Vous trouverez dans cet article un exemple de cas pratique en Droit de la famille portant sur le thème du divorce intégralement rédigé. Vous avez d'abord l’énoncé du cas pratique retranscrit, puis la correction détaillée.
Il s’agit d’un extrait de cas pratique disponible dans l’Académie L1.
Le cas pratique est actualisé et à jour des dernières évolutions législatives.
Le cas pratique est composé de trois cas portant sur les thèmes suivants :
- Le divorce pour faute ;
- Le logement familial ;
- La prestation compensatoire ;
L’objectif est que vous puissiez avoir un exemple de cas pratique sur le divorce intégralement rédigé en vue de vos examens.
Prenez le temps de lire l’énoncé et essayez de le faire dans les conditions de l’examen (environ 3h00).
I – Énoncé des cas pratiques
🔍 Énoncé du cas pratique n°1 (Divorce pour faute)
M. et Mme Charo étaient un couple heureux et follement amoureux lorsqu'ils se sont mariés en 2009. Ils ont eu quatre enfants ensemble et vivaient sur un petit nuage. Cependant, en 2021, M. Charon, en pleine crise de la quarantaine, a commencé à se lasser de cette relation. Des problèmes conjugaux liés à son comportement sont nés…
Voyant son mari de plus en plus distant, Mme Charo a commencé à soupçonner son mari d’entretenir une liaison avec une autre femme. Elle a essayé de lui tirer les vers du nez à plusieurs reprises, mais ce dernier a toujours nié en bloc toute relation adultère : « Tu sais bien que je t’aime, et malgré mon nom de famille, je ne suis pas un charo ! ».
Malgré ces belles paroles (et ce trait d’humour à mourir de rire…), en janvier 2022, alors qu'elle effectuait des recherches sur son ordinateur, Mme Charo a découvert plusieurs conversations de son mari sur un site spécialisé dans les relations extraconjugales, ne laissant aucun doute sur son intention de la tromper. Les conversations durent depuis plusieurs mois.
Elle décide finalement de demander le divorce pour faute. De son côté, M. Charo se dit confiant, car il affirme n’avoir eu aucune relation charnelle avec les femmes en question.
- Mme Charo peut-elle obtenir le divorce pour faute ?
- Mme Charo peut-elle obtenir des indemnités en cas de divorce pour faute ?
🔍 Énoncé du cas pratique n°2 (Logement familial)
Jean PASLETIME et Doria PASLETIME se sont rencontrés il y a 15 ans dans un café. Ils sont immédiatement tombés amoureux immédiatement l’un de l’autre et se sont mariés 10 ans plus tard. Ils ont acheté en commun une petite maison en banlieue pour fonder leur foyer et y ont eu deux enfants ensemble, un garçon et une fille.
Jean, qui travaillait en tant que développeur dans une entreprise de technologie, a commencé à passer de plus en plus de temps au travail, ce qui a entraîné des tensions dans leur mariage. N’étant pas spécialement heureux, il a commencé à boire et à devenir violent envers sa femme. Doria a finalement demandé le divorce, affirmant qu'elle ne se sentait plus heureuse avec son époux, devenu distant, alcoolique et violent. Elle ne vit plus dans le logement depuis plus de 6 mois.
Doria souhaite continuer à vivre dans la maison avec les enfants, car elle considère que c'est leur foyer et leur sanctuaire.
- Mme X peut-elle exiger de continuer à vivre dans la maison ?
🔍 Énoncé du cas pratique n°3 (Prestation compensatoire)
M. et Mme Bulle se sont mariés il y a 35 ans et ont eu plusieurs enfants ensemble. Au cours de leur mariage, Mme Bulle a abandonné sa carrière pour s'occuper de la maison et des enfants.
M. Bulle a continué à travailler et à gagner un revenu stable. Sa femme a dû suivre son époux au gré de ses mutations professionnelles, notamment au SENEGAL et en POLYNESIE.
M. Bulle demande le divorce pour faute et Mme Bulle souhaite être indemnisée pour les sacrifices qu'elle a faits pendant leur mariage.
Elle n’a presque jamais travaillé et, au moment de l’examen du divorce, Mme Bulle est salariée en qualité d’employée familiale et perçoit au titre du CESU un revenu mensuel moyen de 600 euros. Son mari est retraité de la marine nationale et perçoit une retraite mensuelle de 2.100 euros ainsi qu’une indemnité d’élu de 281,19 euros.
- Mme Z peut-elle être indemnisée ?
II – Correction des cas pratiques
✍️ Correction du cas pratique n°1 (Divorce pour faute)
📌 Faits : Un conjoint marié entretient régulièrement des conversations sur un site de rencontre, exprimant son désir d’avoir des relations charnelles avec d’autres femmes. Son épouse souhaite obtenir le divorce pour faute.
📌 Annonce de plan : Il convient d’abord de se pencher sur la question des conditions du divorce pour faute (I) avant d’envisager les effets juridiques (II).
I – Les conditions du divorce pour faute
📌 Problème de droit : Le fait, pour un époux, d’entretenir des conversations sur un site de rencontre extra-conjugal d’autres femmes peut-il conduire au prononcé d’un divorce pour faute ?
📌 Solution en droit (majeure) : « Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune » (C. civ., art. 242).
Plusieurs conditions doivent être satisfaites pour conduire au prononcé d’un divorce pour faute.
D’abord, la faute doit avoir un caractère conjugal, c’est-à-dire qu’elle doit résulter de l’inexécution d’un devoir né du mariage et s’imposant aux époux. La fidélité est un des devoirs s’imposant aux époux (C. civ., art. 212 : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance »).
La notion de fidélité englobe la notion de fidélité « physique » renvoyant à l’adultère (relations charnelles) et celle de fidélité « intellectuelle » renvoyant à l’infidélité sans relations charnelles. En effet, la Cour de cassation a admis, dans un arrêt du 30 avril 2014 (Civ., 1ère, 30 avril 2014, n° 13-16.649) que l’adultère peut être constitué, même en l’absence de relation physique. Le fait pour une personne de fréquenter des sites de rencontre, d’y échanger des messages et des photographies intimes, constitue une violation du devoir de fidélité.
Par ailleurs, la faute doit être grave ou, à défaut, renouvelée. Dans l’arrêt précité, la Cour de cassation a pu considérer que l’envoi de « mails » équivoques échangés sur un site de rencontre par une épouse avec un certain nombre de correspondants masculins, ainsi que les photographies intimes de cette dernière, établissent que celle-ci avait un comportement de recherches de relations masculines multiples et constitue un manquement grave et renouvelé (Civ., 1ère, 30 avril 2014, n° 13-16.649).
En outre, la faute doit rendre intolérable le maintien de la vie commune. L’idée est d’exclure la possibilité pour de simples fautes passagères de conduire à un divorce pour faute.
Enfin, la faute doit pouvoir être imputée à l’un des époux, c’est-à-dire qu’elle doit résulter de son fait personnel (non du fait d’un tiers) et elle doit impliquer le discernement de l’époux (Civ. 2ème, 19 juill. 1976, n° 75-12.692).
La preuve de la faute peut se faire par tous moyens s’agissant d’un fait juridique (C. civ., art. 259), mais ne doit pas heurter le droit au respect de la vie privée de l’époux concerné (C.civ., art. 9) et ne doit pas être obtenue par violence ou par fraude (C. civ., art. 259-1).
📌 Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, M. Charo a entretenu des conversations laissant apparaître son désir d’avoir des relations sexuelles avec d’autres femmes, mais il n’a, a priori, eu aucune relation charnelle avec une autre femme.
La faute de M. Charo a bien un caractère conjugal et se rattache au devoir de fidélité. Ce devoir de fidélité ne vise pas uniquement l’absence de relations charnelles, la Cour de cassation visant aussi bien la fidélité charnelle que la fidélité intellectuelle. Elle a pu juger que le fait pour une personne de fréquenter des sites de rencontre, d’y échanger des messages et des photographies intimes, constitue une violation du devoir de fidélité.
La faute peut être considérée à la fois comme grave et renouvelée, puisque les « conversations durent depuis plusieurs mois ».
Enfin, un juge pourrait estimer que la faute rende intolérable le maintien de la vie commune en excluant l’idée d’une simple faute passagère. Ce point pourra être discuté et approfondi par les parties en fonction du contexte.
Enfin, la faute semble bien pouvoir être imputée à M. Charo qui, au regard des faits, dispose de tout son discernement.
📌 Conclusion : Mme Charo pourra sûrement obtenir le prononcé d’un divorce pour faute.
II – Les effets du divorce pour faute
📌 Problème de droit : Quelles sont les indemnités auxquelles un époux peut prétendre en cas de prononcé d’un divorce pour faute ?
📌 Solution en droit (majeure) : Un époux peut obtenir, à l’occasion du divorce, des dommages et intérêts en invoquant deux fondements.
• L’article 266 du Code civil permet d’obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel ou moral d’une particulière gravité dans deux cas :
- Lorsque le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal à la demande d’un époux.
- Lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux.
Deux conditions sont nécessaires :
- La « demande fondée sur ce texte ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce » (C. civ., art. 266, al. 2).
- Les conséquences qu’entraîne la dissipation de l’union ne sont prises en considération que si elles sont « d’une particulière gravité » (C. civ., art. 266, al. 1).
Par exemple, la Cour de cassation a jugé qu’une cour d’appel a pu valablement décidé d’accorder 2.000 euros de dommages et intérêts à une épouse qui avait eu vingt-quatre ans de vie commune avec son époux et avait continué de souffrir plusieurs années après le départ de son ex-époux du domicile conjugal d’un syndrome anxio-dépressif réactionnel en caractérisant des conséquences d’une particulière gravité subies par l’épouse du fait de la dissolution du mariage (Civ. 1ère, 22 juin 2022, n° 20-21.201).
• L’article 1240 du Code civil permet d’obtenir des dommages et intérêts pour la réparation de préjudices distincts de celui résultant de la dissolution du mariage. Par exemple, en cas de rupture injurieuse et brutale.
À titre d’exemple, la Cour d’appel de Montpellier a condamné l’époux adultère à 5.000 € de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil, la Cour considérant que la séparation était intervenue dans des conditions brutales. Le mari avait quitté le domicile pour vivre avec une amie de sa femme, laissant cette dernière sans ressources et alors qu’elle venait de subir une intervention chirurgicale (CA Montpellier 13 sept. 2017, Jurisdata N° 2017-018839).
Enfin, la prestation compensatoire peut être refusée sur le fondement de l’équité lorsque le divorce est un divorce pour faute prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui sollicite la prestation compensatoire au regard des circonstances particulières de la rupture (C.civ., art. 270, al. 3).
📌 Solution en l’espèce (mineure) : Mme Charo pourra tenter d’obtenir des dommages et intérêts en raison de la relation adultère.
Toutefois, en l’absence d’éléments caractérisant une particulière gravité, une action sur le fondement de l’article 266 n’a que peu de chances d’aboutir. De la même manière, elle devra prouver un préjudice si elle envisage une action sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
📌 Conclusion : Mme Charo ne pourra vraisemblablement pas obtenir des dommages et intérêts, sauf à apporter des éléments qui ne figurent pas dans l’énoncé du cas pratique.