Les sources du droit désignent l'origine et le mode de création des règles juridiques. Cette notion englobe tout ce qui contribue à créer l'ensemble des règles juridiques applicables dans un État, comme la Constitution, les traités, les lois, les règlements, la coutume et la jurisprudence.
Le thème des sources du droit est étudié dans le cadre du programme d’introduction au droit, après la définition de la notion de droit.
S’intéresser aux sources du droit revient à s’intéresser à son origine, c’est-à-dire son mode de création. En effet, cette métaphore (la « source ») renvoie à l'idée d'un jaillissement, d'une origine d'où découle quelque chose. Tout comme une source d'eau fait naître un cours d'eau qui s'écoule ensuite, les sources du droit font naître les règles juridiques qui s'appliquent ensuite dans la société !
Cette expression permet à la fois d'illustrer l'idée d'origine du droit (les sources sont les points d'émergence des règles juridiques), mais également celle de hiérarchie : comme l'eau qui s'écoule de la source vers l'aval, le droit émane de certaines origines pour se diffuser dans l'ensemble du système juridique et les normes sont hiérarchisées entre elles.
Dans ce cours, nous allons présenter l’ensemble des sources du droit français.

I. Les sources directes du droit
Les sources constitutionnelles
La Constitution est le texte suprême de notre ordre juridique. En France, la Constitution du 4 octobre 1958 constitue actuellement le texte fondateur de nos institutions qui organise le fonctionnement de l'État et les rapports entre ses différents organes.
Plus exactement, lorsqu’on évoque les sources constitutionnelles, il faut parler de « bloc de constitutionnalité ». Ce bloc désigne l'ensemble des normes de référence à valeur constitutionnelle à partir duquel le Conseil constitutionnel apprécie la constitutionnalité des lois.
Depuis la décision « Liberté d'Association » rendue le 16 juillet 1971 par le Conseil constitutionnel, ce bloc comprend :
- La Constitution de 1958. Il s’agit du texte fondamental qui comprend un Préambule et 89 articles régissant l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics.
- La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Il s’agit du texte fondateur qui proclame les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, comme la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.
- Le Préambule de la Constitution de 1946. Ce texte affirme des principes politiques, économiques et sociaux « particulièrement nécessaires à notre temps » comme le droit d'obtenir un emploi, le droit de grève ou l'égalité entre hommes et femmes.
- Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR). Ces principes ne sont pas définis par le Préambule de 1946, mais sont dégagés progressivement par le Conseil constitutionnel (par exemple, les droits de la défense, la liberté d'association).
- La Charte de l'environnement de 2004. Cette charte a été Intégrée au bloc de constitutionnalité en 2005, et consacre des principes tels que le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, ainsi que des devoirs comme celui de prendre part à la préservation de l'environnement.
- La jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elle comprend les principes à valeur constitutionnelle (comme la liberté d'entreprendre) et les objectifs à valeur constitutionnelle (comme l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi).
Les sources constitutionnelles occupent le sommet de la hiérarchie des normes, ce qui signifie que toutes les autres règles juridiques doivent être conformes aux règles constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel est chargé de veiller au respect de cette conformité à travers le contrôle de constitutionnalité des lois, qui peut s'exercer avant la promulgation de la loi (article 61 de la Constitution) ou lors de son application via la Question Prioritaire de Constitutionnalité (article 61-1).
En 2010, le Conseil constitutionnel (décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010) a examiné le régime de la garde à vue. Un suspect contestait les conditions de sa garde à vue où il n'avait pas pu bénéficier de l'assistance d'un avocat dès le début de la mesure. En se fondant sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 qui garantit les droits de la défense, le Conseil a déclaré inconstitutionnelles les dispositions du Code de procédure pénale qui n'assuraient pas suffisamment ces droits. Cette décision a obligé le législateur à réformer entièrement le régime de la garde à vue pour garantir la présence de l'avocat dès la première heure.
Les sources internationales
Après les sources constitutionnelles, les sources internationales occupent le deuxième rang dans la hiérarchie des normes. Elles comprennent principalement les traités internationaux et le droit issu de l'Union européenne.
1. Les traités internationaux
Un traité international est un accord conclu entre États en vue de produire des effets de droit dans leurs relations mutuelles. On peut également parler de convention, pacte, accord ou protocole. Ces règles juridiques peuvent produire des effets soit uniquement dans les relations internationales, soit à la fois dans l'ordre international et dans l'ordre interne.
Dans le second cas, un traité peut être :
- D'applicabilité immédiate lorsqu'aucune mesure de réception n'est nécessaire, comme une loi votée par le Parlement pour préciser le traité ;
- D'applicabilité directe lorsqu'il crée des droits et des obligations que les particuliers peuvent invoquer dans les rapports avec l'État (effet direct vertical) et dans les rapports avec d'autres particuliers (effet direct horizontal).
Parmi les nombreux traités internationaux auxquels la France est partie, la Convention européenne des droits de l'homme occupe une place particulièrement importante.
La Convention européenne des droits de l'homme a été adoptée par le Conseil de l'Europe (organisation intergouvernementale créée en 1949) le 4 novembre 1950 et ratifiée par la France le 3 mai 1974.
Son influence sur le droit français est particulièrement importante pour plusieurs raisons :
- Effet direct : Tout justiciable peut invoquer les dispositions de la convention dans ses rapports avec l'État (effet direct vertical) ou avec d'autres particuliers (effet direct horizontal) devant les juridictions françaises.
- Droit de saisine : Toute personne peut saisir la Cour européenne des droits de l'homme (Cour EDH) après épuisement des voies de recours internes.
- Modification de la loi : Une décision de la CEDH sanctionnant la France rend nécessaire une modification de la loi pour en tenir compte (article 46 de la Convention).
- Autorité interprétative : Les juges français doivent tenir compte de l'interprétation donnée par la Cour dans les décisions qu'ils rendent.
Dans un arrêt du 12 janvier 1999 (n° 96-40.755), la Chambre sociale de la Cour de cassation a examiné le cas d'un salarié licencié pour avoir refusé de déménager à Montpellier après un changement d'affectation. La Cour s'est fondée directement sur l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant le droit au respect du domicile pour casser l'arrêt de la cour d'appel. Elle a précisé qu'une restriction à la liberté de choix du domicile par l'employeur n'est valable qu'à la condition d'être "indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et proportionnée". Cet arrêt montre comment une convention internationale peut être directement invoquée pour protéger un droit fondamental dans les relations entre employeur et salarié.
2. Le droit issu de l'Union européenne
Le droit de l'Union européenne se divise en deux catégories principales :
a. Le droit primaire
Il est constitué des traités constitutifs de l'Union européenne et de ceux qui sont venus les compléter et les modifier. L'UE est fondée sur deux textes originaires qui ont été plusieurs fois modifiés :
- Le Traité de Rome de 1957 ayant créé la Communauté économique européenne (CEE), aujourd'hui appelé Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) ;
- Le Traité de Maastricht de 1992, aujourd'hui appelé Traité sur l'Union Européenne (TUE).
À la différence des traités internationaux "classiques", ces traités s'intègrent dans l'ordre juridique interne et permettent aux instances de l'Union européenne d'édicter des normes directement applicables dans le droit interne.
b. Le droit dérivé
Il comprend, pour l'essentiel, les règlements et les directives :
Le règlement est un acte normatif de portée générale dont l'applicabilité est immédiate et directe. Il a un effet direct vertical (entre les particuliers et l'État) et horizontal (entre particuliers), conformément à l'article 288 du TFUE.
La directive est un acte normatif de portée générale qui n'est pas dotée de l'applicabilité immédiate. Elle fixe des prescriptions minimales applicables progressivement (article 153 du TFUE).
Pour avoir un effet direct, la directive doit en principe être transposée en droit interne. Par exception :
Un particulier peut invoquer une directive non transposée contre un organisme détenteur de la puissance publique (effet direct vertical) à condition qu'elle soit claire, précise et inconditionnelle (CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, aff. 41/74).
Les juridictions internes interprètent le droit national à la lumière de la directive (technique de l'interprétation conforme), ce qui permet, dans les faits, à un particulier d'invoquer la directive non transposée contre un autre particulier.
3. La place des traités internationaux dans la hiérarchie des normes
La relation entre les sources constitutionnelles et les sources internationales est complexe :
En vertu de l'article 54 de la Constitution, un traité international comportant une clause contraire à la Constitution ne peut être ratifié sans que la Constitution ait été révisée au préalable. La Constitution est ainsi supérieure aux traités dans la hiérarchie des normes.
La Cour de cassation (arrêt Fraisse, Ass. plén., 2 juin 2000) et le Conseil d'État (arrêt Sarran, CE, 30 octobre 1998) ont confirmé que les dispositions de valeur constitutionnelle l'emportent sur les traités internationaux.
Toutefois, concernant le droit de l'Union européenne, deux conceptions s'opposent :
- La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) juge que le droit dérivé prime sur la Constitution des États membres (arrêt Internationale Handelsgesellschaft, CJUE, 17 décembre 1970).
- Le Conseil constitutionnel, quant à lui, juge qu'une loi transposant une directive peut être censurée si elle heurte une règle ou un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf si le constituant y a consenti (décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006).
Les sources légales
Pour une majorité de personnes, le droit et la loi sont des synonymes. On imagine souvent le droit comme issu du seul Parlement. En réalité, la loi (les sources légales) ne constitue qu’une source parmi une multitude de sources.
Toutefois la loi reste une source fondamentale du droit français. Elle peut être définie de deux manières : au sens strict (définition organique), la loi est une règle de droit écrite, générale et permanente, élaborée par le parlement ; au sens large (définition fonctionnelle), la loi désigne toute règle de droit émanant de l'autorité publique. Dans ce dernier sens, elle n’est donc pas simplement issue du Parlement.
1. Les types de lois
On distingue plusieurs types de lois dans notre système juridique.
Les lois constitutionnelles sont celles qui modifient la Constitution. Elles suivent une procédure particulière prévue à l'article 89 de la Constitution, impliquant un vote des deux assemblées puis une adoption soit par référendum, soit par le Parlement réuni en Congrès à la majorité des trois cinquièmes.
Les lois organiques fixent les modalités de fonctionnement des pouvoirs publics. Elles sont prévues par la Constitution pour préciser l'organisation et le fonctionnement des institutions. Leur adoption suit une procédure particulière qui comprend notamment un délai de réflexion obligatoire, un contrôle obligatoire par le Conseil constitutionnel avant leur promulgation et, pour les lois organiques relatives au Sénat, un vote dans les mêmes termes par les deux assemblées.
Les lois ordinaires sont les textes votés par le Parlement dans un domaine de compétence qui lui est reconnu par la Constitution (article 24). Si le texte soumis au Parlement a une origine gouvernementale, c'est un projet de loi. S'il a une origine parlementaire, c'est une proposition de loi. Ces lois constituent la majeure partie de la production législative et touchent tous les domaines où le Parlement est compétent.
Enfin, les lois référendaires sont adoptées directement par le peuple français suite à un référendum organisé conformément à l’article 11 de la Constitution. Contrairement aux lois ordinaires, elles ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité a posteriori selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
2. Le domaine de la loi
En France, depuis la Constitution de 1958, la loi ne peut pas intervenir dans tous les domaines. Un domaine est spécialement attribué au législateur.
Le domaine de la loi est ainsi fixé par les articles 34 et 37 de la Constitution. Le pouvoir législatif est partagé entre le législateur (le Parlement) et le pouvoir réglementaire (le Gouvernement).
Concernant le domaine du législateur, sa compétence est précisément délimitée. Dans le domaine entièrement législatif, le législateur a une compétence totale pour légiférer dans plusieurs domaines dits « réservés », tels que les libertés publiques, la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, la détermination des crimes et délits, et d'autres. Dans le domaine partiellement législatif, le législateur est simplement compétent pour « déterminer les principes fondamentaux » dans d'autres domaines énumérés par la Constitution, le pouvoir réglementaire devant préciser ces principes. Cette compétence du législateur est qualifiée de « compétence d'attribution », car elle est limitée aux domaines expressément énumérés (on « attribue » au législateur certains domaines spécifiques).
Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi. Cette autorisation est donnée par une loi d'habilitation qui fixe le délai pendant lequel le Gouvernement peut agir et les matières concernées. Ces ordonnances ont initialement une valeur réglementaire, mais après ratification par le Parlement, elles acquièrent valeur législative. Si elles ne sont pas ratifiées, elles demeurent en vigueur mais conservent une valeur réglementaire.
Les sources règlementaires
Le règlement est un acte administratif à caractère général et impersonnel édicté par le pouvoir exécutif, c’est-à-dire par le gouvernement. Dans notre système juridique français, on distingue trois types de règlements.
Le règlement autonome intervient dans les matières qui ne sont pas réservées à la loi. En vertu de l'article 37 de la Constitution, le pouvoir réglementaire dispose d'une compétence de droit commun pour fixer des règles dans tous les domaines non attribués expressément au législateur. Ces règlements ne sont soumis à aucune loi et ne dépendent que de la Constitution. Comme évoqué plus haut, le domaine de la loi n’est donc plus illimité.
Il s’agit d’une des manifestations du parlementarisme rationalisé dont l’objectif était d’amenuir les pouvoirs du Parlement. Ce thème est évoqué dans le cours de droit constitutionnel.
Le règlement d'application permet de mettre en œuvre une loi qui nécessite des précisions pour être applicable. Ce règlement complète la loi sans pouvoir la contredire. On trouve de nombreux décrets d'application en droit du travail, car l'article 34 de la Constitution confie au législateur uniquement la compétence de déterminer les principes fondamentaux dans ce domaine.
Par exception, le règlement peut intervenir dans les domaines réservés à la loi dans deux cas : avec les ordonnances de l'article 38 de la Constitution, qui permettent au gouvernement de légiférer temporairement sur habilitation du Parlement, et lors de l'application de l'article 16 qui donne des pouvoirs exceptionnels au Président de la République en cas de crise grave.
Les règlements sont hiérarchisés selon l'autorité qui les édicte : d'abord les décrets (du Président de la République ou du Premier ministre), puis les arrêtés (ministériels, préfectoraux ou municipaux).
Le contrôle de leur légalité est assuré par les juridictions administratives, soit par recours pour excès de pouvoir (annulation erga omnes), soit par exception d'illégalité (effet limité à un litige particulier).
Les sources non écrites
La coutume est la principale source non écrite du droit français. Elle se définit comme une règle qui n'est pas édictée en forme de commandement par les pouvoirs publics, mais qui est issue d'un usage général et prolongé et de la croyance en l'existence d'une sanction à l'observation de cet usage.
Pour qu'une pratique devienne une coutume, deux éléments doivent être réunis. L'élément matériel est une pratique générale (largement répandue), constante (régulièrement suivie) et ancienne. L'élément psychologique, quant à lui, consiste en la conviction des sujets de droit d'agir en vertu d'une règle obligatoire (opinion juris).
Le rôle de la coutume dans notre système juridique peut prendre trois formes.
Parfois, la loi renvoie expressément à la coutume (coutume secondum legem), comme lorsque le Code civil permet au juge de compléter les obligations contractuelles en se référant aux usages (C. civ., art. 1194).
Dans d'autres cas, la coutume comble une lacune de la loi (coutume praeter legem), comme ce fut le cas pour la preuve de la qualité d'héritier par acte de notoriété avant sa consécration par l'article 730 du Code civil.
Enfin, dans des situations exceptionnelles, la coutume peut aller contre une loi supplétive (coutume contra legem), comme l'illustre la validité reconnue au don manuel malgré l'article 931 du Code civil imposant un acte notarié pour les donations.
Bien que marginalisée par la multiplication des textes, la coutume garde une place significative dans certains domaines comme le droit commercial, le droit rural ou les usages locaux.
II. Les sources indirectes du droit
Les sources indirectes du droit ne créent pas directement des règles juridiques obligatoires comme le font la Constitution, la loi ou les règlements. Cependant, elles influencent considérablement l'interprétation, l'application et l'évolution des règles de droit. Ces sources sont qualifiées d'indirectes, car elles contribuent à la formation du droit sans être officiellement reconnues comme créatrices de normes juridiques.
La jurisprudence
La jurisprudence représente l'ensemble des décisions rendues par les juridictions nationales. Plus précisément, elle désigne les solutions habituellement données par les tribunaux à une question de droit. Bien qu'elle ne soit pas officiellement reconnue comme une source du droit en France, son importance pratique est incontestable.
Le système juridique français est fondé sur le principe de séparation des pouvoirs, consacré par l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Selon ce principe, le pouvoir de créer des règles juridiques appartient au législateur et non au juge. L'article 5 du Code civil prohibe d'ailleurs les « arrêts de règlement », interdisant aux juges d'édicter des règles générales et abstraites pour l'avenir. De même, l'article 1355 du Code civil établit le principe de l'autorité relative de la chose jugée, signifiant que les décisions de justice ne s'imposent qu'aux parties au litige.
Néanmoins, la jurisprudence constitue en réalité une véritable source de droit pour plusieurs raisons fondamentales. Tout d'abord, certains textes législatifs obligent indirectement les juges à créer du droit. L'article 4 du Code civil interdit au juge de refuser de statuer sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, l'obligeant ainsi à trouver une solution même en l'absence de texte applicable. De plus, l'obligation de motivation des décisions imposée par l'article 455 du Code de procédure civile conduit la Cour de cassation à formuler des règles de droit lorsque la loi est imprécise ou incomplète.
La jurisprudence bénéficie également d'une autorité considérable dans le système juridique français. La Cour de cassation, par sa mission d'unification du droit, exerce une influence déterminante sur l'interprétation des textes. Les juges du fond doivent se conformer aux règles dégagées par la Cour suprême, sous peine de voir leurs décisions cassées. Par ailleurs, les professionnels du droit peuvent engager leur responsabilité s'ils ne tiennent pas compte des solutions jurisprudentielles établies, comme l'a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 février 2009.
Le caractère créateur de la jurisprudence se manifeste concrètement dans de nombreux domaines. Par exemple, la Cour de cassation a défini la notion de faute en matière de responsabilité civile, qui n'était pas précisée par le Code civil. Dans les arrêts Derguini et Lemaire du 9 mai 1984, elle a abandonné la nécessité pour l'auteur du dommage d'avoir conscience de commettre un dommage pour retenir l'existence d'une faute. De même, elle a consacré le principe de l'enrichissement sans cause, qui n'était pas expressément prévu par le législateur.
Un aspect particulièrement révélateur du rôle de la jurisprudence comme source du droit concerne les revirements de jurisprudence pour l'avenir. Traditionnellement, les revirements jurisprudentiels sont rétroactifs par nature, puisque la nouvelle interprétation s'applique à des faits antérieurs à la décision. Cette rétroactivité peut porter atteinte à la sécurité juridique des justiciables qui ont agi conformément à l'ancienne jurisprudence.
C'est pourquoi, dans certains cas, la Cour de cassation procède désormais à des revirements de jurisprudence pour l'avenir, en modulant dans le temps les effets de sa nouvelle interprétation. Cette pratique, fondée sur le principe d'accès à la justice, le droit à un recours effectif garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, et le principe de sécurité juridique, démontre clairement le pouvoir normatif de la jurisprudence. En décidant que sa nouvelle interprétation ne s'appliquera qu'aux situations futures ou en excluant certaines instances en cours, la Cour de cassation agit véritablement comme un créateur de règles juridiques.
La doctrine
La doctrine constitue la seconde source indirecte majeure du droit. Elle rassemble l'ensemble des opinions émises par les juristes, qu'ils soient universitaires ou praticiens comme les avocats, sur l'interprétation, l'application et l'évolution du droit.
Si la doctrine n'a pas de force contraignante directe, son influence sur la création et l'évolution du droit est considérable. Elle s'exprime à travers diverses formes : des écrits comme les manuels, traités, recueils ou commentaires d'arrêts, mais aussi des formes orales comme les colloques, conférences ou plaidoiries. Elle peut émaner d'individus ou de groupes de personnes partageant une vision commune du droit.
La doctrine remplit deux fonctions essentielles qui en font une source indirecte du droit. D'une part, elle explicite le droit en le rendant plus accessible et compréhensible. Les juristes analysent, systématisent et clarifient les règles juridiques, permettant ainsi une meilleure connaissance et application du droit. D'autre part, la doctrine critique le droit existant dans le but de le faire évoluer. Par ses commentaires et suggestions, elle influence considérablement les juges dans leurs interprétations et le législateur dans ses réformes.
Les juges, confrontés à des questions juridiques complexes, s'appuient fréquemment sur les analyses doctrinales pour forger leurs décisions. De même, le législateur consulte souvent les travaux doctrinaux avant d'élaborer de nouvelles lois. Certains auteurs ont ainsi pu influencer profondément l'évolution du droit français par leurs écrits, leurs analyses ayant parfois été consacrées par la jurisprudence ou reprises dans des textes législatifs.
La théorie de l'effet immédiat du Professeur Paul Roubier illustre parfaitement l'influence de la doctrine sur le droit positif. Face aux problèmes d'application des lois dans le temps, Roubier a développé une théorie distinguant entre la rétroactivité, la non-rétroactivité, l'application immédiate et la survie de la loi ancienne. Sa distinction entre les effets déjà réalisés (régis par la loi ancienne) et les effets futurs (régis par la loi nouvelle), avec l'exception des contrats, a été adoptée par la Cour de cassation et est désormais systématiquement utilisée par les juges pour résoudre les conflits de lois dans le temps. Cet exemple montre comment une construction intellectuelle d'un professeur devient un outil d'analyse officiel des tribunaux
III. Les « fausses » sources du droit
Certaines références sont parfois présentées à tort comme des sources de règles juridiques. Il s'agit notamment de la morale et de la religion.
Le droit et la morale
La morale est souvent confondue avec le droit, mais elle constitue une dimension distincte. Le droit n'est pas la morale : toutes les règles morales ne sont pas juridiques et inversement, certaines règles juridiques n'ont aucun fondement moral.
Le droit et la religion
Dans un État laïque comme la France, la religion ne constitue pas une source directe du droit moderne. Le principe de laïcité implique une séparation entre les sphères juridique et religieuse.
Historiquement influentes (comme le droit canonique), les règles religieuses n'ont plus de valeur juridique contraignante. Certaines règles d'origine religieuse ont pu être intégrées dans le droit positif, mais elles tirent leur force obligatoire de leur adoption par l'autorité publique compétente et non de leur source religieuse.
IV. La hiérarchie des sources du droit
L’ensemble de ces normes issues des différentes sources du droit sont hiérarchisées, c'est-à-dire classées par ordre d'importance afin que l'on sache, lorsqu'elles se contredisent, laquelle doit être appliquée. Il s’agit de la hiérarchie des normes.
Pour en savoir plus, je vous invite à lire ce cours complet sur la pyramide de Kelsen.
Le thème des sources du droit est généralement étudié au début de chaque matière juridique. Par exemple, le cours de droit du travail débute par la présentation des sources du droit du travail, le droit des personnes par une présentation des sources du droit des personnes, etc.