc., 20 décembre 2017, n° 16-17.199).
L’employeur n’a donc pas intérêt a “sous qualifier” une faute.
Exemple : un salarié est licencié pour faute simple pour des faits d’insubordination mineurs.
Imaginons par exemple un agent commercial qui refuse de saisir ponctuellement le suivi de son activité dans un tableau Excel. Le juge ne pourrait pas, lors d’un litige, considérer que son licenciement repose sur une faute grave et le priver ainsi de ses indemnités de licenciement.
2. Quels sont les différents types de fautes ?
Les fautes sont classées en fonction de leur degré de gravité. Pour l’essentiel, l’échelle des fautes en droit du travail est la suivante : la faute simple, la faute grave et la faute lourde.
Aucun texte légal ne définit ces différentes fautes de sorte qu’il convient de se référer à la jurisprudence pour y voir plus clair.
Qu’est-ce qu’une faute simple ?
Fait imputable au salarié caractérisant une attitude négligente ou malveillante de sa part constituant une inexécution fautive de la prestation de travail.
Il est nécessaire de caractériser une négligence ou une malveillance car la simple violation d’une obligation contractuelle n’est pas nécessairement fautive.
Par exemple, le salarié qui n’exécute pas correctement sa prestation de travail n’est pas nécessairement fautif (pourtant l’obligation de prestation est une obligation issue du contrat de travail). Il peut s’agir simplement d’insuffisance professionnelle ce qui ne permet pas de caractériser un comportement fautif. En revanche si l’insuffisance résulte de négligences imputables au salarié le comportement pourra être qualifié de fautif.
Qu’est-ce qu’une faute grave ?
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise » (Ass. soc., 26 septembre 2007, 06-43.867).
Partant de cette définition il faut regarder au cas par cas les situations qui ont fait l’objet d’une décision de la Cour de cassation afin de raisonner par analogie.
Qu’est-ce qu’une faute lourde ?
Depuis un arrêt du 22 octobre 2015, la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise (Cass., soc., 22 oct. 2015, n° 14-11.801).
Pyramide des fautes en droit du travail
IV. Quelles sont les conséquences juridiques attachées à chaque type de faute ?
Il existe un principe de prescription des fautes en droit du travail.
Selon l’article L. 1332-4 du Code du travail :
« aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».
NB :
- Dans ce qui suit, on part de l’hypothèse dans laquelle la faute retenue par l’employeur conduit au prononcé d’un licenciement. En effet, la caractérisation d’une faute peut conduire à la prise d’une sanction allant jusqu’à un licenciement disciplinaire (licenciement pour faute simple, licenciement pour faute grave ou lourde) et la faute n’est pas sans conséquence notamment sur les indemnités de rupture…
- La possibilité de licencier pour faute est parfois paralysée pendant des périodes de suspension du contrat de travail (par exemple en cas d’arrêt maladie ou pendant un congé maternité etc… Ce sujet ne sera pas évoqué dans ce cours.
1. Privation de l’indemnité de licenciement
Le législateur, s’il ne définit ni la faute grave ni la faute simple, précise pourtant le régime juridique de ces notions.
La faute grave et la faute lourde privent le salarié du bénéfice de l’indemnité légale et conventionnelle de licenciement (C. trav., art. L. 1234-9, R. 1234-2).
LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE – CONSÉQUENCES
En pratique ce point est extrêmement important.
Le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement (celle prévue par la convention collective) peut s’avérer très important. Or, un salarié licencié pour faute grave ou faute lourde s’en trouve privé.
Les salariés ont donc intérêt à demander au juge une disqualification de la faute grave retenue par l’employeur en faute simple pour récupérer le montant de cette indemnité.
Depuis la décision du conseil constitutionnel (Décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016) l’indemnité de congé payé est due même en cas de faute lourde du salarié.
2. Dispense de préavis de licenciement
En cas de faute grave, le salarié est dispensé de l’exécution de son préavis ce qui a pour effet de le priver de l’indemnité compensatrice de préavis (communément appelé “indemnité de préavis” en pratique). (C. trav., art. L. 1234-5).
3. Mise à pied conservatoire
L’employeur ne peut prononcer une mise à pied conservatoire qu’en cas de faute grave (le salarié a alors l’interdiction de se rendre sur son lieu de travail en attendant la prise de décision de l’employeur concernant un licenciement pour faute grave).
4. Engagement de la responsabilité pécuniaire du salarié
La responsabilité pécuniaire du salarié à l’égard de l’employeur ne peut résulter que de sa faute lourde (pour un exemple : Cass., soc., 25 janvier 2017, nº 15-21.352).
Bonjour,
Comment est défini la cause réel et sérieuse des faits qui sont à l’origine de la faute.
Des faits sont reprochées alors qu’ils ne sont pas réel.
Juridiquement sur quel article ou jurisprudence je peut m’appuyer.
Cordialement
Bonjour, le Code du travail prévoit simplement que : « Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse » (Article L. 1232-1 – Code du Travail).
On entend par cause réelle :
– Une cause objective : la cause du licenciement doit se traduire par des manifestations extérieures susceptibles de vérification ;
– Une cause existante : les faits invoqués par l’employeur doivent avoir existé ;
– Une cause exacte : la décision invoquée par l’employeur doit être celle qui est réellement le fondement de la décision de licencier. Le salarié peut par exemple démontrer que le licenciement repose en réalité sur un motif discriminatoire et que les raisons invoquées par l’employeur ne sont pas à l’origine de la décision de le licencier.
L’employeur doit donc impérativement prouver les faits invoqués dans la lettre de licenciement. La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse est répartie entre les parties au procès et le juge peut y contribuer par toutes mesures d’instruction utiles (C. trav., art. L. 1235-1 alinéa 1er).