L’objet de ce cours est pragmatique : présenter une méthode de rédaction du commentaire d’arrêt permettant d’obtenir systématiquement des bonnes notes.
Vous devez maitriser la méthodologie du commentaire d’arrêt pour au moins deux raisons :
- Il s’agit d’un exercice juridique incontournable faisant l’objet de nombreux partiels,
- Alors qu’il est presque impossible d’obtenir une bonne note en cas pratique ou en dissertation, sans connaissances de cours, une bonne connaissance de la méthodologie et de quelques astuces que vous trouverez dans ce cours vous permettront d’obtenir la moyenne à n’importe quel commentaire d’arrêt, même avec de très faibles connaissances de cours.
Dans ce cours, nous allons voir :
(!) Un peu plus bas, vous aurez des conseils pour réussir n’importe quel commentaire d’arrêt avec des connaissances de bases sur les arrêts rendus par la Cour de cassation.
Conseil : lisez bien la partie intitulée “5ème élément : Les éléments relatifs à la portée de l’arrêt”.
I. Comprendre la méthode du commentaire d’arrêt (ce que le correcteur attend de vous)
L’objectif est d’expliquer la méthode classique du commentaire d’arrêt en évoquant, au fur et à mesure, tous les points souvent passés sous silence dans les manuels de méthodologie classiques et qui résultent de l’expérience que j’ai acquise au cours de mes études et des cours de droit dispensés à l’université.
A. La définition du commentaire d’arrêt
Le commentaire d’arrêt est un exercice juridique consistant à tester les capacités d’un étudiant à analyser un arrêt ou une décision de justice.
L’étudiant doit alors présenter (1), expliquer (2) et critiquer (3) l’arrêt à la lumière de ses connaissances de cours.
1. Présenter l’arrêt
Il s’agit de présenter l’arrêt à quelqu’un qui ne l’a pas lu de la manière la plus simple et concise possible.
La présentation de l’arrêt commence dès l’introduction du commentaire d’arrêt. En effet, cette introduction se compose de trois parties parmi lesquelles figure la fiche de l’arrêt. Or la fiche d’arrêt ne constitue rien d’autre que la méthode juridique communément admise pour la présentation d’un arrêt.
Il suffit donc seulement de maîtriser – parfaitement – cette méthode !
Si vous n’êtes pas au point sur la méthodologie de la fiche d’arrêt cliquez-ici pour lire l’article sur la méthodologie de la fiche d’arrêt.
2. Expliquer l’arrêt
Encore une fois, il s’agit d’expliquer la décision rendue par les juges à quelqu’un qui ne l’a pas lu de la manière la plus simple (ce qui suppose la rédaction d’un plan) et concise possible (ce qui suppose un style de rédaction privilégiant des phrases courtes).
L’explication d’un arrêt consiste à retranscrire le raisonnement suivi par les juges pour rendre leur décision.
Le cheminement intellectuel du juriste est toujours le même :
- Première étape : appliquer à une situation de fait un fondement juridique. Il faut alors identifier ce fondement : s’agit-il d’une loi, d’un décret, d’une jurisprudence ?
- Deuxième étape : qualifier juridiquement cette situation de fait. Il faut alors se poser la question de la pertinence de cette qualification : les juges auraient-ils pu donner une autre qualification juridique à la situation de fait qu’ils ont eu à traiter?
- Troisième étape : appliquer les effets juridiques liés à cette qualification juridique. Il faut se poser la question de la concordance de la qualification juridique et des effets juridiques en procédant à un raisonnement par analogie : est-ce que dans des arrêts similaires une telle qualification conduisait aux mêmes effets juridiques ?
3. Critiquer l’arrêt
Critiquer revient à présenter les avantages et les inconvénients de la solution. Il s’agit donc de critiquer la solution :
D’un point de vue juridique
Le raisonnement des juges est-il pertinent ? la solution est-elle viable ? le droit va-t-il évoluer sur la question ?
D’un point de vue économique ou sociétal
Quelles sont les conséquences économiques et sociétales d’une telle solution ?
Prenons un exemple en droit des personnes à propos des transsexuels (1ère Civ, 7 juin 2012, n°11-22.490)
Dans cet arrêt la Cour de cassation autorisait le changement de sexe du transsexuel mentionné sur son état civil mais subordonnait ce changement à deux conditions dont notamment l’établissement du caractère irréversible de la transformation de l’apparence.
Cette condition n’est plus obligatoire depuis la loi de modernisation de la justice du 18 novembre 2016 mais l’étudiant qui aurait eu à commenter cet arrêt avant cette loi aurait nécessairement dû s’interroger sur la compatibilité d’une telle solution avec le respect de l’intégrité physique des transsexuels (généralement dans le II.B).
B. Les 4 objectifs du commentaire d’arrêt
1. Évaluer votre capacité à argumenter
Le commentaire d’arrêt à un point en commun avec tous les autres exercices juridiques que vous devez réaliser à l’université : il faut savoir argumenter (ensemble d’arguments pour soutenir, étayer une idée) pour obtenir une bonne note.
Qu’il s’agisse d’un cas pratique, d’une dissertation ou d’un commentaire d’arrêt vous devez apprendre à rédiger correctement vos arguments.
Le bon juriste est celui qui a appris à développer son esprit critique et qui est capable de mener un raisonnement juridique sur n’importe quel sujet !
2. Évaluer votre capacité à rédiger
Tous les exercices juridiques nécessitent la maîtrise d’une rédaction de qualité. Cette maîtrise passe par le respect des règles d’orthographe et de syntaxe et par l’acquisition d’un vocabulaire juridique et d’un style concis.
(!) Prenez très au sérieux ces conseils ! Dans toutes les universités de France les fautes d’orthographe et de syntaxe sont sanctionnées par une perte de points variant selon l’irritabilité du correcteur !
3. Évaluer votre faculté à relier l’arrêt aux connaissances
Le commentaire d’arrêt est un exercice qui ne nécessite pas nécessairement de grandes connaissances de cours. Ce constat est pour vous une bonne nouvelle : si vous maîtrisez la méthode vous pourrez systématiquement obtenir la moyenne quand bien même vous auriez des lacunes sur le fond du cours. En revanche, si vous ne la maîtrisez pas, vous pourriez obtenir une mauvaise note alors même que vous connaissiez votre cours sur le bout des doigts…
L’objectif est donc de réussir à relier certains éléments de cours à l’arrêt en effectuant un perpétuel va et vient entre vos connaissances et l’arrêt ce qui nécessite plusieurs entrainements dans les conditions réelles de l’examen.
4. Juger votre faculté à organiser vos idées à travers l’élaboration d’un plan
Le commentaire d’arrêt est l’exercice juridique qui demande le plus de réflexion sur la confection du plan.
Vous devez expliquer de la manière la plus simple possible l’arrêt en confectionnant un plan en deux parties, elles-mêmes divisées en deux sous-parties.
II. S’organiser en examen pour bien rédiger son commentaire d’arrêt
Avant même d’étudier chacune des parties du commentaire d’arrêt, un point sur la manière de s’organiser en examen pour rédiger le commentaire s’impose.
Le but est ici de vous proposer une méthode pour vous organiser le jour de l’examen. Ces règles d’organisation sont tirées de mon expérience personnelle ; aucun manuel de méthodologie ne peut prétendre posséder la méthode qui convient à tous les étudiants. Ces règles n’ont donc qu’une simple valeur indicative. En réalité vous aurez intérêt à découvrir vous-même, au fur et à mesure de vos entrainements, l’organisation qui vous convient le mieux.
A. Première étape : la lecture de l’arrêt (deux fois)
Cette phase est évidente : avant toute chose commencez par la décision. L’idéal est de procéder à une première lecture rapide de la décision puis à une deuxième lecture plus approfondie.
B. Deuxième étape : la rédaction de la fiche d’arrêt
Il est judicieux de rédiger la fiche d’arrêt avant même de chercher le plan et le contenu du commentaire d’arrêt. Lorsque vous aurez fini de rédiger votre fiche d’arrêt vous y verrez déjà beaucoup plus clair ce qui facilitera votre recherche de plan.
C. Troisième étape : la rédaction du brouillon (plan + contenu du commentaire)
Une fois la fiche d’arrêt rédigée, vous devez noter sur un brouillon toutes les idées qui vous viennent afin de trouver un plan et le contenu de votre commentaire.
D. Quatrième étape : la rédaction du commentaire
Une fois le brouillon rédigé, il vous faut passer à l’étape la plus délicate : la rédaction du commentaire. Cette phase ne nécessite pas le même temps selon les étudiants. Si vous avez tendance à écrire lentement, il vous faudra passer un peu moins de temps sur le brouillon.
E. Cinquième étape : la relecture du commentaire
Cette phase est de loin la plus ennuyante mais elle est nécessaire ! Deux écueils sont impérativement à éviter.
→ Le premier est simple : il s’appelle la flemme !
Lorsqu’on termine son commentaire d’arrêt il est normal de se sentir complètement épuisé par l’effort intellectuel fourni. Ne vous découragez pas à la fin de l’épreuve : une relecture permet presque systématiquement de corriger des erreurs qui pourraient – si vous ne les corrigez pas – vous couter quelques points (fautes d’orthographe, faute de syntaxe, coquilles etc…).
→ Le deuxième réside dans la mauvaise gestion du temps.
Vous devez impérativement prévoir de consacrer au moins dix minutes de votre temps à la relecture de votre commentaire d’arrêt.
Ces différentes règles d’organisation étant précisées, voyons désormais le contenu des différentes phases du commentaire d’arrêt.
III. Réaliser un commentaire d’arrêt (la méthode complète étape par étape)
Vous devez, chronologiquement, rédiger une introduction (1) puis rédiger les éléments de votre contenu (2) et ces éléments dans un plan (3). La conclusion n’est pas nécessaire.
A. L’introduction du commentaire d’arrêt : comment bien la rédiger ?
Premier élément de l’introduction : l’accroche
L’accroche constitue le premier paragraphe du commentaire d’arrêt. Il s’agit d’éveiller l’attention du lecteur par un phrase mettant en exergue l’intérêt du sujet.
À mon sens deux techniques peuvent être utilisées pour trouver une bonne accroche.
La première technique consiste, lors de l’élaboration de vos fiches de révisions, à noter systématiquement une accroche sur chaque thème / chapitre composant votre cours. Cette technique nécessite une organisation rigoureuse ainsi qu’une bonne mémoire.
La deuxième technique permet de vous sortir de la situation dans laquelle tout étudiant se trouve confronté un jour ou l’autre : l’absence d’idées. Il suffit alors de procéder à la rédaction d’une accroche en « entonnoir » (voir plus bas). Cette technique nécessite toutefois de connaître au minimum son plan de cours.
Quelles sont les différents types d’accroches ?
L’accroche historique
Il s’agit d’amener le sujet en évoquant l’intérêt historique qui y est attaché.
L’accroche d’actualité
Il s’agit d’amener le sujet en éveillant l’intérêt du lecteur à travers l’évocation d’une actualité récente qui y est liée.
L’accroche citation / adage
Il s’agit d’amener le sujet en éveillant l’intérêt du lecteur à travers la retranscription d’une citation ou d’un adage.
L’accroche en entonnoir
Il s’agit d’amener le sujet en éveillant l’intérêt du lecteur en replaçant le sujet dans le contexte de son cours.
Deuxième élément de l’introduction : la fiche d’arrêt
Vous devez rédiger intégralement la fiche de l’arrêt commenté (faits ; problème de droit ; procédure/prétentions ; solution). Aucune spécificité n’est à noter ici de sorte que je vous renvoie au cours sur la fiche d’arrêt.
Troisième élément de l’introduction : l’annonce de plan
Après avoir évoqué la solution de la juridiction (dernière étape de la fiche d’arrêt) vous devez annoncer le plan de votre commentaire d’arrêt.
Il suffit d’annoncer vos deux parties principales. Mais vous ne pouvez pas utiliser la formule « dans un premier temps nous verrons (…) puis dans un second temps nous verrons (…) ».
Votre annonce de plan doit prendre la forme suivante :
Exemple : 2e Civ, 22 fév. 2007, 06-10.131
« Par cet arrêt, la Cour de cassation refuse d’appliquer la responsabilité civile pour la réparation d’un préjudice illicite (I) et considère que de la nullité du contrat de jeux aurait dû découler une absence d’indemnisation (II) ».
B. Le contenu du commentaire d’arrêt : quels sont les éléments essentiels à prendre en compte ?
Ces deux phases sont liées. En réalité, c’est le contenu de votre commentaire qui détermine votre plan. Il faut donc commencer par le contenu.
Il existe des astuces simples qui permettent de trouver systématiquement un contenu c’est- à-dire de la « matière » pour rédiger votre commentaire d’arrêt. Il va falloir noter plusieurs éléments sur votre brouillon :
Premier élément : les notions de cours qui vous viennent à l’esprit
II est possible d’obtenir une note correcte au commentaire d’arrêt avec des connaissances minimes. Mais si vous ne connaissez absolument pas votre sujet l’exercice s’avèrera délicat !
Faites l’effort de vous rappeler les principaux éléments de cours sur le thème de l’arrêt en question.
Deuxième élément : le plan de cours dans lequel s’inscrit cet arrêt
Noter le plan de cours vous peut vous éviter un hors sujet et vous sera utile au moment de la rédaction du plan.
Troisième élément : le contexte de l’arrêt
Noter les éléments de contexte de l’arrêt constitue une démarche fondamentale. Dans un commentaire d’arrêt vous devrez, à un moment ou un autre, évoquer le droit antérieur, le droit actuel et le droit postérieur.
Le droit antérieur
- Quel était le droit positif avant que soit rendu l’arrêt en question ?
- S’agit-il d’un revirement de jurisprudence ou d’une jurisprudence constante ?
- S’agit-il d’un arrêt contra legem ?
Le droit actuel
- S’agit-il d’une jurisprudence constante ?
- Si oui l’arrêt présente-il tout de même certaines particularités ?
Le droit postérieur
- Cette solution est-elle viable ?
- Aura-t-elle vocation à évoluer ?
- Si oui l’évolution viendra de la jurisprudence ou du législateur ?
Quatrième élément : les éléments permettant de critiquer cet arrêt
Il peut s’agir soit d’éléments de doctrine que vous connaissez sur le sujet soit d’éléments de votre réflexion personnelle.
Cinquième élément : les éléments relatifs à la portée de l’arrêt
(!) Cette partie du cours est longue mais est la plus importante pour progresser.
Il existe des astuces permettant d’obtenir des éléments d’informations sur n’importe quel arrêt rendu par la Cour de cassation quand bien même vous ne maîtrisez pas le cours sur lequel il porte.
Il vous faut connaître certains éléments de base relatifs à la structure des arrêts rendus par la Cour de cassation. Si vous n’êtes pas familier avec les techniques utilisées par la Cour de cassation allez impérativement lire cette fiche méthodologique qui figure sur le site de la Cour de cassation !
Première question : Quel type d’arrêt ? Arrêt de rejet ou arrêt de cassation ?
Les éléments d’information à extraire de l’arrêt diffèrent selon que l’on se trouve face à un arrêt de rejet ou face à un arrêt de cassation.
- L’arrêt de rejet est l’arrêt dans lequel la Cour de cassation rejette le pourvoi intenté contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel.
- L’arrêt de cassation est l’arrêt qui casse la décision rendu par la Cour d’appel.
Pourquoi est-il important pour le commentaire de l’arrêt de savoir distinguer entre l’arrêt de rejet et l’arrêt de cassation ?
> La première différence concerne les moyens du pourvoi. Dans un arrêt de cassation, les moyens du pourvoi ne sont pas véritablement utiles pour rédiger votre commentaire puisque la solution de la Cour de cassation ira dans le même sens.
Dans un arrêt de rejet, les moyens du pourvoi ont une importance certaine ; ils permettent de comprendre la thèse adverse. Plus ces moyens vous paraissent pertinents sur le plan juridique plus la solution rendue par la Cour de cassation sera critiquable.
Vous pourrez alors reprendre à votre compte les arguments développés par les moyens du pourvoi lorsque vous devrez critiquer la solution rendue par la Cour de cassation.
> La deuxième différence concerne la structure des arrêts
Le syllogisme d’un arrêt de rejet se présente ainsi :
- Chef de dispositif de la décision attaquée ;
- Moyens exposant les raisons juridiques de la critique ;
- Réfutation par la Cour de cassation de ces critiques.
Le syllogisme d’un arrêt de cassation se présente ainsi :
- La règle est celle-ci (le visa et le chapeau) ;
- La juridiction du fond a dit cela ;
- En statuant ainsi, elle a violé la règle (le conclusif).
Deuxième question : Quels sont les différents contrôles exercés par la Cour de cassation?
→ L’absence de contrôle : lorsque les juges de fond disposent d’un pouvoir discrétionnaire.
Exemple : pour refuser de modérer une clause pénale (art. 1152 C.civ), pour refuser une demande de sursis à statuer.
→ Le contrôle restreint à l’existence d’une motivation, compte tenu du pouvoir souverain des juges du fond.
Exemple : l’évaluation du préjudice et des modalités de sa réparation.
Ces arrêts sont identifiables par les formules suivantes : « a souverainement relevé… », « a souverainement retenu… », « a souverainement décidé… ».
→ Le contrôle léger :
Il s’agit d’un contrôle de légalité qui « intervient lorsque la cour d’appel a tiré une conséquence juridique de ses constatations de fait qui était possible mais qui aurait pu être différente sans pour autant encourir la critique ».
Ces arrêts sont identifiables par les formules suivantes : « a pu retenir… a pu en déduire… a pu décider que… ; ».
→ Le contrôle lourd :
Il s’agit du contrôle intervenant lorsque la cour d’appel ne pouvait, à partir de ses constatations de fait, qu’aboutir à la solution retenue, sous peine de voir son arrêt cassé pour violation de la loi.
Ces arrêts sont identifiables par les formules suivantes : « a exactement retenu… en a exactement déduit… ou a retenu à bon droit… en a déduit à bon droit… a décidé à bon droit… ».
La portée d’un arrêt dans lequel la Cour de cassation exerce un contrôle lourd est bien plus importante que lorsqu’elle exerce un contrôle léger. Il faudrait alors le noter dans votre commentaire d’arrêt.
Troisième question : s’agit-il d’un arrêt de principe ?
Les arrêts de principe ont une importance certaine dans un commentaire d’arrêt puisqu’ils modifient (ou « ont déjà modifié ») l’état du droit positif.
Avant même de savoir comment repérer un arrêt de principe retenez trois éléments fondamentaux sur les arrêts de principe que vous pourriez, le cas échéant, rappelez en commentaire d’arrêt.
(i) Les choses à savoir sur les arrêts de principe
Premier point : La question des arrêts de principe soulève l’épineuse critique du « gouvernement des juges ».
En effet, le principe en droit français réside dans la prohibition des arrêts de règlement (« les arrêts de règlement désignent une pratique courante jusqu’en 1789, par laquelle les Parlements d’Ancien Régime rendaient une décision solennelle de portée générale, abstraite et qui s’imposait aux juridictions inférieures. Ces arrêts valaient pour l’avenir et à l’égard de tous, au même titre que la loi »).
En effet, l’article 5 du Code civil énonce qu’« il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Si vous êtes confronté à un arrêt de principe qui pose une solution générale en l’absence de tout texte législatif ou règlementaire vous pourriez, le cas échéant, évoquer cette question.
Deuxième point : la question des arrêts de principe peut soulever la question des revirements de jurisprudence. Si vous êtes face à un arrêt de principe qui prend le contrepied d’une jurisprudence antérieure posez-vous également la question de l’atteinte portée par ces revirements de jurisprudence au principe de sécurité juridique des justiciables.
(ii) Comment repérer un arrêt de principe ?
Trois éléments principaux peuvent vous permettre d’identifier l’importance d’un arrêt.
Le visa dans l’arrêt
D’abord regardez si l’arrêt contient un visa. Le visa désigne cette partie figurant, au début d’un jugement ou d’un arrêt par laquelle le juge énonce les références des textes de lois ou auxquelles il se réfèrent.
L’attendu de principe
Ensuite regardez si l’arrêt contient un attendu de principe. L’attendu de principe constitue une règle de droit général appelée à s’appliquer dans toutes les situations similaires.
Il se trouve généralement au début de l’arrêt dans les arrêts de cassation après le visa.
Exemple : dans l’arrêt “Cass., Soc., 2 oct. 2001, n° 99-42.942” – L’attendu de principe est ci-dessous en rouge :
Il se trouve généralement après le « mais attendu que… » dans les arrêts de rejet.
Exemple : Cass., Soc., 25 nov. 2015, 14-24.444
Les lettres
Les mentions « P.B.R.I » permettent de hiérarchiser les arrêts de la Cour de cassation. Elles définissent la nature de la publication, qui est décidée par les magistrats de la chambre à l’issue du délibéré ».
Pour mieux comprendre lisez l’article intitulé « HIERARCHISATION DES ARRETS EN CLIQUANT ICI » sur le site de la Cour de cassation.
C. Le plan du commentaire d’arrêt : comment classer ces différents éléments dans vos sous-parties ?
1. Comprendre ce qui signifie concrètement le tryptique “sens, valeur, portée”
Sens de l’arrêt
L’explication d’un arrêt consiste à retranscrire le raisonnement suivi par les juges pour rendre leur décision.
La valeur de l’arrêt
Apprécier la valeur d’un arrêt revient à évaluer la pertinence de la solution rendue par les juges c’est-à-dire à présenter les avantages et les inconvénients de la solution.
D’abord vous devez évaluer la pertinence du raisonnement juridique :
- Le raisonnement des juges est-il pertinent ? qu’en dit la doctrine ?
- Le fondement ou la qualification juridiques retenus par les juges sont-ils pertinents ?
- Les juges ont-ils tirés les effets juridiques qui s’imposaient ?
- La solution est-elle particulière par rapport aux autres décisions antérieurs rendus sur le même thème ?
- La solution porte-t-elle atteinte au principe de sécurité juridique ?
- La solution soulève-t-elle la question du gouvernement des juges ?
Ensuite vous devez évaluer la pertinence de la solution d’un point de vue sociétal et économique :
- Quels sont les conséquences économiques de la solution ?
- Quelles sont les conséquences sociétales de la solution ?
La portée de l’arrêt
Évaluer la portée d’un arrêt revient à expliquer les effets futurs de la solution :
- La solution va-t-elle considérablement modifier l’état du droit positif ?
- La solution est-elle viable ?
- Existe-t-il des projets de réforme sur la question ?
- S’il s’agit d’un arrêt de principe s’agit-il d’un sujet sur lequel les pouvoirs publics semblent trop frileux pour légiférer (exemple : le sexe neutre).
- Si des évolutions sont prévues sont-elles souhaitables ? A l’inverse si rien n’est prévu est- ce qu’une évolution serait souhaitable ?
Ces différents éléments doivent figurer dans les différentes sous-parties du commentaire d’arrêt.
2. Le contenu des différentes sous-parties : exemples
Le contenu des différentes sous-parties peut être résumé comme ci-dessous :
Le I. A.
Il s’agit dans cette sous-partie d’amener progressivement l’arrêt. Il faudra y faire figurer les définitions des notions importantes et décrire le droit antérieur. Pour éviter de « dériver en dissertation » l’idéal est de commencer par une phrase qui cite l’arrêt.
Exemple sur l’arrêt du 25 novembre 2015 relatif à l’obligation de sécurité de l’employeur :
« L’arrêt du 25 novembre que nous avons à commenter est relatif à l’obligation de sécurité de l’employeur prévue par l’article L.4121-1 du code du travail (annonce du thème).
En effet, cet article rend l’employeur débiteur d’une obligation de sécurité envers ses salariés puisqu’il doit « prendre les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des travailleurs». À cet égard, ce même article prévoit justement trois types de mesures et notamment des actions de préventions, d’information, de formation ainsi que la mise en place d’une organisation… (définitions).
Avant cet arrêt du 25 novembre 2015 (citer à nouveau l’arrêt) la jurisprudence considérait que cette obligation de sécurité était une obligation de résultat. Il semble, à la lecture de la solution rendue par la Cour de cassation, que l’employeur ne soit désormais seulement débiteur que d’une obligation de moyen « renforcé » (état du droit antérieur) ».
Une fois ces éléments précisés vous pouvez expliquer rapidement la solution de la Cour de cassation. Faites attention cependant à ne pas trop en dire ; gardez-en pour le I. B !
Le I.B.
Il va s’agir dans cette partie d’expliquer plus en détail la solution de la Cour de cassation.
Pour reprendre l’exemple cité précédemment sur l’obligation de sécurité de l’employeur il faudra expliquer concrètement ce qui a poussé la Cour de cassation à modifier sa jurisprudence. À ce stade vous devez commencer à vous interroger sur la pertinence du raisonnement juridique mené par les juges.
Le II.A
Dans le II.A vous devez non seulement continuer l’explication de la solution mais surtout vous poser la question de la valeur de cette décision. Cette solution vous parait-elle logique au regard des arrêts précédemment rendu ? est-elle critiquable d’un point de vue juridique, sociétal, économique ? Est-elle compréhensible ?
Exemple : Cass. civ. 1ère, 4 mai 2017, n° 16-17.189 : la Cour de cassation a récemment rendu un arrêt dans lequel elle refusait de reconnaître la mention dans l’état civil du « sexe neutre ».
Cette solution était critiquable juridiquement car comme le soutenait un moyen du pourvoi :
« l’article 57 du code civil impose seulement que l’acte de naissance énonce « le sexe de l’enfant » ; que cette disposition ne prévoit aucune liste limitative des sexes pouvant être mentionnés pour son application ».
Cependant, la solution se comprend car cette reconnaissance aurait entrainé de trop grandes conséquences juridiques de sorte, qu’en réalité, il ne revient pas au juge mais au législateur de se prononcer sur ce sujet :
« que la reconnaissance par le juge d’un ” sexe neutre ” aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français construites à partir de la binarité des sexes et impliquerait de nombreuses modifications législatives de coordination ».
Le II.B.
Dans le II.B vous allez devoir vous interroger sur les conséquences de l’arrêt sur l’état du droit positif ; il faut ici s’intéresser à la portée de l’arrêt.
Exemple sur l’arrêt ci-dessus à propos du sexe neutre :
Vous pouvez vous interroger sur une éventuelle future reconnaissance par le législateur d’un « sexe neutre ». Vous pouvez évoquer les inconvénients et les avantages qu’une telle reconnaissance produiraient. De même vous pouvez terminer le commentaire en évoquant les pays ayant déjà admis la mention dans l’état civil d’un « sexe neutre » etc…
3. Comment trouver un plan pour son commentaire d’arrêt ?
Il faut vous imaginer expliquer à quelqu’un de votre famille qui sollicite vos conseils sur une décision de justice qu’il ne comprend pas (je reconnais… ça n’arrive pas à chaque repas de famille…).
L’objectif sera de lui expliquer de la manière la plus accessible possible ; quoi de mieux qu’un plan permettant de classer vos informations de manière équilibrée pour lui expliquer ?
Première méthode : l’analyse de l’attendu
Une première méthode consiste à analyser l’attendu final de la Cour de cassation. En fonction de l’arrêt à commenter deux solutions sont possibles:
- Soit l’arrêt répond à deux questions de droit distinctes ; il suffit alors de consacrer chacune des parties à un des problèmes de droit.
- Soit l’attendu final peut être découpé en deux parties.
Reprenons l’exemple vu précédemment :
Il serait ici possible de découper l’attendu en deux parties :
I. La caractérisation d’une violation du droit au respect de la vie privée du salarié
II. L’illicéité de la preuve recueillie en violation du droit au respect de la vie privée
Deuxième méthode : la retranscription de plans d’annales
Il peut s’avérer extrêmement judicieux d’apprendre par cœur des corrections de plans de commentaires d’arrêts. Regardez les annales dans votre matière. Il est très fréquent de tomber sur des arrêts similaires. Vous gagnerez alors un temps précieux le jour de l’examen et vous serez en principe assurés d’obtenir une bonne note.
Troisième méthode : l’utilisation de plans types
Elle consiste à appliquer à l’arrêt des plans types que vous avez appris par cœur en personnalisant les titres pour coller à l’arrêt. Les plans types peuvent vous servir pour votre I. ou II. mais aussi pour vos sous-parties.
Une liste non exhaustive de ces plans :
- Principe / Exception
- Domaine / Régime
- Notion / Fonction
- Avant / Après
- Qualification / Sanction
- Caractérisation / Effet
Une fois que vous avez trouvé votre plan il vous faut environ quatre idées par sous-parties que vous pouvez numéroter afin d’être certain :
- Que le contenu de votre commentaire soit suffisant ;
- Que les différentes sous-parties soient équilibrées.
III. Réussir son commentaire d’arrêt (erreurs à éviter et conseils d’un enseignant)
Vous allez enfin découvrir quelles sont les principales difficultés rencontrées par les étudiants en droit et des astuces méconnues pour progresser sur la méthodologie du commentaire d’arrêt.
A. Les 4 erreurs à éviter pour la réalisation du commentaire d’arrêt
Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive des difficultés susceptibles d’être rencontrées pendant la rédaction de votre commentaire ; rien ne remplace l’expérience que vous obtiendrez au fur et à mesure de vos entrainements.
1. L’élaboration du plan
La conception du plan peut parfois prendre beaucoup de temps… et lorsque les idées ne viennent pas cette perte de temps peut vous empêcher de terminer votre II. B. ce qui signifie une note en dessous de la moyenne…
Il est impératif de connaître PAR CŒUR les méthodes présentées ci-dessus.
Un écueil fréquent est de s’entrainer à faire des commentaires avec les plans types devant les yeux. Apprenez les plans et faîtes votre commentaire dans les mêmes conditions que celles du jour du partiel c’est-à-dire sans aucun document mis à part votre code !
2. L’absence de connaissances de cours
La deuxième difficulté susceptible de se poser est d’être interrogé sur un thème que vous n’avez pas bien appris…
L’avantage du commentaire d’arrêt est que vous pouvez TOUJOURS obtenir la moyenne en connaissant la méthode. Relisez et comprenez bien comment sont structurés les arrêts rendus par la Cour de cassation. Ce sont ces connaissances qui vous permettront de comprendre et d’expliquer l’arrêt ainsi rendu.
3. La gestion du temps
La gestion de son temps est fondamentale le jour de l’examen. Combien d’étudiants n’obtiennent pas la moyenne à cause d’un II.B inachevé… Réglez ce problème avant les partiels en vous entrainant pour comprendre ce qui vous prend le plus de temps (la réflexion ? la rédaction ? la confection du plan ?).
Une fois que le problème est identifié il sera alors possible de trouver des solutions pour y remédier !
4. La tendance à disserter
La tendance à disserter est un problème qui revient très fréquemment pour beaucoup d’étudiants. Il est en effet tentant lorsqu’on connait bien son cours de l’étaler dans son commentaire… Il faut coller à l’arrêt. Une bonne technique est de faire référence à la Cour de cassation et à l’arrêt toutes les 5/6 lignes.
B. Les 4 conseils d’un enseignants pour réussir son commentaire d’arrêt
1. Conseil n°1 : soignez la forme de votre copie
Soignez la forme de votre copie : écrivez en noir, sautez des lignes et faites un alinéa entre chaque partie ou nouvelle idée :
2. Conseil n°2 : apprenez par cœur vos plans
Apprenez les plans d’annales et les plans types par cœur.
3. Conseil n°3 : entraînez-vous en conditions réelles d’examen
Avant l’examen faîtes au minimum trois entrainements corrigés dans les MÊMES conditions que l’examen.
4. Conseil n°4 : apprenez des phrases types
Apprenez des phrases types réutilisables dans tous vos commentaires.
Par exemple, après votre accroche, vous pouvez utiliser la phrase suivante :
« L’arrêt du 2 février 2018 rendu par la Cour de cassation nous en offre une belle illustration ».
Bon courage !
C’est la méthode la plus complète que j’ai pu trouvé pour le commentaire d’arrêt. Merci beaucoup !!!! Vous venez de gagner une abonnée !
Merci c’est gentil!
Très bien fait.
Merci bq
Je suis vraiment ravi d’avoir pu tomber sur cette vidéo car elle es assez complète . Vous expliquez bien . Est ce qu’il n’est pas possible d’en avoir en droit administratif ?
Très bien expliqué et détaillé. Merci pour cet excellent travail
Enfin, des explications claires et précises.
Bravo! Je vous remercie .
Ce sont les meilleures explications que j’ai lues!
Merci à vous!
Vraiment merci beaucoup, c’est très bien expliqué !!!!
Vraiment merci beaucoup, c’est très bien expliqué !!!!
merci beaucoup, je suis en master et cela m’aide beaucoup !
trop trop bien , grace a vous j'ai maintenant une vue d'ensemble dans le commentaire d'arret merci !
Merci infiniment pour votre aide. J’ai acquis de nouvelles connaissances.
Merci c est très gentil
Je tiens à vous remercier. Grâce à votre article j’ai eu 13 à l’examen alors que le commentaire d’arrêt a toujours été ma bête noire avant ma découverte de votre site. Grand merci à vous🙏
Bonjour, je vous remercie pour cette méthodologie, elle m’aime beaucoup à voir chaque étape, et à me laisser dans un freestyle de commentaire.
J’ai une question sur la question de droit et sur la réponse de la Cour de cassation. Si la cour est amenée à répondre à deux problématiques, mais ne réponds qu’à une seule, est-il pertinent de faire une partie (je pensais à un II.B) sur le fait que la cour ne réponde pas à cette 2e questions qui lui est posée.
Merci encore pour votre aide.
Bonjour,
À mon sens, tout dépend des raisons pour lesquelles la Cour de cassation ne se prononce pas sur un moyen en particulier. Exemple : si la Cour de cassation n’y répond pas, car le moyen était simplement inefficace (par exemple s’il conteste simplement une appréciation souveraine des juges du fond), il n’y a pas besoin de le détailler. À l’inverse, dans d’autres cas, détailler un peu peut s’avérer pertinent (exemple : “En effet, certains moyens sont nécessairement préalables à l’analyse des moyens de fond, tels que les moyens invoquant la violation du principe de la contradiction (article 16 du code de procédure civile) ou des règles de procédure, comme la validité de l’ordonnance de clôture. Une cassation sur de tels moyens interdit l’examen des autres moyens, sur lesquels la Cour ne se prononce pas. L’exigence du raisonnement logique impose, comme devant les juridictions du fond, l’examen des moyens dans un certain ordre (recevabilité avant le fond, principe de responsabilité avant l’indemnisation du préjudice, qui est nécessairement préalable à l’examen des moyens portant sur les appels en garantie, etc.). Dès lors qu’un de ces moyen est accueilli, il interdit l’examen des moyens qui, en pure logique, ne portent que sur une conséquence du chef de dispositif cassé. Cette situation s’exprimera par l’indication, juste avant le dispositif de la formule : “Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens…”.”).
Je vois, merci beaucoup pour votre réponse ! Cela m’a permis d’effacer certains doutes.
merci infiniment à vous !
Merci bcp vous savez même op à quel point vous nous aider
Merci beaucoup pour cette présentation très structurée. J'ai beaucoup appris de cet exercice compliqué en quelques minutes.
MERCI MES SAUVEURS