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Exemple de cas pratique en droit commercial

Par R. BRIGUET-LAMARRE. Enseignant, diplômé de l'école de formation du barreau de Paris (CAPA), Master 2 DPRT (Paris II)

• Publication : 3 février 2023

• Mise à jour : 5 mai 2023

Vous trouverez dans cet article un exemple de cas pratique en Droit commercial portant intégralement rédigé. Vous avez d'abord l’énoncé du cas pratique retranscrit, puis la correction détaillée.

Le cas pratique est actualisé et à jour des dernières évolutions législatives.

Le cas pratique est composé de deux cas portant sur les thèmes suivants :

  • La qualification de commerçant / d’artisan.
  • Le bail commercial ;
  • Le fonds de commerce ;
  • La clientèle et le fonds de commerce ;
  • Le local et le fonds de commerce.

L’objectif est que vous puissiez avoir un exemple de cas pratique en droit commercial intégralement rédigé en vue de vos examens (sur des thèmes qui tombent fréquemment en partiel).

Prenez le temps de lire l’énoncé et essayez de le faire dans les conditions de l’examen (environ 2h30).

I – Énoncé des cas pratiques

📌 Énoncé du cas pratique n°1 (Qualification de commerçant)

M. WATER a travaillé en tant que salarié dans la société « Technicanal », société spécialisée dans l’entretien de canalisations. Après une altercation avec M. BATARD, il a finalement donné sa démission et décidé de s’installer à son compte en qualité de plombier chauffagiste.

M. BATARD, furieux de voir son ancien salarié créer son activité décide de l’assigner au nom de la société aux fins de cessation d'agissements de concurrence déloyale devant le tribunal de commerce.

M. WATER vient vous voir pour vous demander des conseils juridiques.

Il est convaincu d’être artisan et non-commerçant et a lu des articles sur internet affirmant que le tribunal de grande instance est compétent pour les litiges concernant les artisans.

M. WATER vous précise :

  • Qu’il travaille seul sans main-d'œuvre interne ou externe ;
  • Qu'il exerce principalement une activité de prestation de services ;
  • Qu’il tire une faible partie de ses revenus pour revendre de marchandises (environ 10% de son résultat d'exploitation).
  • Qu’en est-il ? M. BATARD peut-il assigner M. WATER devant le tribunal de commerce ?

 

📌 Énoncé du cas pratique n°2 (Le bail commercial)

La SCI « ECO + » a mis à disposition de la société « JEAN-JEAN », société d’exploitation de manèges, un emplacement d'environ 20 m² situé dans un centre commercial pour y installer un manège pour enfants. Il s’agit d’un espace ouvert situé dans les parties communes d’un centre commercial. La SCI ECO + impose des horaires d’ouverture et de fermeture à la société JEAN-JEAN et lui fournit l’électricité.

Cette convention a été reconduite tacitement, chaque année jusqu'à ce que, par acte extrajudiciaire, le propriétaire signifie qu'il mettait fin à la mise à disposition.

La société JEAN-JEAN revendique l'application du statut des baux commerciaux pour rester dans les lieux. De son côté, la SCI ECO + estime qu’elle ne peut invoquer le statut des baux commerciaux à défaut de local clos et couvert et de clientèle propre.

  • Selon vous, qui de la société JEAN-JEAN ou ECO + a raison ?


II – Correction des cas pratiques

✍️ Correction du cas pratique n°1 (Qualification de commerçant)

Faits : Un ancien salarié reconverti plombier-chauffagiste fait l’objet, à la suite de la création de son activité, d’une action aux fins de cessation d'agissements de concurrence déloyale devant le tribunal de commerce intentée par son ancien employeur. L’homme travaille seul, exerce principalement une activité de prestation de services et tire 10% de ses revenus de la revente de marchandises.

💡 Les annonces de plan ne sont pas obligatoires en cas pratique, mais vivement conseillées dans certains cas. L’idée est de mettre de l’ordre dans la résolution des problèmes juridiques et découpant les problèmes à traiter.

Annonce de plan : Il convient d’abord de se pencher sur la qualification professionnelle de M. WATER (I), avant d’envisager la question de la juridiction compétente (II).

I – Sur la qualification professionnelle de M. WATER

Problème de droit : À quelles conditions peut-on qualifier l’activité professionnelle d’artisan ?

Solution en droit (majeure) : L’activité d’artisan a une nature civile et échappe au droit commercial.

Deux conditions permettent de qualifier un artisan :

D’abord, la nature de l’activité de l’artisan doit exclure les opérations de spéculation. L’artisan doit réaliser un travail manuel sans recourir à la spéculation (Com. 18 févr. 1980, n° 78-15.102). S’il recherche le profit, il pourra être requalifié en commerçant. C’est notamment le cas lorsqu’il spécule :

  • sur les marchandises lorsque l’essentiel de l’activité consiste à acheter pour revendre (Com. 17 juin 1970, n° 69-10.475) ;
  • sur le travail d’autrui ou sur le travail des machines, par exemple lorsque l’activité requiert l’emploi d’un matériel important (Com. 2 mai 1972, n° 69-10.475).

Ensuite, la taille de l’entreprise d’un artisan est limitée à 10 salariés (Loi du 5 juillet 1996, art. 19-1). Ce critère rejoint en réalité le critère précédent, car l’idée est qu’au-delà d’une certaine taille l’artisan spécule sur le travail d’autrui. Il convient toutefois de préciser qu’il ne s’agit pas d’un critère permettant de qualifier une activité d’artisanale ou de commerciale, mais simplement de déterminer l’exigence d’immatriculation de l’artisan au répertoire des métiers.

Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, M. WATER effectue un travail manuel en tant que plombier-chauffagiste.

Il ne semble pas effectuer d’activité de spéculation puisqu’il ne spécule pas :

  • Sur le travail d’autrui, car il travaille seul sans main-d’œuvre interne (salarié) ou externe (prestataires de service)
  • Sur les marchandises, car il ne tire que 10% de ses revenus de la revente de marchandise.
  • Sur le travail des machines, car les faits ne précisent pas que son activité requiert un matériel important.

Il semble donc bien effectuer un travail manuel, sans recourir à la spéculation.

Conclusion : M. WATER pourra donc bien être qualifié d’artisan.

II – Sur la question de la juridiction compétente

Problème de droit : Les litiges entre un artisan et un commerçant relèvent-ils de la juridiction commerciale ?

Solution en droit (majeure) : L’artisan relève du droit civil. Les règles du droit commercial ne lui sont pas applicables. 

Par exception, l’artisan est soumis à certaines règles du droit commercial. Ainsi, les instances introduites à compter du 1er janvier 2022, entre artisans, ou entre artisans et commerçants relèvent de la compétence matérielle du tribunal de Commerce (Ordonnance du 15 septembre 2021, C. com., art. L721-3) et toute saisine d’une autre juridiction est sanctionnée par une décision d’incompétence.

Avant cette date, ce type de litige relevait du tribunal judiciaire. Le tribunal judiciaire, création de la loi du 23 mars 2019, est issu de la fusion du tribunal d'instance (TI) et du tribunal de grande instance (TGI). Il est compétent pour tous les litiges qui n'ont pas été confiés à un autre tribunal quelle que soit la valeur du litige.

 Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, M. WATER se trompe doublement :

  • En affirmant d’abord que le tribunal de grande instance est compétent, car le tribunal de commerce est compétent pour les litiges entre les artisans et les commerçants. Or, il peut lui-même être qualifié d’artisan.
  • En évoquant ensuite le tribunal de grande instance puisqu’il s’agit d’une juridiction qui, en tout état de cause, a été supprimée au profit du tribunal judiciaire.

Conclusion : Le tribunal de commerce pourra être compétent pour connaître du litige entre M. WATER et M. BATARD.

À l’avenir, M. WATER devra mieux choisir ses sites internet pour s’informer sur le droit ! (et lire davantage d’articles sur Aideauxtd.com 😎).

✍️ Correction du cas pratique n°2 (Fonds de commerce / bail commercial)

Faits : Une société civile immobilière, après avoir mis à disposition d’une société d’exploitation de manèges un emplacement situé au sein des parties communes d’un centre commercial dans un espace ouvert, a mis fin à la mise à disposition par acte extra-judiciaire. La société d’exploitation de manèges est soumise à des horaires d’ouverture et de fermeture. Elle revendique l'application du statut des baux commerciaux afin de se maintenir dans les lieux.

Annonce de plan : Deux questions sont soulevées par le cas pratique : il convient de traiter d’abord la question du local situé dans un lieu ouvert (I) avant d’envisager la question de la clientèle propre (II).

I – Sur l’existence d’un local situé dans un lieu ouvert

Solution en droit (majeure) :  Le bail commercial est un contrat de location d’un local ou d’un immeuble dans lequel est exploité un fonds de commerce dont la propriété appartient au locataire. Le bail commercial confère au locataire un ensemble de droits lui permettant de rester dans les lieux (droit au renouvellement, indemnité d’éviction, déspécialisation) ou de céder son emplacement commercial avec son fonds de commerce.

Plusieurs conditions d’application du bail commercial doivent être satisfaites (C. com., art. L145-1 et s.).

Parmi ces conditions, certaines sont relatives au local. En effet, le lieu loué doit être un immeuble ou un local satisfaisant plusieurs conditions :

D’abord, le local doit être une construction ayant un caractère permanent. Selon la jurisprudence, l’immeuble ou le local font référence à une « construction » ayant un caractère stable et permanent (Civ. 3e, 20 mars 2014, n° 13-24.439). Par exemple, sont exclus les kiosques mobiles et démontables (Civ., 3e, 28 oct. 2003, n° 02-16.678).

Ensuite, la jurisprudence semble exiger que les locaux soient « clos et couverts » en se fondant sur l’article L.145-1 du Code du commerce (Civ. 3e, 1er juin 2010, AJDI 2010.638). Ainsi, un emplacement de stationnement ne peut constituer un local (Civ. 3e, 1er juillet 2014, n° 13-17.789). Une solution isolée de la Cour de cassation semblait toutefois avoir abandonné cette solution (Civ. 3e, 20 mars 2014, 13-24.439). En réalité, il s’agissait d’un manège situé dans les parties communes d’un centre commercial (donc dans un lieu lui-même « clos et couvert ») de sorte que cet arrêt ne remettrait pas en cause cette condition.

Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, le local mis à disposition par la SCI « ECO + » est un emplacement d'environ 20 m² situé dans un centre commercial. C’est un espace ouvert situé sur dans les parties communes d’un centre commercial.

La Cour de cassation juge qu’un local doit être « clos et couvert » de sorte qu’on pourrait douter que le local confié à la société JEAN-JEAN satisfasse cette condition.

Toutefois, dans un arrêt aux faits très similaires, la Cour de cassation a pu juger qu’une cour d’appel ne pouvait valablement invoquer l’article L. 141-1 du Code de commerce pour refuser d’appliquer le statut du bail commercial « à un espace ouvert pris sur les parties communes d'un centre commercial ». Dans cet arrêt, il s’agissait d’un manège situé dans les parties communes d’un centre commercial, donc dans un lieu lui-même « clos et couvert ».

Conclusion : Le fait que le manège soit situé dans les parties communes d’un centre commercial n’empêche pas la société JEAN-JEAN de se prévaloir des dispositions relatives au bail commercial.

II – Sur la question de la clientèle propre

Solution en droit (majeure) : Comme évoqué ci-dessus, plusieurs conditions d’application du bail commercial doivent être satisfaites (C. com., art. L145-1 et s.).

Parmi ces conditions, certaines sont relatives au preneur à bail. Ce dernier doit être propriétaire du fonds de commerce exploité au sein de l’immeuble. Sans fonds de commerce, il ne peut y avoir de bail. Les éléments constitutifs du fonds de commerce doivent ainsi être réunis.

La clientèle constitue ainsi un élément essentiel du fonds de commerce : la loi vise expressément la clientèle et l’achalandage au titre des éléments à énumérer lors de la vente du fonds (C. com., L141-5). La clientèle pour être caractérisée doit remplir plusieurs caractères : elle doit notamment être personnelle.

Il ne peut y avoir de fonds de commerce si la clientèle n’est pas propre au commerçant. En d’autres termes, le propriétaire de la clientèle est le propriétaire du fonds de commerce. Ce caractère peut poser un problème en cas de dépendance commerciale ou géographique lorsque le fonds de commerce est enclavé dans un ensemble immobilier plus vaste, c’est-à-dire exercé dans l’enceinte d’une autre entreprise ayant sa propre clientèle. La question est de savoir si la clientèle est propre au commerce enclavé (le fonds de commerce peut alors être caractérisé) ou s’il bénéficie uniquement d’une clientèle dite « captive » appartenant en réalité à l’ensemble commercial.

La jurisprudence a évolué sur la question.

Avant, les juges du fond recherchaient si le commerce enclavé avait une clientèle prépondérante par rapport à la clientèle captive du commerce principal (à propos d’une buvette située sur un champ de courses hippiques : Ass. plén. 24 avril 1970, n° 68-10.914). 

Désormais, ils vérifient, dans chaque cas d’espèce, s’il existe des éléments permettant de caractériser une véritable autonomie de gestion. La Cour de cassation juge que l’autonomie de gestion est caractérisée lorsque le commerce enclavé n’est pas soumis par le commerce principal à des contraintes incompatibles avec le libre exercice de l’activité commerciale (Civ., 3e, 19 janv. 2005, n° 03-15.283). Par exemple, les juges regardent si l’entreprise principale impose des horaires d’ouvertures et de fermeture (Civ., 3e, 15 oct. 2014, n° 13-24.439) ou si elle fournit le matériel nécessaire à l’activité comme les outils, l’eau ou l’électricité (Civ., 3e, 5 sept. 2012, n° 11-14.961).

 Solution en l’espèce (mineure) : En l’espèce, la société JEAN-JEAN exploite un commerce enclavé dans un centre commercial.

Il ressort des faits que :

  • La SCI ECO + lui impose des horaires d’ouverture et de fermeture à la société JEAN-JEAN,
  • La SCI ECO + lui fournit l’électricité.

Dans ces conditions, les juges pourraient considérer qu’il n’existe pas de véritable autonomie de gestion et que la société JEAN-JEAN bénéficie d’une clientèle captive appartenant en réalité à l’ensemble commercial. En d’autres termes, la société JEAN-JEAN pourrait rencontrer des difficultés à justifier d’une clientèle propre, détachable de l'achalandage du centre commercial.

Conclusion : La société JEAN-JEAN ne pourra pas bénéficier d’un droit au bail commercial lui permettant de jouir d’un droit au renouvellement du contrat et donc d’un maintien dans les lieux. 

Voilà pour cet exemple de cas pratique corrigé en droit commercial.

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  1. Il y a une erreur de base légale dans le corrigé: (Ordonnance du 15 septembre 2021, C. com., art. L.121-3) c’est l’article L721-3 qui fixe la compétence du TB CO

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