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Cas pratique en Procédure pénale (correction)

Par R. BRIGUET-LAMARRE. Enseignant, diplômé de l'école de formation du barreau de Paris (CAPA), Master 2 DPRT (Paris II)

• Publication : 25 septembre 2023

• Mise à jour : 25 septembre 2023

Vous trouverez dans cet article un exemple de cas pratique en Procédure pénale intégralement rédigé. Vous avez d'abord l’énoncé du cas pratique retranscrit, puis la correction détaillée.

Le cas pratique est actualisé et à jour des dernières évolutions législatives.

Le cas pratique est composé de cinq « sous cas » portant sur les thèmes suivants :

  • L'action civile
  • Constitution de partie civile et personne morale
  • Délit de mise en danger d'autrui
  • L’action civile d’un proche d’une victime
  • Plainte est intentée devant le juge pénal en cours d’instance civile ?

L’objectif est que vous puissiez avoir un exemple de cas pratique intégralement rédigé en vue de vos examens de procédure pénale. 

Prenez le temps de lire l’énoncé et essayez de le faire dans les conditions de l’examen.

👀 Ce cas pratique a été rédigé par Johana DIBO CHOEN, juriste titulaire d'un Master 2 en Droit Privé et Sciences criminelles de l'Université de Nice. 

Énoncé des cas pratiques

Énoncé du cas pratique n°1

            Nous sommes à la fête de la pétanque, dans la petite commune de Majastres, organisée chaque année par le maire. Alors que la fête battait son plein sur la place du village, une voiture conduite par Monsieur BOURREAU fonce brusquement dans la foule. Deux jeunes adolescents qui assistaient à la fête furent percutés par la voiture et tués sur le coup. La voiture termina sa course sur le rond-point situé à l’entrée de la commune de Blieux sans causer davantage de dommage. Monsieur BOURREAU s’en sortit quant à lui indemne.

            L’accident fut relayé par les médias et fit beaucoup de bruit. Une expertise révèlera que Monsieur BOURREAU roulait à une vitesse comprise entre 110 et 120 km/h, la vitesse maximale autorisée sur la totalité du parcours suivi étant de 50 km/h. Monsieur BOURREAU expliquera par la suite qu’il a été victime d’un malaise l’empêchant de retirer son pied de l’accélérateur. Il affirme, ce qui sera confirmé, qu’aucun dispositif de sécurité, tel que l’installation de barrières et de panneaux de signalisation, n’était mis en place sur la place. Le maire du village de Majastres reconnaitra avoir pensé pouvoir se passer du dispositif de sécurité, pourtant obligatoire en de telles circonstances, la commune ne disposant pas des fonds nécessaires.

            Considérant qu’elle a subi un préjudice en raison de la publicité néfaste provoquée par l’accident, la commune de Blieux estime qu’elle a été victime d’une mise en danger et a l’intention de se constituer partie civile.

Quelle est la procédure à suivre pour la commune de Blieux. Quelle est la recevabilité de cette action ?

Énoncé du cas pratique n°2 

            Afin de plaire à la jeune JUSTINE, 16 ans, ESTUPIDO, 19 ans, lui confie l’arme à feu qu’il détient illégalement. JUSTINE, lui avait avoué, sans lui en expliquer la raison, chercher une arme à feu quelques semaines plus tôt.

            Trois jours après, ESTUPIDO apprend par les journaux le suicide de JUSTINE avec une arme à feu. La mère de JUSTINE vous fait part de son intention de se constituer partie civile à l’occasion des poursuites pénales exercées contre ESTUPIDO pour détention illégale d’armes à feu.

L’action civile de la mère de JUSTINE vous semble-t-elle de nature à prospérer ?

Énoncé du cas pratique n°3

            Madame MALIGNE, est actuellement en litige avec son ancien employeur devant la juridiction prud’homale à la suite de son licenciement. Cependant, elle est visée par une plainte avec constitution de partie civile de ce dernier pour vol : elle a en effet subtilisé avant de quitter l’entreprise où elle travaillait, un certain nombre de documents qu’elle compte utiliser pour démontrer devant les prud’hommes, le caractère abusif de son licenciement.

            Elle craint alors que d’éventuelles investigations concernant l’infraction de vol ne viennent retarder la procédure prud’homale.

Qu’en pensez-vous ?


Correction des cas pratiques

Correction du cas pratique n°1 : Sur la recevabilité de la constitution de partie civile de la commune de Blieux

            Faits : Au cours d’un événement dans la commune de Majastres, une voiture conduite par Monsieur BOURREAU fonce brusquement dans la foule. Deux jeunes adolescents qui assistaient à la fête furent percutés par la voiture et tués sur le coup. La voiture termina sa course sur le rond-point situé à l’entrée de la commune de Blieux sans causer davantage de dommage. Monsieur BOURREAU s’en sortit quant à lui indemne. L’accident fut relayé par les médias et fit beaucoup de bruit. Une expertise révèlera que Monsieur BOURREAU était en excès de vitesse et ce dernier expliquera qu’il a été victime d’un malaise l’empêchant de retirer son pied de l’accélérateur. Il affirme, ce qui sera confirmé, qu’aucun dispositif de sécurité n’était mis en place sur la place. Considérant qu’elle a subi un préjudice en raison de la publicité néfaste provoquée par l’accident, la commune de Blieux estime qu’elle a été victime d’une mise en danger et a l’intention de se constituer partie civile.

            Problème de droit : Une personne morale peut-elle se constituer partie civile dans le cadre de poursuites pour un délit de mise en danger d’autrui ?

            Solution en droit (majeure) : Devant les juridictions répressives, l’action civile peut être engagée soit par la voie de l’action, soit par la voie de l’intervention. Si l’action publique a déjà été engagée par le ministère public, la victime ne pourra agir que par la voie de l’intervention. En revanche, si l’action publique n’a pas encore été engagée par le ministère public, la victime aura le choix entre l’attente que le ministère public engage l’action publique et ainsi utiliser la voie de l’intervention, et utiliser tout de suite la voie de l’action.

            En outre, la victime peut se constituer partie civile (CPP, art. 1er al. 2) :

            -soit par la voie de l’intervention, la victime peut ainsi formuler une demande de constitution de partie civile dès le stade l’enquête de police, en formulant sa demande à un officier de police judiciaire. Sa demande vaudra constitution de partie civile avec l’accord du parquet si celui-ci décide d’engager les poursuites (CPP, art. 420-1).

            -soit par la voie de l’action, la victime peut agir par la voie de la citation directe (elle cite librement le prévenu par exploit d’huissier devant la juridiction de jugement) ou par la voie de la plainte avec constitution de partie civile (par un courrier adressé au doyen des juges d’instruction).

            De plus, la recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile est subordonnée à la condition que la personne justifie, soit que le procureur lui a fait connaître, à la suite d’une plainte déposée, qu’il n’engagera pas lui-même des poursuites, soit qu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis que cette plainte a été déposée (CPP, art. 85 al. 2).

            Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, Monsieur BOURREAU sera poursuivi pour une infraction de mise en danger d’autrui. Cette infraction est réprimée par l’article 223-1 du Code pénal qui dispose que « Le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».

            Or, ce texte, évoquant un « risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente », ne paraît nullement applicable aux personnes morales et paraît circonscrit aux personnes physiques. C’est d’ailleurs en ce sens que s’est prononcée la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 avril 2011, ainsi que la même chambre dans un arrêt du 8 septembre 2020. Celle-ci a en effet établi que « l’infraction de risques causés à autrui relève de la catégorie des atteintes à la personne humaine dont la sanction est exclusivement destinée à protéger la personne physique ».

            En l’occurrence, l'action civile n'est ouverte qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. L'atteinte à l'image d'une commune n'étant pas la conséquence directe de la mise en danger de mort de personnes physiques, ladite commune n'est pas recevable en sa constitution de partie civile.

            Conclusion : L’action de la commune de Blieux n’a aucune chance de prospérer.

Correction du cas pratique n°2 : Sur la recevabilité de l’action civile de la mère de JUSTINE

            Faits : ESTUPIDO confie à JUSTINE l’arme à feu qu’il détient illégalement. Trois jours après, il apprend par les journaux le suicide de JUSTINE avec une arme à feu. La mère de JUSTINE se constitue partie civile à l’occasion des poursuites pénales exercées contre ESTUPIDO pour détention illégale d’arme à feu.

            Problème de droit : L’action civile d’un proche d’une victime d’un suicide par arme à feu est-elle recevable, dans le cadre de poursuites du propriétaire de l’arme en cause pour détention illégale de celle-ci ?

            Solution en droit (majeure) : L’article 2 du Code de procédure pénale dispose que « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ». Ainsi, le préjudice doit être actuel, personnel et direct, ces trois caractères étant cumulatifs.

            Solution en l’espèce (mineure) : Le préjudice subi par la mère de JUSTINE est à la fois actuel et personnel. La question est de savoir si son préjudice est direct. En l’occurrence, afin d’être qualifié de direct, le préjudice doit pouvoir être rattaché à l’infraction par un lien de cause à effet. À ce titre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 25 octobre 2005 a rejeté la constitution de partie civile au motif que le préjudice résultant du suicide ne découlait pas directement des infractions poursuivies. Cette solution s’explique en ce que la notion de préjudice au sens de l’article 2 du Code de procédure pénale implique l’immédiateté du préjudice par rapport au délit, une continuité entre l’un et l’autre, une indissociabilité. Dès lors, on ne peut pour admettre l’action civile se contenter du fait que le délit soit seulement la cause lointaine du préjudice.

            Conclusion : La mère de JUSTINE ne peut intenter une constitution de partie civile.

Correction du cas pratique n°3 : L’incidence du dépôt de plainte de l’employeur sur la procédure prud’homale

            Faits : Madame MALIGNE est actuellement en litige avec son ancien employeur devant la juridiction prud’homale à la suite de son licenciement. Cependant, elle est visée par une plainte avec constitution de partie civile de ce dernier pour vol de documents. Elle craint alors que d’éventuelles investigations concernant l’infraction de vol ne viennent retarder la procédure prud’homale.

            Problème de droit : Le juge prud’homal doit-il surseoir à statuer lorsqu’une plainte est intentée devant le juge pénal en cours d’instance civile ?

            Solution en droit (majeure) : Le principe de la primauté du procès pénal sur le procès civil emporte l’application de la règle suivant laquelle le criminel tient le civil en l’état. L’article 4 du Code pénal impose au juge civil de surseoir à statuer dans l’attente de la décision pénale dès que l’action publique aura été mise en mouvement avant l’engagement du procès civil ou au cours de ce procès et que l’on relèvera une identité de faits entre les deux actions. Quant à cette dernière condition, jusqu’à la loi du 5 mars 2007, la Cour de cassation l’interprétait largement imposant au juge civil de surseoir à statuer dès lors que la décision pénale était susceptible d’influer sur la décision civile. Il n’était ainsi pas nécessaire qu’il y ait identité d’objet, de partie ou de cause ; un simple risque d’influence suffisait à imposer le sursis au jugement du juge civil.

            Désormais l’article 4 du Code pénal, modifié par la loi du 5 mars 2007, prévoit que le criminel ne tient plus le civil en l’état à l’exception des instances civiles statuant sur l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction. La mise en mouvement de l’action publique n’impose plus la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, même si la décision pénale est susceptible d’exercer une influence sur la solution du procès civil.

            Solution en l’espèce (mineure) : En application de l’article 4 précité, l’instance devant les prud’hommes entre Madame MALIGNE et son employeur, ne conduira pas à ce qu’il soit statué sur l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction de vol. Par conséquent le juge civil n’aura pas à surseoir à statuer pour attendre la décision du juge pénal.

            Conclusion : La plainte avec constitution de partie civile de l’employeur intentée contre Madame MALIGNE, pour les faits de vol n’aura aucune conséquence sur le délai de jugement devant l’instance prud’homale.

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