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Exemple de cas pratique corrigé en droit des sociétés

Exemple de cas pratique en Droit des sociétés

Par R. BRIGUET-LAMARRE. Enseignant, diplômé de l'école de formation du barreau de Paris (CAPA), Master 2 DPRT (Paris II)

• Publication : 2 mai 2023

• Mise à jour : 22 février 2024

Vous trouverez dans ce document un exemple de cas pratique intégralement rédigé en Droit des sociétés composé de deux sous cas pratiques, chacun relatif à un thème spécifique du programme de droit des sociétés.

Vous avez d’abord l’énoncé du cas pratique, puis la correction détaillée.

Prenez le temps de lire l’énoncé et essayez de le faire dans les conditions de l’examen (environ 2 heures).

Bon entrainement !

Thèmes traités dans ce cas pratiques :

  • Société créée de fait
  • Contrat de société
  • Rupture du concubinage
  • Clauses léonines
  • Clauses d’inégalité de traitement
  • Partage des bénéfices entre associés

Énoncé des cas pratiques

Cas pratique n°1 – Énoncé

Monsieur GLESEUM et Madame RONCHON sont en concubinage depuis plusieurs années. Madame RONCHON, s’occupe seule de la gestion du ménage et a toujours utilisé pour cette gestion soit son propre compte bancaire que M. GLESEUM alimentait régulièrement par le versement de la moitié de son salaire mensuel, soit la procuration dont elle bénéficiait sur le compte de ce dernier,

Madame RONCHON a acquis une maison qu’elle a financée grâce à un prêt bancaire souscrit à son nom. Monsieur GLESEUM s'est porté caution solidaire pour ce prêt, et les deux concubins ont réalisé ensemble des travaux d'aménagement de la maison.

Cependant, la relation entre Monsieur GLESEUM et Madame RONCHON s’est détériorée, et cette dernière a demandé à Monsieur GLESEUM de quitter la maison.

Monsieur GLESEUM prétend alors qu'il existe une société créée de fait entre eux, et qu'il a droit à la moitié de la valeur de la maison ainsi qu'à une partie des biens mobiliers acquis pendant leur vie commune.

  • M. GLESEUM peut-il invoquer l’existence d’une société créée de fait pour obtenir la moitié de la valeur de la maison et une partie des biens mobiliers ?

Cas pratique n°2 – Énoncé

La société « BricoFlex » est une société en nom collectif spécialisée dans la vente de matériaux de bricolage et de jardinage. Elle est composée de plusieurs associés : Monsieur Albert Jardin, Monsieur Émile Perceuse et la société « OutilsMag ».

Par des conventions du 10 octobre 2022, Monsieur Jardin et la société « OutilsMag » ont renoncé à leurs droits à participer aux bénéfices de « BricoFlex », en contrepartie de l'engagement pris par Monsieur Émile Perceuse, associé et gérant de la société, de les garantir des conséquences financières d'un redressement fiscal.

Le 15 septembre 2022, l'assemblée générale extraordinaire de la société « BricoFlex » a décidé de répartir les bénéfices de l'année 2021 à concurrence de 90% pour Monsieur Perceuse et de 10% pour les deux autres associées.

Monsieur Jardin et la société « OutilsMag » ont assigné la société « BricoFlex » pour demander l'annulation des conventions et de la délibération de l’assemblée générale et la répartition des bénéfices de l’année 2021 en proportion des parts détenues par chaque associé.

  • La résolution prise par l’assemblée générale le 15 mars 2022 peut-elle faire l’objet d’une annulation ?

Correction des cas pratiques

Correction du cas pratique n°1

Faits : Un couple de concubins se sépare. La concubine a acquis un bien immobilier qui a été financé par un prêt bancaire à son nom, mais pour lequel le concubin s’est porté caution solidaire. Le concubin a réalisé des travaux d’aménagement de la maison. Par ailleurs, la concubine s’occupe du ménage seule et utilise son compte bancaire alimenté régulièrement par le versement de la moitié du salaire mensuel de son concubin. Elle utilise parfois son compte bancaire personnel grâce à une procuration dont elle bénéficiait sur le compte de ce dernier.

Problème de droit : Un concubin peut-il invoquer une société créée de fait à la rupture du concubinage pour obtenir une partie de la valeur du bien immobilier acquis par sa concubine ?

Solution en droit : La société créée de fait, envisagée à l’article 1873 du Code civil, n’est pas définie par la loi. Elle désigne la situation dans laquelle deux ou plusieurs personnes, sans en avoir conscience, exploitent en commun une société (et donc sans avoir entamé aucune démarche d’immatriculation).

Un concubin, en demandant la caractérisation d’une société créée de fait, peut demander la dissolution de la société afin d’obtenir un boni de liquidation dont il reste à ordonner le partage. L’idée est d’obtenir des conséquences pécuniaires similaires à celle d’un couple marié dont le mariage prend fin.

Pour caractériser une société créée de fait, l’ensemble des éléments du contrat de société visés à l’article 1832 du Code civil doivent être réunis :

• Respect des conditions de droit commun (consentement, capacité, objet et cause licites) ;

• Mise en commun d’apports ;

• Participation aux résultats (partage du bénéfice et contribution aux pertes) ;

• Affectio societatis (intention de s’associer).

Le concubin doit prouver chacun des éléments du contrat de société : « L'existence d'une société créée de fait entre concubins exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société, nécessite l'existence d'apports, l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun et l'intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu'aux pertes éventuelles pouvant en résulter », Com. 23 juin 2004, Gamba c/ Bonnard).

La Cour de cassation apprécie strictement chacune des conditions. L’idée est d’éviter de dévoyer les éléments du contrat de société pour offrir un « ersatz de régime matrimonial » (François-Xavier Lucas, Revue des sociétés 2005, p. 131) à celui d'entre eux qui se plaint des effets de leur rupture. 

Par exemple, elle juge que l'existence d'une société créée de fait entre concubins ne peut résulter de leur seule cohabitation et de leur participation aux dépenses de la vie commune (Com. 9 octobre 2001).

De même, elle exige la caractérisation d’éléments de nature à démontrer une intention de s'associer distincte de la mise en commun d'intérêts inhérente à la vie maritale (Civ., 1ère , 12 mai 2004, n° 01-03.909 Deguisme c/ Martel). L'intention de s'associer ne peut se déduire de la participation financière à la réalisation d'un projet immobilier et sans rechercher si les parties avaient eu l'intention de participer aux résultats d'une entreprise commune (Com. 23 juin 2004, Jolbit c/ Liroy).

S’agissant de la preuve, la Cour de cassation exige lorsque le demandeur est un associé que les éléments cumulatifs du contrat de société soient établis séparément et indique qu’ils ne peuvent se déduire les uns des autres (Com. 23 juin 2004, Gamba c/ Bonnard). S’il s’agit d’un tiers qui cherche à prouver l’existence d’une société créée de fait, il ne doit prouver que l’apparence de la société (Com., 29 mars 1994, 92-14.834).

Solution en l’espèce : En l’espèce, M. GLESEUM devra prouver tous les éléments du contrat de société pour qu’une société créée de fait puisse être caractérisée par un juge.

S’agissant de l’affection societatis, il ne semble pas que M. GLESEUM puisse invoquer des éléments de nature à démontrer une intention de s'associer distincte de la mise en commun d'intérêts inhérente à la vie maritale si l’on se réfère à la jurisprudence de la Cour de cassation (Civ., 1ère , 12 mai 2004, n° 01-03.909). La Cour de cassation précise même que l'intention de s'associer ne peut se déduire de la participation financière à la réalisation d'un projet immobilier et qu’il faut démontrer l'intention de participer aux résultats d'une entreprise commune (Com. 23 juin 2004, Jolbit c/ Liroy). En l’espèce, le fait que M. GLESEUM ait été caution solidaire du prêt ayant permis à Mme RONCHON d’acquérir le bien immobilier ne devrait pas suffire.

S’agissant de la mise en commun d’apports et de la participation aux résultats, la Cour de cassation précise aussi que l’existence d'une société créée de fait entre concubins ne peut résulter de leur seule cohabitation et de leur participation aux dépenses de la vie commune (Com. 9 octobre 2001). Ainsi, le fait que Mme RONCHON assurait seule la gestion du ménage par le biais d’un compte bancaire alimenté pour moitié par M. GLSEUM ne semble pas constituer un élément suffisant au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Conclusion : En conclusion, il semble, au regard des faits de l’espèce, que M. GLSEUM souhaite invoquer l'existence d'une société créée de fait en vue de régler les conséquences patrimoniales de la fin de la vie commune avec Mme RONCHON sans qu’il n’y ait eu de véritable « activité commune ». M. GLSEUM risque de voir sa demande rejetée et devrait plutôt se tourner vers l’action de in rem verso si les conditions de cette action se trouvent réunies (Civ. 1ère, 15 octobre 1996).

Correction du cas pratique n°2

Faits : L’assemblée générale d’une société a constaté le résultat bénéficiaire d’un exercice et s’est prononcée sur son affectation. Au cours de cette assemblée générale deux associés ont renoncé à leur dividende en contrepartie de l'engagement pris par l’autre associé et gérant de les garantir des conséquences financières d'un redressement fiscal.

L'assemblée générale a décidé de répartir le bénéfice de l'année 2021 à concurrence de 90% pour un des associés et de 10% pour les deux autres associées ayant renoncé à leur dividende.

Problème de droit : Un associé peut-il, sur le fondement de l’article 1844-1 du Code civil, demander l’annulation d’une résolution de l’assemblée générale après avoir renoncé à sa part dans les bénéfices au moment de la répartition pour un exercice clos ?

Solution en droit (majeure) : Les actionnaires ont un droit aux dividendes, c’est-à-dire à une part des bénéfices distribuables de la société. Ces dividendes permettent de rémunérer les associés pour leurs investissements.

Le partage se fait en principe proportionnellement en fonction de la participation des associés au capital social (C. civ., art. 1844-1). Par exception, des clauses statutaires (clauses d’inégalité de traitement) peuvent prévoir une répartition différente.

Toutefois, cette liberté statutaire n’est absolue : les clauses léonines sont prohibées.

Il s’agit des clauses privant un ou plusieurs associés de tout droit aux bénéfices et celle les exonérant de toute contribution aux pertes (C. civ., art. 1844-1 al. 2). Ainsi, « la stipulation (…) excluant un associé totalement du profit » est réputée non écrite.

La Cour de cassation a jugé l’article 1844-1, alinéa 2, du Code civil ne fait pas obstacle à ce qu’un associé renonce au dividende dû au titre d’un exercice clos (Com., 13 févr. 1996, 93-21140). La Cour pose des conditions pour que cette renonciation soit valable :

• 1. Il faut une décision de l’assemblée générale de mettre les bénéfices en distribution, ce qui implique que les comptes de l’exercice soient approuvés et qu’un bénéfice distribuable soit constaté. Le droit aux dividendes ne naît qu'au moment où l'assemblée générale statue sur l'affectation du bénéfice.

La Cour de cassation juge en effet que les bénéfices réalisés par une société ne participent de la nature des fruits que lors de leur attribution sous forme de dividendes, lesquels n'ont pas d'existence juridique avant la constatation de l'existence de sommes distribuables par l'organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé (Com., déc. 2012, n°11- 27.745).

• 2. Le droit doit relever d’un exercice clos. La renonciation ne peut valoir pour l'avenir.

Cette renonciation n'est donc que ponctuelle et n'a pas pour effet de priver l'associé de manière définitive de tout droit aux bénéfices.

• 3. La renonciation doit être expresse. Elle doit être une renonciation personnelle, expressément énoncée par l’associé par un acte qui exprime sa volonté de renoncer aux bénéfices.

•  4. Une contrepartie à la renonciation aux bénéfices est nécessaire. Dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation en 1996, il s’agissait d’un risque de redressement fiscal pesant sur la société, et donc un risque de poursuite des associés.

Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, Monsieur Jardin et la société « OutilsMag » ont renoncé à leurs droits à participer aux bénéfices de « BricoFlex » pour l’année 2021.

Pour que cette renonciation échappe n’entre pas dans le champ d’application de l’article 1841-1 du Code civil plusieurs conditions doivent être satisfaites.

D’abord, il y a bien une décision de l’assemblée générale de mettre les bénéfices en distribution. Les comptes de l’exercice ont bien été approuvés et un bénéfice distribuable a été constaté le 15 septembre 2022.

Ensuite, le droit relève bien d’un exercice clos à savoir celui de l’année 2021.

En outre, la renonciation des associés semble bien expresse puisqu’ils ont renoncé à leur droit par des conventions et lors de l’assemblée générale.

Enfin, il existe bien une contrepartie à la renonciation aux bénéfices. En effet, ils y ont renoncé « en contrepartie de l'engagement pris par Monsieur Émile Perceuse, associé et gérant de la société, de les garantir des conséquences financières d'un redressement fiscal ».

Dans l’arrêt rendu par la Cour de cassation en 1996, il s’agissait d’un risque de redressement fiscal pesant sur la société, et donc un risque de poursuite des associés.

Conclusion : En conclusion, il semble que cette décision constitue un simple abandon de créance et ne peut être contestée sur le fondement de l’article 1844-1 du Code civil.

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  1. Bonjour,
    j'aimerais savoir si je peux acheter 'les cas pratiques corrigés en droit commercial".
    Je ne parle pas des 'fiches', mais bien des exemples de cas pratiques corrigés en droit commercial.
    Cordialement,

    Simone Nk,

  2. Bonjour, les annales de droit commercial sont disponibles uniquement dans l’abonnement mensuel ou l’abonnement annuel L2 ou capcité en droit. Bien à vous

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